Cronstadt de Jean-Jacques Marie
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Histoire et Idéologie sont par définition, foncièrement..., antinomiques !
La question qui taraude le lecteur de ce livre, est de savoir : comment quelqu’un qui se revendique « historien » du Communisme, peut-il adhérer au Trotskisme, et réciproquement ? En effet, un amer sentiment de schizophrénie est omniprésent chez Jean-Jacques Marie et tout au long de cet ouvrage, concernant l’insurrection de Cronstadt, en mars 1921. Aux yeux des Communistes, le massacre de Cronstadt est, étrangement, le seul Crime de masse qui égratigna quelque peu, le « prestige » du Chef de l’Armée Rouge : Lev Davidovitch Bronstein, surnommé Léon Trotski ; pourtant exterminateur de masse devant l' »Éternel » !
Cette schizophrénie se manifeste chez Jean-Jacques Marie, par le fait que malgré qu’il soit Trotskiste, l’auteur nous décrit parfaitement bien les fondamentaux de la mise en place du système Totalitaire Communiste, tout en tentant de manière pernicieuse, d’en amoindrir la réalité.
Son aveuglement Idéologique reprend le dessus lorsqu’il tente de minimiser (comme nous le verrons plus loin) ces évènements et d’autres, pourtant essentiels et sur lesquels il ne s’étend pas, comme : le coup d’État militaire Bolchevique (Communiste) du 25 Octobre 1917 ; la dissolution par la force de l’Assemblée Constituante, le 6 janvier 1918 ; ou bien encore, lorsqu’il veut donner le sentiment outrageusement mensonger que Trotski se serait trouvé mêlé, entre autres, au massacre de Cronstadt…, presque malgré lui !
L’île de Cronstadt se trouve à une trentaine de kilomètres de Petrograd. A l’intérieur de cette forteresse, la mission des Marins était de protéger la Capitale (à l’époque) : Petrograd.
Face à la politique de Terreur de masse de l’État-Parti-Unique Totalitaire Bolchevique (Communiste), depuis le coup d’État d’Octobre 1917, 15 000 Marins de Cronstadt se réunirent, le 1er mars 1921, sur la place de l’Ancre à Cronstadt afin d’organiser leur insurrection.
Mais d’abord, reprenons le cours logique des évènements…
En février 1917 eut lieu en Russie, une Révolution Populaire, à Petrograd, permettant de mettre un terme à plusieurs siècles d’Autocratie Tsariste. Nicolas II dut donc abdiquer le 2 mars 1917, et un Gouvernement Provisoire fut mis en place.
Lénine alors en exil en Suisse rentra précipitamment à Petrograd en avril, pour mobiliser son Parti Bolchevique dans le but de renverser ce Gouvernement Provisoire. Puis, Trotski rentra à son tour d’exil en mai.
Le 4 juillet, environ 10 000 Marins de Cronstadt envahirent Petrograd, menés par les Bolcheviques, pour tenter de faire un Putsch. Il se rendirent d’abord devant le Palais Ksechinskaia où se trouvait Lénine. Mais ce dernier décontenancé et pris au dépourvu, ne sut que répondre face à cette foule hagarde. Les Marins déçus, continuèrent leur route en direction du Palais de Tauride (siège du Gouvernement Provisoire et du Soviet de Petrograd). Finalement, une pluie forte se mit à tomber, les soldats, les marins et les manifestants déboussolés se séparèrent, et cette tentative de coup d’État pris fin…
Le 26 août, le Général Kornilov tenta lui aussi un coup d’État qui se solda également par un échec.
Le 25 Octobre 1917 ce fut le coup d’État militaire Bolchevique (Communiste) effectué par des unités des Gardes Rouges et des Marins de Cronstadt. Ce coup d’État fut organisé par le Comité Militaire Révolutionnaire (C.M.R.) dirigé par Trotski.
