De l'assassinat considéré comme l'un des Beaux-Arts
de Thomas De Quincey

critiqué par Alceste, le 3 octobre 2020
(Liège - 63 ans)


La note:  étoiles
Sur la table de chevet de Hitchcock
Une fois posé le principe que l’on laisse la morale de côté, il peut être fructueux d’examiner l’assassinat sous le seul angle esthétique. C’est le postulat sur lequel Thomas de Quincey (1785 -1859) se base pour établir une sorte de Panthéon des assassins, une galerie muséale des plus beaux crimes de l’Histoire.
Et pour ce faire, il faut bien entendu établir des critères. La qualité de la victime est prédominante. A cet égard, dédaignant l’assassinat politique, de Quincey célèbre le meurtre de philosophes, et s’étend sur celui, mis en échec par le philosophe lui-même, de Descartes. Il note aussi combien un assassinat réussi peut élever la victime au-dessus d’elle-même en l’amenant, dans sa résistance, à une forme d’héroïsme. La victime doit être un homme de bien, car, comme pour la tragédie selon Aristote, l’assassinat « doit inspirer la pitié et la terreur ». Le lieu et l’heure ont leur importance : en pleine rue, en plein midi, c’est un motif d’admiration, si du moins l’assassin est resté non-identifié. L’instrument du crime entre en ligne de compte également, surtout s’il est rudimentaire et non prévu à cet usage.
Assorti de multiples et prestigieuses références aux Anciens, où l’on apprend notamment l’origine perse du mot « assassin », et pourvu en récits criminels détaillés totalement exempts de compassion, le tout dans une ambiance typique du premier XIXe siècle anglais, ce docte traité s’avère rapidement un régal d’humour noir. Son ton grinçant a eu de quoi séduire Baudelaire bien entendu, mais il a aussi la saveur des commentaires d’Alfred Hitchcock lorsqu'il se délecte de ses films où « le crime était presque parfait ».