La Grande Parade. Essai sur la survie de l'utopie socialiste de Jean-François Revel
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L'Idéologie s'oppose à : l'Intelligence, la Morale, l'Humanité !
Ce formidable Essai publié en 2000, de ce grand Penseur que fût Jean-François Revel, représente un florilège d’analyses concrètes, d’une pertinence rarissime, d’un intérêt intellectuel et moral indispensables pour éveiller les consciences ; voire tenter (si cela est encore possible ? !) de réveiller certaines consciences qui sont encore aujourd’hui, volontairement, sous domination idéologique, à propos des régimes totalitaires et en particulier…, du Communisme. Communisme, toujours dramatiquement encore au Pouvoir, en ce début de 21ème siècle, dans plusieurs pays du monde : en Chine, à Cuba, en Corée du Nord, au Vietnam, etc..
Au nom de cette Idéologie, le Communisme a exterminé extrêmement large : environ 100 000 000 de morts innocents dans le monde entre 1917 et la fin du 20ème siècle, pour créer un « peuple nouveau » et lui proposer un soi-disant « paradis » terrestre…, qui n’est bien évidemment jamais advenu !
En revanche, le Communisme a engendré un effroyable, monumental et absurde gâchis en vies humaines.
Voici donc ci-dessous, quelques pages d’anthologie incomparables et indispensables (selon moi) issues de la description et de l’analyse de l’auteur, concernant l’un des deux plus grands Mal du XXème siècle : le Totalitarisme Communiste.
* Pages 32 et 33 :
« Car, pour reprendre le raccourci symbolique du Mur, ce qui marque la faillite du communisme, ce n’est pas la chute du Mur de Berlin, en 1989, c’est sa construction, en 1961. Elle démontrait que le « socialisme réel » avait atteint un point de décomposition où il était contraint d’enfermer ses ressortissants pour les empêcher de le fuir. Malheureusement, le message tangible de cet éclatant aveu d’échec ne fut compris que par une minorité d’Occidentaux.
(…) C’est le déshonneur de l’Occident que le Mur fût en fin de compte abattu par les populations asservies au communisme en 1989 et non par les démocraties en 1961, comme il leur eût été si facile de le faire.
(…) L’utopie n’est astreinte à aucune obligation de résultats. Sa seule fonction est de permettre à ses adeptes de condamner ce qui existe au nom de ce qui n’existe pas.
* Pages 36 et 37 :
« Ainsi aux États-Unis comme en Europe, au moment où le communisme vient de s’effondrer et où l’horreur de son passé apparaît sous un jour enfin complet, ce sont les anciens anti-communistes qui sont mis en accusation, tandis que les anciens procommunistes entérinent avec une fierté redoublée les choix qu’ils ont faits.
Eux ne se sont pas trompés, ce sont leurs contradicteurs que l’histoire a réfutés. Pourquoi ? En particulier, parce que ces obsédés avaient qualifié le totalitarisme communiste d’irréversible. Or, il a disparu, donc l’événement leur a donné tort. J’ai déjà longuement répondu, en ce qui me concerne, à cette objection, dans le Le Regain démocratique (note n°1 : 1992, Fayard et Pluriel-Hachette. Voir notamment le chapitre sixième, « Le prévisible et l’imprévu », et l’annexe I, « De la réversibilité du communisme », reproduction d’un article paru en 1988). Je serai donc très succinct ici. J’ai souvent écrit que le communisme était irréversible dans ce sens qu’il était inamendable, mais je n’ai jamais dit qu’il fût irrenversable. J’ai même toujours dit le contraire. Le rêve de la gauche universelle – perfectionner le communisme, l’humaniser, le rendre le plus efficace économiquement et moins répressif politiquement, tout en y maintenant les structures maîtresses du socialisme – a été, partout et toujours, réfuté par la pratique. Un système totalitaire ne peut pas s’améliorer : il ne peut que se conserver ou s’effondrer. Ce qui est une autre manière de dire qu’il n’est pas réversible, mais qu’il est renversable. C’est pourquoi j’ai écrit dans La Tentation totalitaire (1976) : « La seule manière d’améliorer le communisme, c’est de s’en débarrasser. » C’est exactement ce qu’ont fini par comprendre et par faire les peuples de l’ex-Union soviétique et des colonies d’Europe centrale, entre 1989 et 1991. »
* Pages 62 à 65 :
« Un malentendu fausse quasiment toutes les discussions sur les mérites respectifs du socialisme et du libéralisme : les socialistes se figurent que le libéralisme est une idéologie. Et, suivant une soumission mimétique souvent décrite dans ces pages, les libéraux se sont laissés inculquer cette vision grossièrement erronée d’eux-mêmes. Les socialistes, élevés dans l’idéologie, ne peuvent concevoir qu’il existe d’autres formes d’activité intellectuelle.
(…) Si, par exemple, un libéral dit à un socialiste : « À l’usage, le marché semble être un moins mauvais moyen d’allocation des ressources que la répartition autoritaire et planifiée », le socialiste répond aussitôt : « Le marché ne résout pas tous les problèmes. » Certes ! Qui a jamais soutenu pareille ânerie ? Mais, comme le socialisme, lui, a été conçu dans l’illusion de résoudre tous les problèmes, ses partisans prêtent à leurs contradicteurs la même prétention. Or tout le monde n’est pas mégalomane, heureusement. Le libéralisme n’a jamais eu l’ambition de bâtir une société parfaite. Il se contente de comparer les diverses sociétés qui existent ou ont existé et de retenir les leçons à tirer de l’étude de celles qui fonctionnent ou ont fonctionné le moins mal. Pourtant, de nombreux libéraux, hypnotisés par l’impérialisme moral des socialistes, acceptent la discussion sur le même terrain qu’eux. « Je crois à la loi du marché, mais elle ne suffit pas », déclare l’économiste américain Jeremy Rifkin (note n°1 : Le Monde, 20 avril 1999). « Le marché libre ne peut tout résoudre », renchérit le spéculateur George Soros (note n°2 : Jeune Afrique, 1er juin 1999. Repris de la New York Review of Books). Ces piètres truismes émanent d’un système de pensée figé, selon lequel le libéralisme serait une théorie opposée au socialisme par ses thèses mais identique à lui par ses mécanismes.
Or il n’est ni l’un ni l’autre. Le libéralisme n’a jamais été une idéologie, j’entends n’est pas une théorie se fondant sur des concepts antérieurs à toute expérience, ni un dogme invariable et indépendant du cours des choses ou des résultats de l’action. Ce n’est qu’un ensemble d’observations, portant sur des faits qui se sont déjà produits. Les idées générales qui en découlent constituent non pas une doctrine globale et définitive, aspirant à devenir le moule de la totalité du réel, mais une série d’hypothèses interprétatives concernant des évènements qui se sont effectivement déroulés.