Ici, par extraordinaire, Jean-Jacques Marie qui n’est habituellement pas avare en dates, chiffres et témoignages, passe furtivement sur l’évènement le plus important, dans le cadre de la mise en place du système Totalitaire Communiste Réel, à savoir : le coup d’État militaire d’Octobre 1917, qu’il nomme de manière historiquement inexacte : « la révolution d’Octobre ». L’Idéologie est donc patente ici, et l' »erreur » volontaire est fondamentale, puisqu’il s’agissait effectivement de la création du système Totalitaire Communiste Réel, par une bande de « Révolutionnaires Professionnels » : Lénine, Trotski, Dzerjinski, Staline, Zinoviev, Kamenev, Boukharine, etc., bref…, des Terroristes (pages 46 et 47) :
« La masse des marins, ceux de Cronstadt au premier rang, soutiennent la révolution d’Octobre qui transmet le pouvoir aux soviets. »
Et contrairement à ce qu’affirme l’auteur, ce coup d’État n’a absolument pas « transmis le pouvoir aux soviets », mais aux seuls Bolcheviques, qui l’ont donc pris par la force militaire.
Quant à l’Assemblée Constituante, Lénine n’a pas pu éviter de la convoquer, le 5 janvier 1918. Les Bolcheviques étant en très mauvaise posture, car largement minoritaires avec seulement 25 % des suffrages, suite aux élections de novembre 1917 ; Jean-Jacques Marie tente de nous faire croire qu’un pauvre homme, à lui seul, a été responsable de la dissolution de l’Assemblée (page 47) :
« (…) le chef de la garde est un anarchiste de Cronstadt, Anatoli Jelezniakov. C’est lui qui, dans la nuit du 5 au 6 janvier, à 4 heures du matin, invite les députés présents, restés après le départ des bolcheviks et des SR de gauche, à quitter la salle. Il trouvera la mort quelques mois plus tard en combattant dans l’armée rouge les troupes blanches de Denikine. »
C’est vraiment très pratique, mais cela n’a aucun sens de mettre sur le dos de ce seul Jelezniakov, qui de surcroît mourut peu de temps après, en 1919, une responsabilité aussi importante et si lourde de conséquences, que celle de la dissolution de l’Assemblée Constituante. Ce personnage n’est évidemment qu’un simple alibi issu de la propagande de Jean-Jacques Marie, destinée à éluder le fait que c’est Lénine lui-même qui a, le 6 janvier au matin, fait bloquer l’accès au Palais de Tauride par la force de l’Armée (confer entre autres : Hélène Carrère d’Encausse Lenine, David Shub Lenine, etc.).
Après l’acte ANTI-démocratique que représentait le coup d’État d’Octobre, Lénine ajoutait, si peu de temps après, ce second acte tout aussi odieux et foncièrement ANTI-Constitutionnel. Cette application Totalitaire du Pouvoir Communiste condamna la Russie à ne plus avoir aucune chance de voir se réaliser la Démocratie et la Liberté en Russie, durant les 74 années qui suivirent, jusqu’à l’effondrement de l’U.R.S.S. en 1991 !
Ensuite, Jean-Jacques Marie tente ignominieusement de justifier l’infâme politique du Communisme de Guerre de Lénine. Rappelons que ce Communisme de Guerre consista dès le printemps 1918 à réquisitionner par la force, à l’aide des Armées de ravitaillement, la quasi totalité des récoltes chez les paysans, les condamnant ainsi à une mort certaine, atroce et lente, par la famine. D’ailleurs, la gigantesque famine de 1921 – 1922 fit : 5 000 000 de morts (page 50) :
« Cette rumeur qu’elle répète, en l’exagérant, le désenchantement engendré dans la flotte de la Baltique par la famine, les privations, le rationnement, les réquisitions forcées de blé, la suspension des libertés politiques, qui constituent le « communisme de guerre ». L’ensemble de ces mesures d’urgence, censées être provisoires, mais qui deviennent durables par nécessité, sont prises par le gouvernement soviétique à des fins multiples (…) »
Ce passage fait suite à une critique méprisante que Jean-Jacques Marie profère à l’encontre de la poétesse Zinaïda Hippius, qui vivait à Petrograd à cette époque, et qui fut un témoin essentiel de la persécution Communiste. Le passage cité ci-dessus représente un parfait exemple de manipulation d’origine Idéologique, de la part de l’auteur. En effet, dans la première phrase, Jean-Jacques Marie constate les faits : la Terreur Communiste de masse ; et dans la seconde phrase, sans aucun scrupule, justifie ces actes monstrueux.
Sous couvert de présentation de l’Histoire, de témoignages et d’Archives, Jean-Jacques Marie développe un sournois mais puissant prosélytisme Idéologique, une vision partisane et faussée de l’Histoire.
