Pitcairn
de James Norman Hall, Charles Nordhoff

critiqué par Kostog, le 20 août 2020
( - 52 ans)


La note:  étoiles
Tous contre tous
La fin des révoltés de la Bounty laisse le lecteur dans l'expectative de ce qui a pu arriver aux insurgés du trois-mâts de la Royal Navy après qu'ils ont laissé les quelques membres de l'équipage qui ne s'étaient pas révoltés à Tahiti. Il sait que le terrible capitaine Bligh a pu avec une dizaine de ses hommes traverser une partie de l'océan Pacifique dans une malheureuse chaloupe pour rejoindre des rivages habités (épisode raconté dans le détail dans Dix neuf hommes contre la mer), puis regagner l'Angleterre, mais il ignore le destin des factieux.

C'est le propos de Pitcairn, roman dans lequel Charles Nordhoff et James Norman Hall nous racontent l'aventure de cette poignée de mutins qui, maîtres du navire gagnèrent l'îlot du même nom, perdu en dehors des routes maritimes, afin d'échapper à la justice britannique. Ils sont ainsi quinze hommes et douze femmes, Blancs et Polynésiens, à se réfugier en 1790. sur cette île relativement modeste, mais qui possède toutes les ressources naturelles nécessaires pour y vivre.

Le décor est paradisiaque et, hors la nostalgie que les Européens comme les Maoris peuvent ressentir vis-à-vis de la perte de leurs patries respectives, l'installation est couronnée de succès. Pitcairn pourrait être le lieu de la première société utopique et démocratique conformément aux voeux de leur chef, Fletcher Christian, acquis aux idées nouvelles, qui entend partager équitablement la terre et traiter Blancs et Polynésiens sur le même pied.

Mais la pastorale dure peu et les passions humaines fissurent une harmonie jamais réalisée : infidélités et jalousies, brutalité des marins à l'égard des Polynésiens, les ravages de l'alcool et l'incapacité de Fletcher Christian à tenir ces hommes font que la situation se détériore rapidement. Le règlement de compte éclate, inattendu, sanglant et dévastateur pour tous les habitants de l'île...

J'ai lu à plusieurs reprises que les trois romans qui composent la trilogie de la Bounty seraient de même facture et d'aussi bonne qualité. Ce n'est pas mon avis. Sans pouvoir m'exprimer au sujet de Dix-neuf hommes contre la mer que je n'ai pas lu, Pitcairn, bien que fort agréable de lecture, ne possède pas l'intensité dramatique qui perdure jusque dans les toutes dernières pages des Révoltés de la Bounty. Il est possible que Nordhoff et Hall en voulant respecter la réalité historique l'aient fait au détriment de la gradation des ressentiments existants entre les différents protagonistes, perdant de ce fait, le ressort essentiel du suspense lié à l'approche de ce déchaînement de violence.

Ces réserves étant exprimées, Pitcairn demeure une lecture recommandable qui offre un complément plaisant et instructif - par sa description des passions humaines - aux Révoltés de la Bounty.