La force de l'âge
de Simone de Beauvoir

critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 3 août 2004
(Liernu - 56 ans)


La note:  étoiles
La saga continue...
Deuxième volet de ses mémoires, ce livre couvre quelques quinze années, de 1929 (Simone a alors 21 ans) à 1945. Très curieusement, le thème qui le sous-tend est éloigné de ce qu’on pourrait imaginer (l’insouciance de la jeunesse). Il s’agit plutôt de la conception que Beauvoir se fait de la mort, qui rejaillit évidemment sur la vie en lui donnant son sens. L’intérêt du livre tient également au retour critique permis par le délai entre les événements et leur relation : « La Force de l’âge » paraît en 1960, soit 30 ans après les faits décrits.

Lorsqu’en 1929 Simone rentre à Paris, sa relation avec Sartre n’en est encore qu’à ses débuts et fait pourtant déjà figure de lien indéfectible. Un lien particulier cependant. Sartre n’est pas un adepte de la monogamie ! Pour lui, chaque rencontre promet de nouvelles richesses : il serait idiot de s’en priver. Sartre s’explique : « Entre nous (...) il s’agit d’un amour nécessaire : il convient que nous connaissions aussi des amours contingentes ». Il lui propose un bail de deux ans aux cours desquels ils se consacreraient totalement l’un à l’autre, sans interférence aucune. Ensuite, ils pourraient être séparés, même pour deux ou trois ans, « rien ne prévaudrait contre cette alliance ». Sartre a beau faire le fanfaron, cela ne l’empêchera pas, sur le point d’être envoyé au Havre pour enseigner alors que Simone est parachutée à Marseille, de lui proposer le mariage, pour ne pas être séparés... Simone refusera tout net (« Le mariage multiplie par deux les obligations familiales et toutes les corvées sociales »).

Le temps partagé ensemble est consacré avant tout à la conversation, à l’émergence de théories qu’ils défendent bec et ongle devant les contre-arguments, mais qu’ils mettent en pièces le lendemain au profit d’une nouvelle : on les voit s’exercer au jeu philosophique. Apparaissent les premières manifestations de l’existentialisme chez Sartre et chez Simone, qui ne feront que grandir : « Rien donc ne nous limitait, rien ne nous définissait, rien ne nous assujettissait ; nos liens avec le monde, c’est nous qui les créions ; la liberté était notre substance même », quoiqu’ils conçoivent chacun cette liberté d’une manière différente.

Au point de vue littéraire, c’est pendant cette période que sera publié « L’Invitée », premier roman de Simone. Elle en fait une analyse pointue et dénuée de la moindre indulgence. « Le Sang des autres » suivra et fera l’objet d’un décorticage identique. Sartre publie également. Petit à petit, ils constituent un cercle intellectuel et nous voyons défiler des personnages tels que Camus, Queneau, Picasso, Giacometti, ...

Beauvoir raconte aussi par le menu les nombreux voyages effectués pendant les vacances scolaires. Adepte de la marche à pied, elle s’y adonne sans mesure, le plus souvent en solitaire, sans précaution, sans équipement adéquat. Ce qui devait arriver arriva : la chute, grave, et la première confrontation directe avec la mort. L’idée qu’elle s’en faisait continuera à évoluer, notamment à l’occasion d’une deuxième très vilaine chute, en vélo cette fois.

Leur rapport à l’argent est ambigu. Ils méprisent la bourgeoisie mais Simone a la lucidité de préciser : « Notre indifférence à l’argent était un luxe que nous pouvions nous offrir parce que nous en possédions assez pour ne pas souffrir du besoin et pour n’être pas acculés à des travaux pénibles. Notre ouverture d’esprit, nous la devions à une culture et à des projets accessibles seulement à notre classe. C’était notre condition de jeunes intellectuels petits-bourgeois qui nous incitait à nous croire inconditionnés ». Donc, ils en gagnent de l’argent, mais ils ne roulent pas sur l’or. Il est hallucinant de voir qu’ils ne considèrent pas leur salaire comme une « propriété » épuisable. Ils l’utilisent tant qu’il y en a. Par exemple en le donnant à certains de leurs amis dans la difficulté., quitte à soi-même n’avoir plus un sou, littéralement, pour manger.