De plus, Jean-Jacques Marie applique cette abjecte stratégie consistant à inverser les rôles entre : victimes et bourreaux, et entre les évènements : Communisme de Guerre et Guerre Civile. En effet, c’est bien le Pouvoir Communiste qui, en appliquant la Terreur Rouge et la politique du Communisme de Guerre, a provoqué un fort sentiment de légitime défense au sein de la paysannerie, conduisant inéluctablement à la Guerre Civile. ET NON L’INVERSE !
Plus loin (page 52), l’auteur réaffirme encore la nécessité pour les Bolcheviques, de mettre en place une « dictature alimentaire » :
« Pris à la gorge par la nécessité de ravitailler coûte que coûte les villes et une armée aux effectifs grandissants, le gouvernement bolchevik proclame la dictature alimentaire de l’État le 9 mai 1918. »
Comme pour l’embargo vis-à-vis de Cuba suite à l’expropriation dans les années 1960, des entreprises Américaines par le Pouvoir Totalitaire Castriste ; et fidèle à la propagande Communiste, Jean-Jacques Marie tente encore ici de justifier le renforcement du Communisme de Guerre donc du Totalitarisme Communiste, suite à un soi-disant embargo de la part de la France, l’Angleterre, etc. (page 53) :
« La guerre interrompt ces importations, puis l’embargo met fin à toutes les importations de médicaments, de vaccins, de quinine et même de savon, qui devient une denrée rare. En l’absence d’hygiène élémentaire, le choléra et le typhus, provoqués, comme le scorbut, par la famine et répandus par les poux qui pullulent, ravagent la population et l’armée. L’embargo tue. »
Comme pour les Pro-Castristes donc, Jean-Jacques Marie inverse encore les rôles. En effet, si les Alliés (Armées Étrangères) sont intervenus en Russie, c’est parce que le Pouvoir Totalitaire Bolchevique avait déclenché la Guerre Civile. Ces Armées Étrangères sont donc venues prêter mains fortes aux Armées Blanches et Vertes, contre la pléthorique Armée Rouge de Trotski. Encore une fois, c’est la Terreur de masse Communiste qui a engendré la misère et l’immense famine de 1921 – 1922, faisant 5 000 000 de morts ; provoquant de surcroît des épidémies de masse (typhus, choléra, scorbut, etc.). D’ailleurs, Jean-Jacques Marie ne dit pas non plus dans son livre, que l’organisation Américaine l’A.R.A. (American Relief Administration) est venue en aide au Peuple Russe, en nourrissant au plus fort de la famine : 10 000 000 de personnes sur 30 000 000 d’affamés et leur a apporté des médicaments (confer entre autres : Nicolas Werth L’Etat soviétique contre les paysans : Rapports secrets de la police politique (Tcheka, GPU, NKVD) 1918-1939).
Pour reprendre l’expression expéditive de Jean-Jacques Marie, ce n’est pas l' »embargo » qui « tue », mais bel et bien le Pouvoir Totalitaire Communiste.
La mauvaise foi Idéologique est ici flagrante et indigne pour quelqu’un qui se prétend : Historien…, du Communisme.
En 1920 – 1921, alors que la sécheresse était importante, le Parti Communiste augmenta encore dramatiquement les quotas de réquisitions forcées, produisant un effet démultiplicateur dévastateur lors de la monumentale famine de 1921 – 1922 (pages 70 et 71) :
« Le même cocktail explosif se forme en Sibérie occidentale. Le 20 juillet 1920, le gouvernement met le feu aux poudres en adoptant un décret sur la confiscation des excédents de blé en Sibérie, décret qui ordonne aux paysans de livrer avant le 1er janvier 1921 tous leurs excédents de blé, y compris les stocks éventuels des années antérieures, plus une certaine quantité d’oeufs, de viande, de beurre, de pommes de terre, de fruits, de cuir, de laine, de tabac (en tout trente-sept produits), alors que la sécheresse ravage une partie de la région. La ville ne produisant plus de marchandises à échanger contre le blé, ces réquisitions exigent l’emploi de la force.
