Les Grandes Familles
de Maurice Druon

critiqué par Cédelor, le 12 juin 2020
(Paris - 53 ans)


La note:  étoiles
Les Grandes Familles
De Maurice Druon, j’avais tellement aimé sa saga historique « Les Rois maudits », lu durant ces mois de confinement, qu’il ne m’aurait pas déplu de lire un autre de ses livres. Coup de bol, j’avais justement dans ma petite bibliothèque privée (dont les portes tiennent encore sous la poussée des livres qu’ils renferment !), le roman « Les grandes familles, dans une belle édition, dite édition de Crémille, avec une indication « Exemplaire réservé par François Beauval pour ses amis bibliophiles », dans une couverture rouge incrustée d’arabesques dorées, où, au centre, on voit les lettres MD en majuscules artistement entremêlés. MD pour Maurice Druon, bien sûr. J’en avais fait l’acquisition lors d’un vide-grenier l’an dernier, me disant que pour avoir paru imprimé dans une telle édition, le roman ne pouvait pas être mauvais, bien que je ne connusse pas le titre ni de quoi ça parle, et que le nom de l’auteur ne me disait que vaguement quelque chose.
Enfin, j’estimais le moment venu de le lire. J’imaginais que ça devait parler de riches et puissantes familles, d’où seront relatées les grandeurs et les bassesses, les dignités et les tragédies. Je n’étais pas sûr d’avoir vraiment envie de lire cela, mais « Les Rois maudits » non plus et j’ai adoré ! Alors ça pouvait être pareil pour « Les Grandes Familles ».

Voilà, maintenant, j’ai fini de le lire et je peux en parler en connaissance de cause. Alors oui, ça parle bien de riches et puissantes familles, de leurs grandeurs et bassesses, de leurs dignités et tragédies, sur ce point-là, je ne m’étais pas trompé. Là où j’ai eu faux, en partie du moins, c’est que ça n’a pas été pareil que pour « Les Rois maudits », je n’ai pas adoré. Explications.

C’est l’histoire des familles Schoudler, une famille de banquiers d’origine aristocratique, patrons de presse, et De La Monnerie, une famille d’aristocrates et de militaires, dans l’entre-deux guerres des années folles. Le roman s’ouvre d’ailleurs sur une réunion de membres de ces familles à la naissance d’un petit Schoudler, appelé à prendre leur succession un jour. On les suit tout au long du roman, eux et d’autres membres de leurs familles, particulièrement Lucien Maublanc, né d’une relation adultérine, et d’autres personnages, comme Simon Lachaume ou Sylvaine Dual, pour ne citer que 2 des principaux, et il y en a beaucoup ! Bref, le livre raconte leurs destins entrecroisés, où les passions humaines de l’amour, de l’argent, de la gloire, de la haine sont représentées comme des motivations premières de leurs actions. Pas nouveau, certes mais tout dépend comment c’est rendu.

De côté-là, cela a mal vieilli, ce qu’on lit est daté, la façon dont c’est raconté, dans un style tout à propre et soigné, m’a ennuyé quelque peu. J’ai eu du mal à trouver de l’intérêt aux différentes péripéties des personnages de ce roman, dont beaucoup sont des vieillards. Je ne voyais pas à quoi rimait tout ça, quel en était le but. Ce n’est qu’au deux tiers du roman que l’intensité dramatique décolle enfin, et où, entre autres, se déroule une grande scène superbe, celle de Noël Schoulder à la Bourse. Il m’a semblé avoir déjà vu la même dans un film et effectivement il y a eu un film tiré du livre avec Jean Gabin, c’est sûrement celle-là dont j’ai eu réminiscence. Mais hélas, attendre 2/3 d’un roman pour parvenir à y trouver de l’intérêt, non, c’est trop, cela vient trop tard pour sauver l’ensemble.

Il reste qu’on y retrouve la douce ironie qu'il y avait dans les rois maudits. Une douce ironie avec laquelle l’auteur a écrit une sorte de comédie humaine et y a posé son regard à la fois indulgent et gentiment moqueur sur les travers humains, tels que l'orgueil, la lubricité, la soif d’argent et de pouvoir, le désir de reconnaissance, la peur de la vieillesse et de la mort, etc. Et c’est justement ce ton de léger raillerie qui affaiblit la portée du livre, lui fait perdre de la puissance d’évocation (sauf sur certaines scènes, celle de la Bourse, par ex) et qui le rend plus terre à terre, plus banal, et donc plus ennuyeux qu’il n’aurait pu être, malgré qu’il soit sans concessions aucunes.

Donc, on va dire que j’ai plutôt été déçu. Ce livre a quand même reçu le Prix Goncourt en 1948. Comme quoi, l’appréciation de qualité qu’on peut porter sur un livre est vraiment personnelle et varie, non seulement d’une personne à l’autre mais également d’une époque à l’autre. J’ai ensuite découvert sur internet qu’il est le premier tome d’une trilogie, dont les suivants sont « La chute des corps » et « Rendez-vous en enfer », que je ne lirai probablement pas s’ils doivent être du même tonneau que le premier. Enfin, comme je ne dis jamais « jamais »…

Pour illustrer cette critique, j’ai pu trouver une photo correspondante à cette belle édition de Crémille sur internet (cette corne d’abondance 2.0 est presque sans limites), mais pour que ce soit plus parlant, j’en rajoute une autre.