Bien entendu, le climat politique s’envenime. La menace du nazisme n’est tout d’abord pas prise au sérieux. Puis la guerre éclate. Sartre sera rappelé, envoyé au front, fait prisonnier, libéré puis démobilisé. Simone décrit les alertes, le couvre-feu, la pénurie alimentaire. Mais le plus impressionnant est de constater que la vie continue : Simone va et vient, avec ou sans Sartre, franchissant la ligne de démarcation pour passer des vacances en zone libre !

Cette critique est déjà trop longue, mea culpa : ce livre regorge, que dis-je, déborde, de renseignements passionnants sur les protagonistes et sur l’époque. De surcroît, Simone de Beauvoir nous gratifie d’une écriture, non point facile, certes, mais riche, et cela vaut bien un petit effort !
La constitution d'un couple d'intellectuels atypiques 8 étoiles

Simone de Beauvoir s'assied professionnellement et intellectuellement. Elle enseigne, s'épanouit, et se met donc en concubinage avec Jean-Paul Sartre dans un couple ouvert, y compris au triolisme, notamment avec Olga. Ils connaissent la guerre, l'occupation, les privations, tentent de vivre aisément et de se divertir malgré les circonstances. Sartre fait son service militaire, la conjoncture les éloigne et ne contribue pas à la souder en couple installé, ce qu'ils refuseront toujours, préférant la liberté et la libre conscience, tout en reniant le confort facile. Cette union, tant intellectuelle que physique, se cristallise. Ils discutent de leurs projets littéraires et philosophiques, pour créer entre eux une saine émulation.
Ces mémoires font mieux comprendre le schéma de fonctionnement de cette intellectuelle et de sa conception de la vie privée. C'est intéressant, d'autant que son féminisme s'affirme.

Veneziano - Paris - 46 ans - 1 janvier 2019


A force de lire. 3 étoiles

C'est le volet de ses études, elle termine son lycée et enfin elle termine son université. Vient alors l'heure du travail, la fonction publique, elle est envoyée à Marseille, enfin ; le ciel bleu elle ne le voit pas et la mer reste inexistante, elle préfère décortiquer ses collègues, elle écrit son essai à l'âge de soixante ans et explique une anecdote, un dimanche elle part en bus à la sainte victoire en compagnie d'une collègue, trop bavarde elle l'ennuie, durant la journée elle réussit à la distancer et prendre le bus, elle est contente de voir sa collègue rater le bus de peu. Quel bon souvenir. Après elle rentre à Paris et s'installe à Saint Germain des Prés, elle rencontre plusieurs personnes connues dans les bistrots, comme son futur copain Jean-Paul Sartre. Vient la guerre, là rien de nouveau, seul ses amis existent autour d'elle, pis il reste les restaurants du boulevard, des godets et des cigarettes, en plein conflit, aux deux magots, le menu d'un jour c'est une soupe et une patate, ben tant pis, elle en profite pour faire un régime. Pis le conflit se termine, il y a la libération, là rien n'existe autour d'elle, sauf, en août 1944, elle pouffe de soulagement car elle peut enfin retourner boire son café à la terrasse du café de Flore, pis autour rien n'existe; elle n'a pas vu les combattants décédés dans les rues du quartier. Le livre se termine à la fin de la guerre, la suite au troisième volume. Le constat, elle ne voit rien mis à part ses amis, le monde extérieur n'existe pas, elle prouve qu'elle n'avait que faire de la politique et par conséquent que faire de convictions que cela soit existentielle ou communiste, elle restait dans le mouvement, dans le coup, afin de vendre et rien d'autre, vendre ses mots, et rien d'autre.

Obriansp2 - - 54 ans - 3 janvier 2016