(…) De la contrainte aux abus il n’y a qu’un pas : les membres de certains détachements de réquisition menacent de fusiller les paysans sans jugement, voire d’incendier leurs maisons, ou détournent à leur profit une partie des produits réquisitionnés (sucre, beurre, oeufs, jambon), ou bien encore violent des paysannes, confisquent du linge et des objets divers pour eux-mêmes, battent des paysans réfractaires à coups de crosse. Les paysans voient dans ces violences la forme extrême d’une contrainte qu’ils rejettent. »
Dans ce paragraphe, Jean-Jacques Marie rend parfaitement bien compte de l’extrême gravité de la Terreur mise en place par l’État Soviétique. Malheureusement, il n’en tire absolument pas les évidentes conséquences…
Malgré tout, à certains endroits du livre, Jean-Jacques Marie parvient à nous faire un résumé pertinent, le temps d’un trop fugace moment de lucidité (page 100) :
« Mais, en cette année 1921, la Russie soviétique exsangue ne tient qu’enserrée dans l’armature de l’appareil du parti, de la Tcheka et de l’armée. »
En février 1921, les Marins de Cronstadt se joignirent aux revendications des ouvriers de Petrograd. Tous, en ayant assez de la Terreur de masse imposée par les Communistes.
Si la description détaillée que fait Jean-Jacques Marie de la préparation de l’insurrection, est très intéressante ; en revanche, sa volonté de vouloir minimiser la responsabilité et les Crimes des dirigeants Communistes est proprement inacceptable, car insultante envers la Mémoire des millions de victimes !
Particulièrement, lorsque Jean-Jacques Marie minore la responsabilité de Trotski (page 217) :
« On attribue souvent l’instauration du système des otages à Trotsky (qui a effectivement signé un décret en ce sens). Mais l’idée appartient au général français Niessel, membre de la mission militaire française à Moscou en 1917. »
Ici, nous sommes plongés au plus profond de la schizophrénie Idéologique de Jean-Jacques Marie. En effet, sous prétexte que, soi-disant, le général Français Niessel aurait eu l’idée avant Trotski, d’un décret sur les otages, cela disculperait Trotski d’avoir publié et fait appliquer son propre décret sur les otages, en 1919. Cela ne relève pas du raisonnement, mais uniquement de l’endoctrinement Idéologique forcené !
Il est donc clair que Jean-Jacques Marie fait passer l’Idéologie avant les victimes qui ont été soumises à cet ignoble décret. Ce dernier consistait à prendre en otages, donc concrètement : à menacer de déportations en camps de concentration ou d’exécutions sommaires, les familles (enfants, femmes, vieillards) des officiers et sous-officiers de l’Armée Rouge de Trotski, ainsi qu’une foultitude de familles dans la population Russe. Trotski a utilisé massivement ce barbare procédé des otages. Et selon l’un des adages Terroristes de Trotski : « la fin justifie les moyens ! »
En réalité, tenter de défendre Trotski est à la fois ignominieux et dérisoire, face à l’immensité de ses Crimes.
Comme pour le précieux témoignage de Zinaïda Hippius, Jean-Jacques Marie essaye encore de décrédibiliser le non moins essentiel témoignage de l’anarchiste Emma Goldman. Cette dernière était présente à Petrograd à cette époque, et a participé à des réunions préparatoires à l’insurrection des Marins de Cronstadt. Son témoignage sur la situation est donc fondamental. Pourtant Jean-Jacques Marie se permet d’écrire (pages 229 et 230), que :
« Sa mémoire a certainement durci et fleuri son discours ».
Le 3 mars 1921, Trotski nomma donc le Général Toukhatchevski : responsable des opérations militaires, afin d’écraser l’insurrection de Cronstadt.
Sentant le Pouvoir de l’Etat-Parti-Unique Totalitaire Communiste menacé par l’insurrection, pour Trotski, il fallait alors rapidement la liquider (page 245) :
« (…) seule la conquête de Cronstadt en finira avec la crise politique à Petrograd. »
Le clou du spectacle pour tenter de disculper Trotski, se situe page 251, lorsque Jean-Jacques Marie tient un discours totalement incohérent et invraisemblable, ne sachant plus quelle aberration inventer pour extirper son Maître à Penser, Trotski, de la marre de sang dans laquelle il baignait depuis Octobre 1917 :
« Il est d’ailleurs malaisé de définir la place exacte qu’occupe Trotsky dans la bataille de Cronstadt. Il affirmera plus tard n’avoir pas pris personnellement la plus petite part ni dans l’écrasement du soulèvement de Cronstadt, ni dans les répressions ultérieures et s’être mis totalement et démonstrativement à l’écart de cette affaire (…). Il affirme aussi qu’il ne mit alors jamais les pieds à Petrograd pendant la révolte, même s’il signa ou cosigna au titre du conseil militaire de la République les ordres et décrets d’une opération dont Zinoviev assura la direction politique et Toukhatchevski la conduite militaire. Dans une lettre privée, en 1937, il s’interroge même : est-il oui ou non allé à Petrograd ? Il ne s’en souvient plus.