(…) Il faut donc réfuter l’affrontement entre socialisme et libéralisme comme étant l’affrontement de deux idéologies. Qu’est-ce qu’une idéologie ? C’est une construction a priori, élaborée en amont et au mépris des faits et des droits, c’est le contraire à la fois de la science et de la philosophie, de la religion et de la morale. L’idéologie n’est ni la science, pour laquelle elle a voulu se faire passer ; ni la morale, dont elle a cru détenir les clefs et pouvoir s’arroger le monopole, tout en s’acharnant à en détruire la source et la condition : le libre arbitre individuel ; ni la religion, à laquelle on l’a souvent et à tort comparée. La religion tire sa signification de la foi en une transcendance, et l’idéologie prétend rendre parfait ce monde-ci. La science accepte, je dirai même provoque, les décisions de l’expérience, et l’idéologie les a toujours refusées. La morale repose sur le respect de la personne humaine, et l’idéologie n’a jamais régné que pour la briser. Cette funeste invention de la face noire de notre esprit, qui a tant coûté à l’humanité, engendre en outre, chez ses adeptes, ce curieux travers qui consiste à prêter à autrui leur propre forme d’organisation mentale. L’idéologie ne peut pas concevoir qu’on lui oppose une objection si ce n’est au nom d’une autre idéologie.
Or toute idéologie est un égarement. Il ne peut pas y avoir d’idéologie juste. Toute idéologie est intrinsèquement fausse, de par ses causes, ses motivations et ses fins, qui sont de réaliser une adaptation fictive du sujet humain à lui-même – à ce « lui-même », du moins, qui a décidé de ne plus accepter la réalité, ni comme source d’information ni comme juge du bien-fondé de l’action.
C’est donc un non-sens, quand une idéologie est morte, de se dire qu’il faut de toute urgence la remplacer par une autre. Remplacer une aberration par une aberration, c’est de nouveau céder au mirage. Peu importe alors quel mirage se substitue au précédent, car ce n’est pas le contenu d’une illusion qui compte, c’est l’illusion même.
Le libéralisme n’est pas le socialisme à l’envers, n’est pas un totalitarisme idéologique régi par des lois intellectuelles identiques à celles qu’il critique. Cette méprise rend absurde le dialogue entre socialistes et libéraux.
(…) Mais, outre que le libéralisme n’a jamais été un fanatisme lancé contre un autre, je n’ai jamais lutté contre le communisme au nom du libéralisme, ou seulement au nom du libéralisme. J’ai lutté contre le communisme avant tout au nom de la dignité humaine et du droit à la vie. Que la faillite permanente et ridicule des économies administrées ne fût pas sans apporter quelques arguments aux économistes libéraux – encore que bien des socialistes le nient encore aujourd’hui farouchement – c’était incontestable, mais ce n’était pas l’essentiel. Quand on se trouve devant une prison doublée d’un asile de fous et d’une association de meurtriers, on ne se demande pas s’il faut les détruire au nom du libéralisme, de la social-démocratie, de la « troisième voie », du « socialisme de marché » ou de l’anarcho-capitalisme. De telles arguties sont même indécentes, et le débat sur libéralisme ou social-étatisme ne peut renaître légitimement que dans une société rendue à la liberté. J’ai combattu le communisme mû par la même « obsession » qui m’avait jadis fait combattre le nazisme : l' »idée fixe », « viscérale » du respect de la personne humaine. »
* Page 87 :
« Aucune des justifications avancées depuis 1917 en faveur du communisme réel n’a résisté à l’expérience ; aucun des objectifs qu’il se targuait d’atteindre n’a été atteint : ni la liberté, ni la prospérité, ni l’égalité, ni la paix. Si bien qu’il a disparu, sous le poids de ses propres vices plus que sous les coups de ses adversaires. Et pourtant, il n’a peut-être jamais été aussi farouchement protégé par autant de censeurs aussi dénués de scrupules que depuis son naufrage.
Que d’abnégation ne faut-il pas pour ferrailler en faveur d’un système politique et idéologique qui n’a plus d’avenir, pas même de présent, et dont le passé est à ce point grotesque, stérile et sanglant ! Pousser aussi loin le sacrifice volontaire de sa propre intelligence force l’estime, mais demeure une énigme : l’énigme de l’homme même, sans doute.
* Pages 89 à 97 :
« Comme il arrive parfois, les communistes inscrits ou leurs journalistes assermentés se montrent plus lestes dans l’esquive que leurs maladroits alliés. Ils accordent éventuellement qu’ : « il n’est pas question de nier les crimes rapportés dans Le Livre noir », selon les termes de Régine Deforges dans sa chronique de L’Humanité (note n°1 : 18 novembre 1997). De quoi est-il question, alors ? De soutenir que ces crimes ne sont en rien représentatifs du communisme. C’est la tactique qu’appliquera, imperturbable, le secrétaire national du PCF, Robert Hue, tout au long de l’émission « La Marche du siècle », déjà mentionnée, à laquelle j’ai participé en compagnie de Stéphane Courtois, d’Andreï Gratchev, ancien porte-parole de Gorbatchev et auteur de L’Histoire vraie de la fin de l’URSS (note n°2 : Éditions du Rocher. Traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain, 1992), de Jean Ferrat, vedette communiste de la chanson et de Jacques Rossi. Ce dernier, presque nonagénaire, ancien membre français de l’Internationale communiste, avait été, avant la guerre, arrêté à Moscou pour des motifs imaginaires, comme tant d’autres bons et fidèles serviteurs communistes, puis expédié au goulag, où il avait coulé des jours instructifs pendant dix-neuf ans. Il venait de publier – ce qui avait incité Jean-Marie Cavada à l’inviter – un Manuel du Goulag, « dictionnaire historique » (note n°1 : Le Cherche-Midi éditeur, 1997). Il y montre, grâce à son expérience, en vieux client de ce type de villégiature, que le goulag était beaucoup plus qu’un camp de concentration répressif et liquidateur. « Le goulag, écrit-il, servait de laboratoire au régime soviétique, dans le but de créer une société idéale : garde-à-vous et pensée unique. » (C’est moi qui souligne).
Rudes propos pour les communistes présents à l’émission. Aussi Robert Hue appliqua-t-il tout au long de la soirée son plan de bataille en deux parties. Premièrement, dit-il, nous reconnaissons l’existence des abominations relatées dans le Livre noir. Deuxièmement, ces abominations n’ont rien à voir avec le communisme. Elles en sont la perversion. Elles n’en découlent pas, elles le trahissent.
On admirera que ces socialistes « scientifiques » plaident avec autant d’ingénuité l’existence de phénomènes historiques sans cause, et qui sont en outre en proie à la contrariante habitude de se répéter avec la régularité d’une rotation astronomique. La répression concentrationnaire ou carcérale, les procès truqués, les épurations meurtrières, les famines provoquées accompagnent tous les régimes communistes, sans exception, tout au long de leur trajet. Et cette association constante serait fortuite ? En revanche l’essence véritable du communisme résiderait dans ce qu’il n’a jamais été, dans ce qu’il n’a jamais produit ? Qu’est-ce donc que ce système, le meilleur jamais conçu par l’homme, nous dit-on, mais qui est doté de cette surnaturelle propriété de ne jamais mettre en œuvre, nulle part, autre chose que le contraire de lui-même, que sa propre perversion ?
