La lumière de l'archange
de Gérard Adam

critiqué par Débézed, le 19 juillet 2020
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Pandémie apocalyptique
En cette période de pandémie, les Editions M.E.O rééditent ce roman de Gérard Adam écrit entre 1986 et 1990, un texte prémonitoire qui évoque une épidémie née au cœur de l’Afrique, aux confins de la Centrafrique, du Congo (Zaïre) et du Cameroun, menaçant l’avenir même de l’humanité en 1999, au moment du changement de millénaire même si celui-ci n’est effectif qu’à la fin de l’an 2000. Pour bien comprendre ce livre il faut bien apprécier les divers temps qu’il comporte : celui de l’écriture, entre 1986 et 1990, celui de l’intrigue, 1999, celui de la réédition, 2020, et sans qu’il y soit fait allusion celui de la pandémie devenue effective, 2019/2020. La pandémie actuelle pourrait donc être celle que Gérard Adam a annoncée dans son livre à la fin des années quatre-vingt du siècle dernier, celle qui ne serait pas advenue au changement de millénaire mais peut-être celle qui sévit actuellement. Il convient aussi de prendre en compte le temps d’avant, le temps de l’enfance, le temps de la jeunesse, le temps de la construction des amitiés et des réseaux, notamment le Club Saint Michel., le temps des bonheurs et des épreuves.

Pour suivre l’histoire il faut aussi bien situer les événements dans l’espace, le cœur de l’Afrique qui voit naître l’épidémie, la région de Nola notamment, le monastère de San Miquel de Mar lieu mythique où vivent deux personnages gardiens de la mythologie qui a vu naître le Club Saint Michel, le lieu de l’enfance du héros, Pierre Lhermitte, l’Occitanie, le lieu de sa convalescence non loin du monastère, et tous les lieux, dispersés dans le monde, qui hébergent les chercheurs réunis au sein de Club Saint Michel

L’épidémie qui a pris naissance au cœur de l’Afrique a atteint le Professeur Lhermitte, responsable de son éradication, il passe sa convalescence à proximité du monastère avant de rejoindre son poste au cœur de l’Afrique, sur le terrain, pour contenir l’épidémie et sa nouvelle phase qui se dessine. Cette épidémie ressemble à toutes les épidémies virales comme celle que nous connaissons actuellement. Gérard Adam est médecin, il a été affecté en Afrique pour combattre, entre autres, ce type de maladie, il connait très bien le sujet. Et, déjà il y a trente ans, il évoquait les conflits de personnes sur la gestion de la crise sanitaire, sur les méthodes de lutte contre le virus, sur la compétition entre les chercheurs mais aussi des luttes d’égos…

L’aspect sanitaire est très important dans le livre mais il n’en est pas le cœur, l’auteur cherche plus à montrer l’aspect humain d’une telle crise, véritable révélateur des forces et faiblesses humaines devant la remise en cause de de l’humanité elle-même. Comme l’histoire est racontée par le héros qui a connu lui-même la maladie, il peut évoquer un chapitre souvent éludé, celui de la souffrance, de la douleur, du délire, de la peur, du stress… sur lesquels il met des mots, des images, des pensées, des angoisses…Il évoque aussi l’aspect social en envisageant la naissance d’une autre société dans un autre monde.

Mais l’aspect de cette prémonition qui me parait le plus important est la dimension métaphysique que l’auteur donne à sa prémonition, il semble bien qu’il ait été, et soit encore, plus ou moins convaincu qu’un risque de pandémie fatale pour l’humanité existe bien. C’est peut-être pourquoi, il a voulu donner cette dimension mystique à son histoire, la lutte entre Saint Michel, celui du monastère, et le dragon qui incarne le diable. La lutte du bien contre le mal, la lutte entre ceux qui considèrent le mal comme une punition divine et ceux qui croit encore en l’homme. Gérard Adam puise au plus profond de la foi cathare à travers une approche mythanalytique enseignée par une vieille dominicaine gardienne des croyances médiévales qui envoyaient les ordres mendiants sur les chemins de la chrétienté pour rappeler les croyants, comme les autres, à l’humilité, la charité, la foi, et toutes les vertus qui font considérer l’autre avant soi, le pauvre avant le riche. Le raisonnement de l’auteur ne s’arrête pas là, il va plus loin encore au plus profonde d l’homme, peut-être là où certains considèrent que siège le cerveau reptilien, celui qui existait avant que l’homme pense, celui qui guidait l’homme vers la survie, le développement de son espèce, la station debout là où il allait migrer pour que l’homme pense. Mais la pensée n’enfante pas que le bien, elle peut accoucher aussi du mal, celui qui anéantira l’espèce sauf si quelques êtres « primitifs » dirigés par leur cerveau reptilien, réinventent la vie.

Ce livre est éminemment prémonitoire même s’il manque sa cible de deux décennies mais je ne crois pas que l’auteur voulait avertir l’humanité d’une telle possibilité, je pense qu’il voulait plutôt montrer que l’homme est le principal ennemi de l’homme et qu’un retour à des valeurs très primaires pouvait faire renaître une autre humanité plus … humaine. Mais, ce livre est tellement riche que chacun peut y trouver son message.