Il intervient en tout cas à plusieurs reprises dans l’affaire. »
Trotski faisait donc preuve d’une amnésie tout aussi massive que ce massacre.
D’ailleurs, comme l’écrit Jean-Jacques Marie, c’est Trotski en personne qui a lancé un ultimatum aux insurgés de Cronstadt, le 5 mars 1921, et expirant le 7.
Jean-Jacques Marie et Trotski sont ici tous deux, pathétiques dans leurs vaines tentatives de faux-fuyants. La moindre des choses lorsque l’on est fanatiquement Idéologisé, est…, d’ASSUMER.
Des années après, Trotski n’assumait donc toujours pas sa totale responsabilité dans le massacre de Cronstadt. Tragiquement, Cronstadt avec ses plus de 10 000 victimes ne représente qu’une infime partie des Crimes de masse ordonnés par Trotski, entre Octobre 1917 et 1924.
En effet, Trotski était le bras droit « Armé » du Pouvoir Totalitaire Communiste de Lénine, non seulement en tant qu’organisateur du coup d’Etat militaire d’Octobre 1917, mais aussi en tant que Chef de l’Armée Rouge, et également en ayant occupé les hautes fonctions de : Commissaire du Peuple (ministre) aux Affaires Étrangères, puis Commissaire du Peuple aux Affaires Militaires.
De plus, Trotski qui a passé le plus clair de son temps, durant la Guerre Civile, dans son célèbre train blindé, n’avait pas besoin d’être présent sur un champ de bataille pour décider : de piller, de brûler entièrement tels ou tels villes et villages, comme dans les régions de : Samara, Saratov, Astrakhan, Sibérie, Tambov, etc.. Il lui suffisait de transmettre ses ordres aux Généraux et officiers présents localement.
Pour l’expédition punitive de Cronstadt, Toukhatchevski disposait d’environ 40 000 hommes appuyés par les bombardements de l’aviation, plus des détachements de la Tcheka chargés d’abattre les soldats de l’Armée Rouge de Trotski, refusant d’aller au combat.
(La Tcheka fut la première Police Politique du régime Soviétique, fondée le 7 décembre 1917 par Lénine, soit un mois seulement après le coup d’État d’Octobre, et dirigée par le sadique Felix Dzerjinski).
Les Marins de Cronstadt disposaient, eux, de seulement 5 000 à 6 000 Marins.
On peut fort bien s’imaginer que les soldats de l’Armée Rouge et ceux de Cronstadt appartenant à la même Patrie : la Russie, n’avaient pas envie de s’entretuer. Qui plus est, ils revendiquaient tous les mêmes griefs fondamentaux à l’encontre de l’Etat-Parti-Unique Totalitaire Soviétique.
D’ailleurs, un bataillon du 561e régiment de l’Armée Rouge, ainsi qu’une unité d’élèves officiers se laissèrent capturer et se rallièrent aux Marins de Cronstadt.
L’assaut commença donc le 7 mars 1921 à 18h35.
Curieusement, Jean-Jacques Marie cite les très intéressants témoignages des contemporains des faits (Emma Goldman, Zinaïda Hippius, Alexander Berkman, etc.), mais trouve tous ces témoignages systématiquement irrecevables, allant à l’encontre de son Idéologie. Il conspue tout aussi systématiquement ses homologues Historiens spécialistes du Communisme, comme : Nicolas Werth, Alexander Berkman, Alexandre Skirda, etc..
De même qu’en méprisant l’excellent travail effectué par les historiens du : « Livre Noir du Communisme », Jean-Jacques Marie ne fait que décrédibiliser toujours plus, son récit Idéologisé.
Étrangement, dans sa défense à peine voilée pour Trotski, il oublie également de nous rappeler que c’est Trotski lui-même, qui a réclamé à Lénine, dès juin 1918 : l’ouverture des premiers camps de concentration du système Totalitaire Communiste. Puis, Lénine a validé cette décision rapidement dès le mois d’août 1918 ! (confer entre autres : Anne Applebaum Goulag : Une histoire).