À l’émission « Bouillon de culture » du 7 novembre, déjà, les communistes présents avaient soutenu que l’histoire du communisme tel qu’il avait été n’avait aucun rapport avec le communisme. Mais alors, pourquoi vous obstinez-vous à nier les crimes de ces régimes totalitaires qui, selon vous, n’étaient pas communistes ? S’ils vous demeurent si chers, c’est qu’ils l’étaient quand même un peu… Sinon, nous aurions d’un côté une série de causes porteuses de la plus sublime perfection et, de l’autre, une série d’effets parmi les plus exécrables de l’histoire humaine. Ce n’est plus du matérialisme historique, c’est de la magie noire. Malgré l’invraisemblance de leur délire ratiocineur, les communistes présents à « Bouillon de culture » atteignirent leur but, qui était de couper si constamment la parole à leurs interlocuteurs historiens que les téléspectateurs n’avaient quasiment rien pu apprendre de ce que contenait effectivement le Livre noir. Mission accomplie. Pour le coup de l’étrier, un communiste avait même fini par trouver le moyen de traiter Stéphane Courtois… d’antisémite !
À « La Marche du siècle », Robert Hue nous resservit la même rengaine : le communisme était un cerisier merveilleux sur lequel, par le plus incompréhensible des hasards, ne poussaient que des champignons vénéneux. Pour agrémenter ce raisonnement puissamment rationnel, Jean Ferrat joua la sentimentalité geignarde. Il s’attendrit sur la générosité, la fraternité, l’espérance, etc., communistes. Robert Hue était venu pour louvoyer et Jean Ferrat pour larmoyer. Les duettistes étaient bien rodés. Le bouquet final réédita l’entourloupette utilisée par les braves camarades à « Bouillon de culture ». Ce fut le moment, déjà narré, où le secrétaire national sortit de sa manche et brandit devant la caméra un numéro du journal lepéniste National Hebdo, en nous accusant, Stéphane Courtois, Jacques Rossi et moi de faire le jeu du fascisme. Dans cette méprisable conspiration de notre « bande des trois », on flétrira comme particulièrement sournoise la ruse ingénieuse de Jacques Rossi. N’avait-il pas poussé le vice réactionnaire jusqu’à se faire enfermer pendant dix-neuf ans au goulag, dans le seul dessein évident de servir dans l’avenir la propagande anticommuniste d’un futur Front national qui alors n’existait même pas ? Qui n’est pas fasciste, d’ailleurs, aux yeux des communistes, à un moment ou à un autre ? Faut-il rappeler que, jusqu’au mot d’ordre d’unité d’action qui donna naissance au Front populaire de 1936, les socialistes étaient couramment appelés par le PCF et l’Internationale communiste, les « sociaux-fascistes » ?
(…) Bien d’autres documents pourraient étayer ce constat : le parallèle des deux totalitarismes ne date pas du Livre noir de 1997 et il fut établi souvent malgré la terreur intellectuelle régnante, alors que les deux régimes coexistaient.
S’il a fait l’objet d’un interdit de plus en plus strict par la suite, c’est pour deux raisons. La première, que l’Union soviétique a participé à la guerre contre Hitler. La deuxième tient au caractère unique et incomparable de la Shoah.
Au premier argument on peut répliquer, on a souvent opposé, du reste, que Staline ne s’est retrouvé dans le camp des Alliés que contre son gré. Il n’aurait pas demandé mieux que de digérer en paix les cadeaux territoriaux qu’Hitler lui avait faits en 1939 pour payer sa neutralité. En juin 1941, c’est l’Allemagne qui a lancé l’attaque contre la Russie et non l’inverse. On sait l’état d’impréparation dans lequel cette offensive surprit des dirigeants soviétiques éperdus de panique. De plus l’argument selon lequel le communisme serait démocratique parce qu’il a contribué à la lutte antifasciste n’est pas plus recevable que celui qui consisterait à dire que le nazisme fut démocratique parce qu’il a participé à la lutte contre le stalinisme. On n’a pas absous les « collabos » français qui se sont battus aux côtés des nazis ou qui les ont soutenus idéologiquement, sous prétexte de « croisade anti-bolchevique », même si l’on estimait, comme eux, le communisme inacceptable. Mais on leur donne rétrospectivement raison si l’on décerne le titre de démocrates aux communistes qui ont combattu le fascisme.
(…) Et les vrais démocrates qui se trouvent, par l’effet des circonstances, associés à un camp totalitaire doivent se garder d’oublier que les mobiles de leur allié provisoire n’ont rien de commun avec les leurs. Malheureusement, c’est un point sur lequel les démocrates ont rarement fait preuve de lucidité.
L’argument qui met en relief le caractère exceptionnel de l’extermination des Juifs d’Europe appelle, en revanche, l’approbation et s’impose à tout observateur de bonne foi. Mais il n’en découle pas que la Shoah doive être tenue pour le seul crime contre l’humanité, voire pour le seul génocide jamais perpétré. Soulignant la motivation idéologique des crimes nazis, le procureur général français à Nuremberg en 1945, François de Menthon, disait : « Nous ne nous trouvons pas devant une criminalité accidentelle, occasionnelle, nous nous trouvons devant une criminalité systématique découlant directement et nécessairement d’une doctrine. » Cette définition du crime contre l’humanité, énoncée à propos des crimes des nazis, convient mot pour mot à ceux des communistes. Encore plus clair, le Code pénal français de 1992 corrobore pleinement cette adéquation lorsqu’il fait entrer dans le concept de crime contre l’humanité « la déportation, la réduction en esclavage, la pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personne suivis de leur disparition, de la torture, d’actes inhumains inspirés par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux, et organisés en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile. » Or, les massacres et déportations systématiques de groupes sociaux ou ethniques en raison de ce qu’ils sont et non de ce qu’ils font jalonnent toute l’histoire du communisme. Par exemple, le 27 décembre 1929, Staline annonce « une politique de liquidation des koulaks en tant que classe » (note n°1 : Cité dans Annie Kriegel et Stéphane Courtois, Eugen Fried, Seuil, 1997, p. 87).
Toujours selon notre Code pénal, est contre l’humanité tout crime « commis au nom d’un État pratiquant une politique d’hégémonie idéologique » et « en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire ». On croirait lire un bref memento d’histoire des principaux régimes communistes. Faut-il le rappeler à nouveau, après le Livre noir ? La méthode que, pour sa part, suivait en URSS la Guépéou, ancêtre du KGB, était celle des quotas : chaque région devait arrêter, déporter ou fusiller un pourcentage donné de personnes appartenant à des couches sociales, idéologiques ou ethniques déterminées. Ce qui comptait ce n’était pas l’individu ni son éventuelle culpabilité personnelle (par rapport à quoi, d’ailleurs ?), c’est le groupe auquel il appartenait. Mais périodiquement, la comparaison nazisme-communisme est refoulée, de sorte que, lorsqu’un nouvel auteur la refait, la gauche se relance dans les mêmes arguties fastidieuses pour l’enterrer à nouveau. »
* Pages 98 à 103 :
« Le trait de génie du communisme a été d’autoriser la destruction de la liberté au nom de la liberté. Il permettait donc aux ennemis de la liberté d’anéantir celle-ci, ou de justifier ceux qui l’anéantissaient, au nom d’un argumentaire progressiste. À partir du moment, donc, où des historiens et des philosophes politiques, se contentant d’enregistrer les comportements des dirigeants et le total des victimes, refusent cet argumentaire et constatent l’identité événementielle, structurelle et criminelle du nazisme et du communisme, le subterfuge des adversaires « progressistes » de la liberté et de la vérité s’affaisse d’un seul coup.