Pourtant, Jean-Jacques Marie fait bel et bien mention des camps de concentration sous le régime Léniniste, notamment ceux de Kholmogory et de l’Archipel des îles Solovki. Mais il n’évoque aucunement leur origine, comme s’ils s’étaient ouverts spontanément…, sans la responsabilité de qui que ce soit ! Encore une fois, on ressent une gêne de la part de l’auteur, déchiré entre Idéologie et Histoire.
Alternant en permanence entre : quasi virginité criminelle de Trotski et réalité Historique, Jean-Jacques Marie se fourvoie à nouveau (pages 289 et 290) :
« Le 9 mars au soir, Trotsky présente un bref rapport sur Cronstadt dans une séance à huis clos du congrès. Il faut, insiste-t-il, « passer à l’action sans tarder car la neige et la glace ont commencé à fondre ». Le lendemain, il insiste encore, dans une lettre au bureau politique, sur l’urgence de la prise de la forteresse avant le dégel, qui commence. « Dès que le golfe sera navigable, Cronstadt établira le contact avec l’étranger et l’île nous sera inaccessible. Espérer qu’elle se rendra à cause de l’insuffisance du ravitaillement est dénué de tout fondement, car les insurgés disposent de suffisamment de ravitaillement jusqu’à l’ouverture de la navigation ». Il demande donc « des mesures exceptionnelles (…) pour liquider l’insurrection dans les tout prochains jours ». »
Au moment de l’ouverture du Xe Congrès du Parti, en mars 1921, en plein massacre de Cronstadt, le pays était dans un état apocalyptique. Lénine déclara alors que la Russie Soviétique était dans l’impasse. Il changea alors radicalement son fusil d’épaule en décrétant la mise en place de la N.E.P. (Nouvelle Politique Économique) : le retour partiel et provisoire au système…, Capitaliste. Des millions de personnes sont déjà mortes depuis Octobre 1917, tout cela pour revenir au système Capitaliste… Quel horrible gâchis en vies humaines !
Cet effroyable combat de Cronstadt se termina le 17 mars 1921, après avoir fait des milliers de victimes. Toukhatchevski qui avait pourtant vu tant d’horreurs pendant la Guerre Civile, déclara à Kamenev au téléphone (page 335) :
« Les combats dans le centre de la ville ont un caractère extraordinairement furieux. »
Non seulement l’assaut fit des milliers de morts, mais en plus, après la bataille, des milliers de prisonniers furent déportés en camps de concentration, notamment dans ceux de Kholmogory et de l’Archipel des îles Solovki, et/ou fusillés arbitrairement et sommairement.
Une première vague d’arrestations engendra l’exécution de plusieurs centaines de prisonniers par la Tcheka.
6 700 Marins de Cronstadt et d’habitants s’enfuirent vers la Finlande et furent déportés en camps de concentration (page 383) :
« (…) 4 300 sont parqués à Ino, 1 718 sur un camp installé sur l’îlot de Tourkinsaari, non loin de Vyborg, et autour de 600 à Saint-Michel. »
Pour ces 6 700 personnes déportées, Jean-Jacques Marie emploie le terme étrange et particulièrement inapproprié de : « installés ». Est-il si sensible qu’il ne puisse employer le terme nettement plus approprié de : déportés ?
Pourtant les conditions de détention étaient effroyables, car souffrant terriblement de la faim dans le camp d’Ino, ceux qui tentaient de glaner quelques pommes de terre dans les champs voisins, étaient abattus sur place et achevés à la baïonnette. Les locaux étaient insalubres, la faim, les maladies, les travaux forcés rendaient leur survie extrêmement précaire.
Dès juin 1921, de nombreux prisonniers furent déportés à nouveau, dans les camps de concentration d’Union Soviétique : à Arkhangelsk, aux îles Solovki ou à Kholmogory.
Curieusement, alors que de nombreux autres historiens donnent des chiffres de mortalité dans les camps de concentration Soviétiques, Jean-Jacques Marie n’en dit mot. Il se contente juste de contester et de fustiger Nicolas Werth, qui précise dans Le Livre noir du communisme : Crimes, terreur, répression (page 388) :
« Sur les 5 000 détenus de Cronstadt envoyés à Kholmogory, moins de 1 500 étaient encore en vie au printemps 1922.
(…) On embarquait ceux-ci sur des péniches et on précipitait les malheureux une pierre au cou et les bras entravés dans les eaux du fleuve (…). Selon plusieurs témoignages concordants un grand nombre de mutins de Cronstadt, de cosaques et de paysans de la province de Tambov, déportés à Kholmogory, auraient été noyés dans la Dvina en 1922. »
De même, Jean-Jacques Marie se permet de se gausser et de traiter l’indispensable témoignage de Sergueï Melgounov « La terreur rouge en Russie (1918-1924) », de « roman noir grand-guignolesque ». Il conspue et méprise également l’excellent ouvrage de Raymond Duguet Un bagne en Russie : Solovki, sur l’immense camp de concentration de l’Archipel des îles Solvoki, ouvert dès l’été 1923.
Parmi les Historiens du Communisme, Jean-Jacques Marie s’enferme donc, seul ou presque, dans sa vision Idéologisée de l’Histoire.
Durant l’assaut sur Cronstadt, de très nombreux soldats de l’Armée Rouge sont morts de façons horribles, précipités et noyés sous la mer de glace, dans les trous d’obus. En effet, les soldats de l’Armée Rouge progressaient sur la mer gelée en hiver, entre le continent et l’île de Cronstadt.
Le 3 avril, Trotski, en tant que manipulateur hors pair, déclara cyniquement, lors d’une cérémonie en l’honneur des soldats de son Armée Rouge, morts au combat (page 347) :
« Nous avons attendu autant que nous avons pu que nos camarades marins abusés voient de leurs yeux où les entraînait la mutinerie. Mais nous nous sommes trouvés confrontés au danger de la fonte des glaces et avons été obligés de frapper juste d’un coup sec. »
Après l’écrasement du soulèvement de Cronstadt, à partir du 18 mars et jusqu’à la fin avril, la Tcheka procéda à 6 500 arrestations. Les conséquences pour ces prisonniers furent terrifiantes…
Tout en essayant de minimiser et de « normaliser » la Terreur qui continua à s’abattre sur les rescapés, Jean-Jacques Marie nous livre globalement les mêmes chiffres et faits monstrueux, que la plupart des historiens du Communisme.
La Tcheka mit donc en place une Troïka (sorte de « Tribunal Révolutionnaire » expéditif, façon : « Grande Terreur » sous Robespierre en 1793), (pages 355, 356, 359, 360, 361) :
« La Tcheka met en place une troïka extraordinaire qui interroge et juge en quelques heures des fournées entières d’insurgés. Le 20 mars, elle prononce 367 condamnations à mort d’insurgés, dont 167 matelots du « Petropavlovsk », 53 du « Sébastopol », 61 soldats du 561e régiment de fantassins, originaires du Kouban, qui avaient rejoint les insurgés le 8 mars, 33 élèves de l’école de machines, et 53 autres ; le lendemain elle condamne à mort 32 matelots du « Petropavlovsk » et 39 du « Sébastopol », le 22 mars, elle prononce 334 condamnations à mort, se repose le 23, puis, le 24 mars, prononce encore 73 condamnations à mort, dont 27 marins encore. Pour condamner à mort en quelques heures des centaines de victimes, elle mène tambour battant une instruction plus que sommaire. Il suffit d’avoir été pris les armes à la main, ou de figurer sur une liste…
Le 24 mars, elle condamne à mort, en particulier, les trois initiateurs de l’appel constitutif du bureau provisoire du parti communiste à Cronstadt, pourtant arrêtés dès les 4 et 5 mars par le comité révolutionnaire.
(…) Le 3 avril, la troïka extraordinaire condamne encore à mort 64 soldats stagiaires de l’école de démineurs.
(…) Le 20 avril, le tribunal, présidé par le tchékiste Ozoline, juge 89 dirigeants de l’insurrection. Il en condamne 44 à mort (…).
(…) Les 1er et 2 avril, le tribunal juge soixante-quatre insurgés et en condamne vingt-trois à mort. »
Après cette macabre énumération d’exécutions à caractères Terroristes, Jean-Jacques Marie dresse le bilan global de cette monstrueuse répression de masse (363 et 364) :
« Un bilan de la répression au 1er juin, effectué par le chef de la section spéciale Ozoline, dresse le bilan suivant : 6 528 insurgés ont été arrêtés (6 350 hommes et 144 femmes), 2 168 d’entre eux (dont 4 femmes) ont été fusillés, 22 sont condamnés à « être fusillés sous réserve » et ne le seront pas, 1 272 ont été libérés, 1 955 condamnés à des peines de travaux forcés, 18 condamnés à six mois, 217 à un an, six à deux ans, 131 à trois ans, 1 522 à cinq ans, 470 à des peines de travaux forcés avec sursis, 409 déférés aux tribunaux révolutionnaires, 232 dossiers restent en cours d’instruction.