C’est pourquoi ceux-ci combattent cette assimilation avec tant d’acharnement, réchauffant sans se lasser de pitoyables sophismes d’une navrante indigence intellectuelle. Ces sophismes, sempiternellement les mêmes, consistent à nier la nature intrinsèquement criminogène du communisme ou à réclamer à grands cris l’ouverture d’un « livre noir du capitalisme ». Que les États capitalistes aient commis des crimes, on ne peut le nier. Tous les États en commettent. Outre que les démocraties capitalistes ont commis des crimes qui n’ont pas le caractère massif et constant des crimes nazis ou communistes, et sont, en quantité, bien moindres, la différence fondamentale est ailleurs. Elle est qualitative : les démocraties capitalistes n’ont pas besoin de commettre des crimes pour se maintenir, alors que les systèmes totalitaires, quels qu’ils soient, ne peuvent pas survivre sans en commettre. La question n’est pas de savoir si le capitalisme, le christianisme, l’islamisme, les monarchies, les républiques ont ou non commis des crimes. La réponse est oui. La question est de savoir si commettre ces crimes était l’accompagnement permanent de leur activité. La réponse est non. À l’inverse, la criminalité du communisme lui est constamment associée. Elle fut la condition intrinsèque de son existence et de sa survie. Quant à l’objection que les tueries furent moindres en Hongrie ou en Tchécoslovaquie qu’en URSS ou en Chine, c’est une piètre échappatoire. Outre que les mises à mort judiciaires, les procès truqués chers à notre Ligue des Droits de l’homme y fleurirent (et à Cuba aussi), il s’agissait là de colonies périphériques occupées par l’Armée rouge et où la répression sanglante s’est déclenchée chaque fois qu’un désordre surgissait. Selon ses défenseurs, le communisme aurait partout et toujours engendré des crimes sans être criminogène. C’est assez curieux comme application du principe de causalité.
Un autre stratagème de défense, lorsqu’on est bien obligé de concéder l’existence de crimes communistes contre l’humanité, consiste à nier que le régime qui les a commis ait été vraiment communiste. Le bouquet dans ce domaine revient à Jean Lacouture qui, dans son livre Survive le peuple cambodgien (1978), après avoir regretté, ce qui est méritoire, l’éloge qu’il avait fait auparavant des Khmers rouges, nie tout simplement que Pol Pot et ses complices aient été guidés par une idéologie communiste. Selon Lacouture, le régime de Pol Pot était « un fascisme tropical » et « un social-nationalisme de rizière ». De la sorte, lorsqu’un idéologue marxiste de la plus pure tradition léniniste se comporte sans contestation possible comme un bourreau nazi, l’explication est simple : c’est que précisément il était nazi et non point communiste.
La bataille pour priver de leurs sordides subterfuges les ennemis de la liberté est donc encore aujourd’hui nécessaire. Elle l’est, d’abord, parce que le communisme, avec son échafaudage d’escroqueries idéologiques, continue à tuer. Au Tibet par exemple, nous décomptons au bas mot 1,2 million de Tibétains qui ont perdu la vie à cause de l’occupation de leur pays par la Chine depuis l’invasion. De plus, ce n’est pas seulement l’anéantissement ou l’asservissement physiques du peuple tibétain que le communisme a perpétrés, c’est aussi son anéantissement culturel, avec la destruction de presque tous les monastères et bibliothèques, et l’interdiction, largement mise en œuvre, de parler et d’enseigner la langue tibétaine. Le Tibet compte actuellement 8 millions de colons chinois transportés de force sur place contre 6 millions de Tibétains. La deuxième raison de continuer à lutter sans relâche contre l’occultation de la nature intrinsèquement totalitaire et criminogène du communisme c’est que, tout en ayant considérablement reculé depuis l’effondrement de l’Union soviétique, le communisme reste un espoir pour les ennemis de la liberté, toujours avides d’installer l’oppression au nom de la défense des opprimés.
(…) En somme, une certaine gauche, plus nombreuse qu’on ne le croit, a besoin de penser que quiconque n’est pas socialiste est nazi. C’est pourquoi elle se bat aussi sauvagement pour interdire la contestation d’un truisme : l’essentielle identité concrète des deux totalitarismes. Les controverses sur l’équivalence éventuelle du nazisme et du communisme demeurent inintelligibles et sans solution tant que l’on perd de vue leurs relations respectives avec ce qui les rassemble – leurs comportements – et ce qui les sépare – leurs idéologies.
En effet il faut distinguer deux sortes de systèmes totalitaires. Il y a ceux dont l’idéologie est ce que j’appellerai directe, et peut se lire en clair – Mussolini et Hitler ont toujours dit qu’ils étaient hostiles à la démocratie, à la liberté d’expression et de culture, au pluralisme politique et syndical. Hitler, en outre, a longuement exposé, bien avant de s’emparer du pouvoir, son idéologie raciste et, plus précisément, antisémite. Donc, partisans et adversaires de ces types de totalitarisme se situent dès le départ d’un côté et de l’autre d’une ligne de partage nettement tracée. Il n’y a pas eu de « déçus » de l’hitlérisme, car Hitler a réalisé ce qu’il avait promis. Sa chute est venue de causes externes. Différent de ces totalitarismes directs est le communisme, qui se trouve employer la dissimulation idéologique, et que je définirai, pour recourir à un peu de jargon hégélien, comme médiatisé par l’utopie. Ce détour par l’utopie permet à une idéologie et au système de pouvoir qui en découle d’annoncer sans cesse des succès alors qu’ils exécutent le contraire exact de leur programme. Le communisme promet l’abondance et engendre la misère, il promet la liberté et impose la servitude, il promet l’égalité et aboutit à la plus inégalitaire de toutes les sociétés, avec la « nomenklatura », classe privilégiée à un point que n’ont pas connu même les sociétés féodales. Il promet le respect de la vie humaine et procède aux exécutions de masse, l’accès de tous à la culture et engendre l’abrutissement généralisé, l' »homme nouveau » et il fossilise l’homme. Mais pendant longtemps beaucoup de croyants acceptent cette contradiction parce que l’utopie se situe toujours dans l’avenir. Le piège intellectuel d’une idéologie totalitaire médiatisée par l’utopie est donc beaucoup plus difficile à déjouer que celui de l’idéologie directe parce que, dans le système de pensée utopique, les faits qui se produisent réellement ne prouvent jamais, aux yeux des croyants, que l’idéologie soit fausse. La France avait déjà connu, elle avait même inventé cette configuration idéologico-politique, en 1793 et 1794, au moment de Robespierre et de la dictature jacobine. Ce subtil stratagème utopico-totalitaire a été démasqué dans les œuvres des écrivains russes dissidents avec une précision d’autant plus cruelle qu’il le fut par ceux-là mêmes qu’il prétendait aliéner à jamais. Tombés au fond de l’abîme concentrationnaire, ces intellectuels « orientaux » y sont devenus nos maîtres, à nous intellectuels occidentaux. Des maîtres bien souvent ignorés, déformés, calomniés parce que les intellectuels occidentaux, n’ayant jamais vécu dans le communisme réel, se raccrochaient obstinément à sa façade utopique.
Le nazisme vend la mèche dès le départ. Le communisme cache sa nature derrière son utopie. Il permet d’assouvir l’appétit de domination ou de servitude sous couvert de générosité et d’amour de la liberté ; l’inégalité sous couvert d’égalitarisme, le mensonge sous couvert de sincérité. Le totalitarisme le plus efficace, donc, le seul présentable, le plus durable fut celui qui accomplit non pas le Mal au nom du Mal, mais le Mal au nom du Bien. C’est aussi ce qui le rend encore moins excusable que l’autre, car sa duplicité lui a permis d’abuser des millions de braves gens qui ont cru en ses promesses. À eux, on ne peut pas en vouloir. En revanche, on ne peut guère pardonner à ceux, chefs politiques ou maîtres à penser, qui les ont sciemment trompés, et qui s’efforcent de continuer à le faire aujourd’hui. Eux savaient, et l’invocation des bonnes intentions comme circonstances atténuantes n’est rien d’autre que le jeu prolongé du ressort utopique.
(…) On ne juge pas un système politique à la fourberie de ceux qui en ont été les profiteurs et à la crédulité de ceux qui en ont été dupes. Cette capacité infinie d’autojustification du totalitarisme utopique, par opposition au totalitarisme direct, explique qu’aujourd’hui encore tant de serviteurs estiment ne devoir éprouver ni honte ni regret. Juchés sur une utopie à leurs yeux immaculée, ils s’absolvent des crimes dont ils ont été les angéliques complices au nom des idéaux qu’ils ont sans vergogne piétinés. »
* Pages 115 à 117 :
« On ne comprend rien à la querelle sur la parenté entre le nazisme et le communisme si l’on perd de vue qu’ils se ressemblent non seulement par leurs conséquences criminelles mais par leurs origines idéologiques. Ce sont des cousins germains intellectuels.
Car tous les régimes totalitaires ont en commun d’être des idéocraties : des dictatures de l’idée. Le communisme repose sur le marxisme-léninisme et la « pensée Mao ». Le national-socialisme repose sur le critère de la race. La distinction que j’ai établie plus haut entre le totalitarisme direct, qui annonce d’emblée en clair ce qu’il veut accomplir, tel le nazisme, et le totalitarisme médiatisé par l’utopie, qui annonce le contraire de ce qu’il va faire, tel le communisme, devient donc secondaire, puisque le résultat, pour ceux qui les subissent, est le même dans les deux cas. Le trait fondamental, dans les deux systèmes, est que les dirigeants, convaincus de détenir la vérité absolue et de commander le déroulement de l’histoire, pour toute l’humanité, se sentent le droit de détruire les dissidents, réels ou potentiels, les races, classes, catégories professionnelles ou culturelles, qui leur paraissent entraver, ou pouvoir un jour entraver, l’exécution du dessein suprême. C’est pourquoi vouloir distinguer entre les totalitarismes, leur attribuer des mérites différents en fonction des écarts de leurs superstructures idéologiques respectives au lieu de constater l’identité de leurs comportements effectifs, est bien étrange, de la part de « socialistes » qui devraient avoir mieux lu Marx. On ne juge pas, disait-il, une société d’après l’idéologie qui lui sert de prétexte, pas plus qu’on ne juge une personne d’après l’opinion qu’elle a d’elle-même.
En bon connaisseur, Adolf Hitler sut, parmi les premiers, saisir les affinités du communisme et du national-socialisme. Car il n’ignorait pas qu’on doit juger une politique à ses actes et à ses méthodes, non d’après les fanfreluches oratoires ou les pompons philosophiques qui l’entourent. Il déclare à Hermann Rauschning, qui le rapporte dans Hitler m’a dit :
« Je ne suis pas seulement le vainqueur du marxisme… j’en suis le réalisateur.
« J’ai beaucoup appris du marxisme, et je ne songe pas à m’en cacher… Ce qui m’a intéressé et instruit chez les marxistes, ce sont leurs méthodes. J’ai tout bonnement pris au sérieux ce qu’avaient envisagé timidement ces âmes de petits boutiquiers et de dactylos. Tout le national-socialisme est contenu là-dedans. Regardez-y de près : les sociétés ouvrières de gymnastique, les cellules d’entreprises, les cortèges massifs, les brochures de propagande rédigées spécialement pour la compréhension des masses. Tous ces nouveaux moyens de la lutte politique ont été presque entièrement inventés par les marxistes. Je n’ai eu qu’à m’en emparer et à les développer et je me suis procuré l’instrument dont nous avions besoin… »
* Pages 125 à 128 :
« Le refus vigilant de toute équivalence, de toute comparaison, même, entre nazisme et communisme, malgré la parenté de leurs structures étatiques et de leurs comportements répressifs, provient de ce que l’exécration quotidienne du nazisme sert de rempart protecteur contre l’examen attentif du communisme.
Rappeler chaque jour les atrocités nazies – exercice devenu sacré, désormais, sous le nom de « devoir de mémoire » – entretien un bruit de fond permanent qui ne laisse plus de vigilance disponible pour le rappel des atrocités communistes. Selon la formule d’Alain Besançon, l »‘hypermnésie du nazisme » détourne l’attention de l' »amnésie du communisme ». Chacun comprend donc que toute analyse, tout travail des historiens minoritaires ramenant l’accent sur leur essentielle similarité soulèvent des ouragans annonciateurs de rages vengeresses. On objectera, certes, avec raison, qu’aucun rappel de la criminalité nazie ne saurait être excessif. Mais l’insistance de ce rappel devient suspecte dès lors qu’elle sert à en ajourner indéfiniment un autre : celui des crimes communistes. Quelle efficacité morale, éducative et donc préventive peut avoir l’indispensable réprobation des crimes nazis si elle se transforme en paravent destiné à dissimuler d’autres crimes ?
Révélateur du succès obtenu par ce leurre est le sens qu’à pris l’expression « devoir de mémoire » désignant de façon quasi exclusive le devoir de rappeler sans cesse les crimes nazis et eux seuls. On ajoute éventuellement à la liste quelques autres forfaits qui peuvent leur être comparés, à condition qu’ils n’appartiennent pas au champ d’action des grandes maisons mères communistes et ne relèvent pas non plus de la conception socialiste du monde.
Cette censure latente, raréfiant la mention des crimes de gauche, a reçu le contreseing de la droite. Il fut octroyé avec l’empressement discipliné que, selon son habitude, elle met à intérioriser les consignes culturelles de ses adversaires. Ainsi, le 16 juillet 1999, le président de la République française, Jacques Chirac, se rend à Oradour-sur-Glane pour inaugurer un « Centre de la mémoire », dans ce village où, le 10 juin 1944, les SS de la division Das Reich ont massacré 642 habitants, dont 246 femmes et 207 enfants, brûlés vifs dans l’église. Noble et pieuse évocation du chef de l’État. Dans le discours qu’il prononce sur place, le président flétrit, par-delà l’holocauste (au sens littéral) d’Oradour, « tous » les massacres et génocides de l’histoire, « et d’abord, bien sûr, dit-il, celui de la Shoah ». Puis il évoque également la Saint-Barthélemy, « les villages de Vendée sous la Terreur » (ce qui est courageux, vu le tabou d’origine jacobine qui a longtemps refusé la « mémoire » à ce génocide cependant fort mémorable). Puis furent énumérés Guernica, Sabra et Chatila (une pierre dans le jardin d’Israël), les meurtres de masse intertribaux du Rwanda en 1994 ; les milliers de Bosniaques assassinés dans et par tous les camps au nom de la « purification ethnique » entre 1992 et 1995, enfin les carnages plus récents du Kosovo. Dans toutes ces exterminations, comme à Oradour, « les bourreaux n’ont pas fait de distinction entre les hommes, les femmes et les enfants », a souligné Jacques Chirac avec force et indignation.