(…) Au total, 2 168 insurgés de Cronstadt (ou suspects de l’avoir été) ont été condamnés à mort et fusillés. La brutalité de la répression, commandée par la crainte d’une nouvelle flambée insurrectionnelle, est le reflet d’une guerre civile féroce. »
Dans cette dernière phrase, l’auteur justifie encore La Terreur Communiste !
Mais ce massacre de Cronstadt ne fut malheureusement, ni le premier ni le dernier, loin de là… Trotski ne tira aucune leçon et ne fut absolument pas dégoûté de la mort qu’il fit régner en masse à Cronstadt. En effet, il « remit le couvert » toujours avec l’aide de son binôme Toukhatchevski en réprimant à nouveau sauvagement l’insurrection de Tambov, à l’été 1921. Toukhatchevski édicta l’ordre du jour 171, sur l’immonde principe des otages décrété par Trotski.
Écoeurés par tout ce sang répandu à travers ces massacres de masse, les soldats de l’Armée Rouge désertaient massivement au risque d’être fusillés pour…, désertion.
Finalement, dans la grande tradition Totalitaire Communiste, le 16 décembre 1937 (3 ans avant sa mort), Léon Trotski continuait idéologiquement de justifier ignominieusement et de manière extrêmement méprisante et condescendante, l’extermination de Cronstadt, en voulant faire passer les Marins, pour de dangereux Capitalistes « petits-bourgeois » (page 445) :
« Le reste de la garnison de Cronstadt, affirme-t-il, était composé d’hommes arriérés et passifs qui ne pouvaient être utilisés dans la guerre civile. Ce gens ne pouvaient être entraînés dans une insurrection que par de profonds besoins et intérêts économiques.
(…) ceux des pères et frères de ces marins et soldats, c’est-à-dire des paysans, marchands de produits alimentaires et de matières premières. En d’autres termes, la mutinerie était l’expression de la réaction de la petite-bourgeoisie contre les difficultés et privations imposées par la révolution prolétarienne. »
En conclusion :
Aveuglé qu’il est par l’Idéologie, Jean-Jacques Marie présente un fait historique, l’insurrection de Cronstadt, mais en tentant insidieusement de le falsifier :
1 / En passant sous silence (ou presque) les deux évènements ANTI-constitutionnels et ANTI-Démocratiques, non seulement emblématiques, mais également fondamentaux, que furent :
– Le coup d’État du 25 Octobre 1917 et ;
– La dissolution par la force de l’Assemblée Constituante, le 6 janvier 1918.
2 / En minimisant les horreurs commises par les principaux protagonistes, notamment : Lénine, Trotski, etc. ;
3 / En inversant les rôles entre victimes et bourreaux, ainsi que l’enchaînement et le déroulement des évènements ;
Bref, une parfaite démonstration de ce que peut engendrer chez un être humain le conditionnement Idéologique, même chez une personne censée représenter l’intelligentsia dans le domaine Historique.
Jean-Jacques Marie n’est donc plus très loin du…, Révisionnisme !
Honnêtement, j’ai hésité à mettre une ou deux étoiles : deux étoiles pour le travail historique et Archivistique. Mais cette odieuse tentation qu’a Jean-Jacques Marie de mépriser, voire pire, de justifier la mort atroce des milliers de Marins de Cronstadt, et plus généralement, des millions de victimes du régime Totalitaire Communiste de la période Léniniste, d’Octobre 1917 à 1924 (mort de Lénine), me pousse à ne mettre qu’une seule étoile !
Non, Monsieur Marie ! Pas plus que tous les Peuples soumis au joug du Totalitarisme Communiste, le Peuple Russe n’a pas réclamé, non plus, d’être persécuté par l’Etat-Parti-Unique Totalitaire Soviétique !
Je rédige donc ce commentaire dans l’espoir (certainement vain…), qu’un jour, l’Homme saura s’affranchir de toutes ses : Croyances, Utopies et Idéologies ; et raisonnera plutôt en fonction de ses connaissances, de son ouverture d’esprit, de son Humanisme et de sa Liberté de Penser.
Les éditions
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Cronstadt
de Marie, Jean-Jacques
Fayard
ISBN : 9782213626055 ; 23,40 € ; 19/10/2005 ; 494 p. ; Broché
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