On le remarquera ou, plus exactement, personne ne l’a remarqué, dans cette fresque de « tous » les crimes, de « tous » les temps et de « tous » les lieux ne figure aucun massacre communiste. Katyn n’a jamais eu lieu. Lénine, Staline, Mao, Pol Pot, Mengistu, Kim Il Sung ont quitté sur la pointe des pieds, sous la houlette d’un chef d’État gaulliste, le théâtre de la mémoire des génocides et l’histoire des répressions exterminatrices au vingtième siècle. Du passé de gauche faisons table rase ! Bien plus : les despotismes communistes toujours actifs et inventifs, aujourd’hui même, dans l’art de peupler les cimetières progressistes et les camps de rééducation par le travail sont passés sous silence. La Chine où se pratiquent par milliers chaque jour impunément des tortures qui ne sont pas au passé, de ces tortures qui valent par ailleurs une juste inculpation à Pinochet, lequel n’est plus au pouvoir ; le Vietnam, la Corée du Nord, et, cela va de soi, Fidel Castro, dont on connaît l’angélique douceur, si grande qu’il est devenu le Notre-Dame de Lourdes de tous les pèlerins démocratiques ou ecclésiastiques.
« Mémoire », qui veut dire en français « faculté de se souvenir », est employé, depuis quelques années, comme un synonyme du mot « souvenir ». Quant au « souvenir de » quelque chose, depuis qu’il s’est glissé dans les habits de la « mémoire de » on n’a plus le droit de l’employer qu’au sens de souvenir, pardon ! « mémoire » des crimes nazis et, en particulier, de l’holocauste des Juifs. « Mémoire » et « crimes nazis » sont donc désormais deux termes interchangeables. Il en ressort que le « devoir de mémoire », lié au nazisme par une relation exclusive, est un devoir d’oubli pour tout le reste.
Au lendemain des propos présidentiels à Oradour, le quotidien régional Ouest-France titre : « Une mémoire contre la barbarie ». Est-ce à dire qu’une seule mémoire, la mémoire d’un seul individu se souvient encore de cette barbarie ? Ce serait fort triste. N’hésitons pas à traduire : le souvenir sans cesse ravivé de la barbarie nazie doit enseigner aux jeunes générations le devoir d’éliminer toute barbarie dans l’avenir. En revanche, les régimes communistes, n’ayant jamais manifesté la moindre barbarie, ce qui est notoire, ne relèvent point du « devoir de mémoire ». Ceux qui actuellement subsistent, torturent et persécutent, ne sont l’objet d’aucun « devoir de vigilance ». »
* Pages 130 et 131 :
« Cette discrimination persistante provient de la non moins tenace aberration selon laquelle le fascisme serait l’antithèse du communisme et donc que les victimes du second, quoique se chiffrant par dizaines de millions, seraient qualitativement moins « victimes » que celles du premier. On a envie d’interpeller les négateurs de ces victimes en leur criant : « De quel lieu vous taisez-vous ? » Ce n’est pas le fascisme qui est l’ennemi du communisme. C’est la démocratie. La démocratie est leur adversaire commun. La vraie barrière entre les régimes du vingtième siècle passe entre les démocraties et les totalitarismes, si divers que soient les antagonismes apparents des colifichets idéologiques dont se parent les tueurs de la liberté.
Il n’y aura pas de « mémoire » équitable, donc pas de mémoire du tout, car la mémoire volontairement tronquée est par là même inexistante, aussi longtemps que gauche et droite réunies traiteront différemment les criminels vainqueurs et les criminels vaincus.
L’une des causes, en effet, du voile jeté sur les crimes communistes est une lâcheté certaine, puisqu’il est plus facile de s’en prendre à des totalitaires morts qu’à des totalitaires vivants. Il suffit de voir avec quels égards sont traités les régimes communistes subsistants, même faibles, pour mieux comprendre la colossale servilité qui se manifesta envers la puissante Union soviétique entre sa victoire militaire de 1945 et sa disparition en 1991. Obligatoire en Occident chez ses partisans ou sympathisants, cette servilité surprend par son ampleur inattendue chez les adversaires mêmes de son idéologie. On a pu l’excuser jadis en alléguant des motifs de realpolitik. Mais elle survit chez eux à la fin du communisme soviétique et européen, parce qu’ils n’ont toujours pas le courage de déplaire à leur propre gauche, laquelle renâcle encore à reconnaître l’échec universel et les crimes avérés du socialisme réel. D’une part le Troisième Reich a été anéanti politiquement voilà plus d’un demi-siècle, tandis que le communisme existe encore, quoique sur une étendue plus restreinte ; d’autre part, l’idéologie nazie a cessé depuis cinquante ans de représenter une force culturelle, sauf chez quelques marginaux sans influence, dont l’importance est d’ailleurs soigneusement grossie dans le dessein d’entretenir le mythe d’un « danger fasciste » éternellement renaissant. Au contraire, l’idéologie marxiste-léniniste, tout autant discréditée par la praxis ou qui devrait l’être, continue d’imprégner nos schémas interprétatifs et nos comportements culturels. Les procédés stalino-léninistes restent d’usage courant. La calomnie, le mensonge, la désinformation, la déformation, l’amalgame, l’injure excommunicatrice, le rejet dans le camp fasciste, vichyste, voire antisémite de tout contradicteur, l’affront immérité autant qu’insidieux restent admis dans nos mœurs politiques, et même artistiques ou littéraires. Le plus véniel anathème consiste à traiter de nazi quiconque désapprouve votre secte, sur quelque terrain qu’elle se situe, le débat fût-il même étranger à la politique. Il est au demeurant révélateur que la loi française punissant depuis 1990 la contestation des seuls crimes nazis, et donc autorisant, par son silence même à leur sujet, la contestation des crimes communistes… soit due à un communiste. Je veux bien qu’on m’exhorte à exécrer chaque jour davantage les anciens admirateurs d’Himmler, à condition que cette homélie comminatoire ne me soit point administrée par d’anciens admirateurs de Béria. »
* Note n°1 des pages 186 et 187 :
« (…) Ce qui est remarquable avec le communisme, c’est que, sous quelque latitude qu’il s’épanouisse et sur quelque souche culturelle qu’il se greffe, chaque régime déroule invariablement, à point nommé, les mêmes étapes du même scénario à partir d’une même matrice. C’est bien la seule vérification expérimentale du matérialisme historique que l’on puisse observer, celle que, faute de mieux, il pratique sur lui-même. »
* Pages 204 et 205 :
« Ayant ainsi débarbouillé le communisme de sa criminalité, ou, du moins, l’ayant badigeonné et fardé d’une couche superficielle d’innocence, on peut entamer la deuxième phase de l’opération « grande parade » : la réhabilitation démocratique du communisme, laquelle comme l’exige toute argumentation marxiste sainement pensée, passe par sa réhabilitation économique.
Le communisme conserve sa supériorité économique parce qu’il combat le capitalisme, le marché, le néolibéralisme et leur conséquence : la mondialisation, autrement dit la libre circulation planétaire des marchandises, des capitaux, des hommes, des techniques et des idées. La gauche a certes renoncé à soutenir que les économies socialistes réussissaient mieux que les économies capitalistes, thèse jadis courante et que défendaient, dans les années cinquante, jusqu’à d’éminents économistes « bourgeois ». Elle n’aborde plus ce sujet. Elle se borne à constater que tout ne va pas pour le mieux dans le monde actuel. On y trouve de la pauvreté, des inégalités, des crises, de la malhonnêteté, des pays qui ne décollent pas ou même qui s’enfoncent dans le sous-développement. Or à quoi imputer ces échecs ? Ce ne peut être qu’au capitalisme, puisqu’il s’est rendu maître du terrain, depuis que le socialisme réel a déclaré forfait. Ce raisonnement nous est familier : les communistes promettaient une société parfaite, qu’ils n’ont pas construite ; ils décrètent donc que le capitalisme est le mal absolu parce qu’il n’a pas non plus permis à ce fantasme idéologique de prendre corps. Ils en concluent que les libéraux sont en réalité les vrais totalitaires, prêts à user de tous les moyens barbares d’un « stalinisme de droite » (Jean-François Kahn) pour imposer leur prétendue « pensée unique », alors qu’elle n’est pas du tout unique, puisque, contrairement aux sociétés communistes, les sociétés libérales admettent la contradiction et impliquent, de par leur nature même, la multiplicité des opinions. Mais, pour la gauche et l’ultra-gauche, un régime est totalitaire quand elles ne sont pas seules à pouvoir s’y exprimer. »
* Page 209 :
« Bien sûr, les négationnistes de l’histoire du communisme, au fond d’eux-mêmes, n’ignorent pas les réalités qu’ils nient ou présentent comme des accidents non représentatifs. Ainsi que l’écrit Sartre, bon connaisseur en la matière, « il y a une foi de la mauvaise foi ». Entre le pur mensonge et la croyance aveugle s’étale une brume de conscience hybride qui participe un peu des deux sans se réduire à l’un ou à l’autre. Lorsque des communistes ou leurs amis affirment avoir ignoré que les procès de Prague étaient truqués, ils mentent. Mais, en même temps, ils reconnaissent que les procès étaient truqués, ce qu’ils avaient longtemps refusé de faire. Ils admettent de même, aujourd’hui, l’existence du goulag, après avoir tenté de discréditer Soljenitsyne quand l’Archipel fut publié, en 1973. Plus personne n’exalte la santé florissante des populations qu’admiraient des voyageurs complaisants lors des famines génocidaires, sciemment provoquées, d’Ukraine ou du Grand Bond en avant chinois. Mais il y a une ligne à ne pas franchir : il ne faut pas que la signification qui se dégage de ces faits puisse mener à une condamnation rédhibitoire du communisme en tant que tel et, surtout, puisse servir à vanter la supériorité du capitalisme démocratique, à la fois en tant que civilisation et en tant que système économique.
* Page 212 :
« On peut donc conclure que la gauche consent à une reconnaissance au moins partielle de l’histoire véritable du communisme tout en l’amputant de son sens. Les faits sont envisagés chacun comme un cas isolé, non comme les parties d’un tableau d’ensemble, dont la signification pourrait donc être dégagée à condition d’en prendre une vue globale. C’est pourquoi la défense du communisme fuit toute globalisation, toute réintégration des échecs et des crimes dans les séries dont ils sont les éléments et dont seule une appréhension synoptique permettrait de reconstituer la logique profonde. D’où la haine éruptive contre Le Livre noir qui, par l’effet cumulatif de sa montagne d’informations, interdit de tronçonner l’histoire du communisme en une juxtaposition de phénomènes isolés les uns des autres et sans lien avec leur source commune. »
* Pages 223 à 230 :
« C’est une tradition de la gauche que de mettre dans la même catégorie politique le fascisme et le nazisme. Le « front antifasciste » d’avant-guerre englobait dans la notion d’antifascisme la lutte contre Hitler autant et même plus que celle contre Mussolini ou Franco. Ainsi s’est prise l’habitude d’employer le mot « fascisme » comme un synonyme de nazisme et pour désigner tous les régimes totalitaires ou autoritaires de droite (note n°1 : J’ai suivi moi aussi par étourderie cet usage erroné dans mon article de Commentaire (n° 91, printemps 1998), intitulé « L’essentielle identité du fascisme rouge et du fascisme noir. » Ni le nazisme ni le communisme ne sont du fascisme au sens exact défini par l’histoire. Ils sont bien plus avancés dans la voie du mal.). Cet amalgame imposé par la gauche avait pour fonction de ranger d’un côté l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne franquiste et de l’autre l’Union soviétique, en compagnie des démocraties et métamorphosée elle-même en démocratie par ce coup de baguette idéologique. De cette époque date la formation du réflexe conditionné inhibant toute dénonciation du totalitarisme communiste. Le condamner, le décrire seulement, c’était, c’est encore se voir rejeter parmi les « fascistes », c’est-à-dire accuser de sympathies pro-nazies.
L’histoire et l’analyse politique, sinon le vocabulaire courant, ont, heureusement, fait, depuis lors, quelques progrès. Des travaux récents ont montré qu’il existe une parenté beaucoup plus étroite entre le nazisme et le communisme qu’entre le nazisme et le fascisme historique – et non métaphorique – c’est-à-dire le régime qui a existé en Italie de 1922 à 1945.
Bien que le terme « totalitaire » ait été forgé dans le contexte italien, la dictature de Mussolini, fort éloignée, certes, d’être une démocratie, ne fut pas pour autant un système proprement totalitaire, au sens exact où le furent l’URSS ou la Chine de Mao et leurs divers rejetons.
« Le régime de Mussolini, a écrit Raymond Aron, ne fut jamais totalitaire : les universités, les intellectuels ne furent pas mis au pas, même si leur liberté d’expression fut restreinte (note n°1 : Commentaire, automne 1979). »
Dans le domaine culturel, en effet, l’État totalitaire nazi ou communiste ne se borne pas à exercer une censure purement politique sur les œuvres de l’esprit. Il entend les façonner, il dicte leur inspiration, leur style et leurs idées aux lettres, aux arts, à la philosophie et même aux sciences. On l’a vu en Allemagne, en Russie, en Chine. On ne l’a pas vu au même degré en Italie. Les écrivains fascistes – Malaparte, Pirandello, Ungaretti – écrivirent leurs œuvres comme ils l’entendaient, sans avoir à suivre les directives d’une prétendue esthétique d’État. Le premier, d’ailleurs, avait été communiste avant de passer au fascisme et le troisième devait le devenir après la chute de Mussolini, trajectoire du reste suivie par de nombreux autres intellectuels italiens après 1945. Le Duce tenta bien de susciter un style dit « Novecento » (par analogie avec Quattrocento, Cinquecento, etc.) en architecture. Mais on ne lui doit, par bonheur, que quelques rares édifices pompiers et il n’empêcha pas une fort élégante architecture moderne de se développer librement dans le pays. Les peintres futuristes, ardents fascistes, n’en continuèrent pas moins à peindre selon leur goût, sans recevoir de consignes.
Mais ce qui distingue surtout l’État fasciste des États totalitaires achevés, c’est qu’il n’a jamais pratiqué les massacres de masse. À la différence du nazisme et du communisme, il n’a pas ressenti comme une nécessité découlant de sa nature le besoin d’exterminer son propre peuple. Le fascisme italien a commis des crimes politiques dont ont été victimes quelques adversaires du régime. Il n’a pas « liquidé » par millions d’inoffensifs citoyens qui ne présentaient pour lui aucun danger. Il a emprisonné des opposants déclarés ou les a placés en résidence surveillée dans des îles ou des montagnes écartées. Il n’a jamais construit de système concentrationnaire ni parqué dans des camps de travail, c’est-à-dire d’esclavage, des troupeaux entiers de sa population (note n°1 : Cependant certains commentateurs, l’esprit sans doute trop fortement altéré par les progrès de l’information sur le communisme, ont comparé les Khmers rouges cambodgiens au fascisme italien ! Voir la tribune libre de M. Alain Blum, directeur de recherche à l’Ined, dans Le Monde du 18 novembre 1997).
(…) En fait, ce n’est qu’à partir de 1936 que l’État fasciste évolue vers le totalitarisme aggravé. Encore la politique de discrimination antisémite, adoptée à partir de 1938, doit-elle sans doute plus au désir de complaire au nouvel allié Hitler qu’aux préjugés de Mussolini lui-même. Auparavant, le Duce avait entretenu de bons rapports avec ses compatriotes juifs et avait même, à l’extérieur, soutenu le sionisme. Mais ce noir durcissement n’approcha jamais les sommets totalitaires qu’atteignaient, au même moment, dans le crime contre l’humanité, l’hitlérisme et le stalinisme.
Sans méconnaître donc, l’accentuation totalitaire du fascisme après 1936, De Felice a continué d’insister sur l’impossibilité, même durant les dernières années de l’avant-guerre, d’assimiler le fascisme au nazisme. Indro Montanelli formule le même diagnostic dans sa grande Storia d’Italia (note n°2 : Rizzoli éditeur. Voir notamment les volumes L’Italia in camicia nera, L’Avvento del fascismo et Il fascismo si consolida (ce tome en collaboration avec Mario Cervi)). Dictature, oui ; totalitarisme au sens plein, non. Plusieurs institutions, les universités, l’Église, une foule d’entreprises, surtout le tissu, particulièrement riche et varié en Italie, des entreprises artisanales et commerciales, les exploitants agricoles conservèrent une indépendance relative mais certaine. Le schéma constitutionnel de la monarchie parlementaire resta debout, en théorie, certes, mais prêt à être réactivé : c’est le roi Victor-Emmanuel qui, en 1943, signifie à Mussolini son congé et le démet de son poste de chef du gouvernement. Qui, au moment où se dessinait l’effondrement militaire de l’Allemagne, aurait pu occuper encore une position constitutionnelle qui lui eût permis en vertu de la loi d’en faire autant vis-à-vis d’Hitler ?
(…) Bref, dans le domaine de l’action, dont on conviendra qu’il n’est pas accessoire en politique, le fascisme mussolinien n’a pratiqué ni les exterminations de masse, ni les déplacements forcés de populations, ni leur internement dans des camps, ni les purges sanglantes, qui constituent les traits communs aux deux autres systèmes et permet de les définir comme fondés l’un et l’autre sur la terreur permanente. Malgré les efforts de dissimulation et d’escamotage déployés par les contorsionnistes du distinguo procommuniste, la grande menace inédite qui a pesé sur l’humanité au vingtième siècle est venue du communisme et du nazisme, successivement ou simultanément. Ces deux régimes seuls, et pour des raisons identiques, méritent d’être qualifiés de « totalitaires ». Le terme « fascisme » est donc impropre pour désigner autre chose que la dictature mussolinienne et ses répliques, latino-américaines par exemple.
En revanche, dans le domaine de la théorie, les analogies et les échanges abondent entre les trois régimes. Les trois se veulent révolutionnaires, les trois sont hostiles à l’esprit « bourgeois » et à la démocratie parlementaire. Ils sont anticapitalistes. Peu avant sa chute, et la pressentant désormais inéluctable, Adolf Hitler se prit à regretter de n’avoir pas imité Staline en nationalisant, comme lui, l’intégralité de l’économie. Contrairement à la thèse bateau des marxistes, thèse, comme d’habitude dans leur cas, jamais confrontée aux faits, le « grand capital » n’a financé l’arrivée au pouvoir ni de Mussolini ni d’Hitler. La « révolution » nazie, en revanche, tout en rompant avec le parlementarisme bourgeois, est plus tournée vers le passé, prônant le retour au socle de la pure germanité, tel qu’il était censé exister avant la corruption de la race « aryenne » par le mélange avec les races « inférieures ». Au contraire, la formation intellectuelle de Mussolini, comme celle des bolcheviques, doit plus à l’héritage de la Révolution française et, en particulier, chose étonnante, à Gracchus Babeuf. À l’instar de ce dernier et des communistes, le Duce croit à la possibilité de construire, par le moyen de l’éducation, un « homme nouveau ». Et les communistes, comme les fascistes cherchent ou se figurent chercher le progrès.
(…) Je laisse aux historiens le soin de répondre à la question de savoir pourquoi, en tant que régime politique et système de pouvoir, le fascisme italien n’a pas évolué vers les boucheries de masse des vrais régimes totalitaires, tout en instaurant une dictature devenue de plus en plus dure au fil des années. Mais, dans le domaine des idées, il y a un noyau central, commun au fascisme, au nazisme et au communisme : c’est la haine du libéralisme. »
* Pages 247 et 248 :
« On a souvent contesté, et Souvarine lui-même, que Marx fût le père de la notion de dictature du prolétariat. Les quelques lignes où il aborde brièvement ce sujet, dit Souvarine, ne sauraient passer pour une théorie élaborée ni une recommandation explicite. C’est pourtant bien ce que développe clairement la deuxième partie du Manifeste communiste, « Prolétaires et communistes ». Cette question, il est vrai, n’a qu’un intérêt académique, puisque la dictature du prolétariat n’a jamais été appliquée. Ce qui a toujours prévalu dans les régimes communistes, c’est la dictature d’une oligarchie. Que cette oligarchie se proclamât mandatée par « le peuple tout entier » ne fut qu’une ruse commune à tous les despotes. La définition qui convient à la pratique du communisme est bien plutôt, selon l’expression de Nicolas Werth, « Un État contre son peuple ». »
Je rends ici un vibrant hommage à Jean-François Revel (un Académicien hors du commun), pour cet Essai d’une densité de réflexions et d’une lucidité phénoménales.
Une réédition permanente de cet ouvrage exceptionnel est indispensable, pour l’analyse Historique du Totalitarisme Communiste, pour notre Mémoire Universelle et pour les générations actuelles et futures…
Confer également d’autres ouvrages aussi passionnants, de Jean-François Revel :
– Le Regain démocratique ;
– Fin du siècle des ombres. Chroniques politiques et littéraires ;
– Les plats de saison : journal de l’année 2000 ;
– L’obsession anti-américaine : son fonctionnement, ses causes, ses inconséquences ;
– Le moine et le philosophe – Un père et son fils débattent du sens de la vie.
Les éditions
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La Grande Parade. Essai sur la survie de l'utopie socialiste
de Revel, Jean-François
O. Orban
ISBN : 9782259190565 ; 0,99 € ; 27/01/2000 ; 342 p. ; Broché
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