Juste la fin du monde
de Jean-Luc Lagarce

critiqué par Pucksimberg, le 3 octobre 2020
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
"j'ai près de trente-quatre ans maintenant et c'est à cet âge que je mourrai"
Atteint d’une maladie incurable, Louis sait que ses jours sont comptés. Après une longue absence, il décide d’annoncer ce drame à sa famille. Il se rend chez sa mère où il retrouve aussi Suzanne sa sœur, Antoine son frère et Catherine l’épouse de ce dernier qu’il n’a encore jamais rencontrée. Les choses ne se passeront peut-être pas comme il l’imaginait.

Jean-Luc Lagarce écrit cette pièce se sachant atteint du sida. Il n’a pas souhaité que Louis soit son double et qu’il souffre du même mal. Un certain flou plane sur la maladie dans cette pièce afin que cette dernière ait une portée universelle. Louis doit affronter un obstacle considérable qui s’apprête à clore son existence. Le titre de la pièce souligne avec ironie ce que cela peut représenter. Cette crise individuelle sera accompagnée d’une crise familiale. Nous sommes loin des retrouvailles que l’on aurait pu espérer. La rencontre tourne rapidement au règlement de comptes. Les langues se délient et Louis devra affronter les rancœurs et les reproches de son entourage. Antoine sera particulièrement virulent.

Cette pièce a une structure originale avec même un intermède onirique. Le lecteur ne sait même plus parfois si ce qui est lu n’est pas une projection de l’intériorité de Louis. Lorsque les personnages ont la parole, ils en profitent et parlent longuement. La langue de Lagarce a quelque chose d’oral et de poétique à la fois. Il a opté pour le vers libre dans « Juste la fin du monde ». Le dramaturge confère même du naturel à ces conversations avec des phrases que les personnages commencent, puis modifient. Ils cherchent le mot juste pour dire ce qui est compliqué à verbaliser. Cette façon d’écrire peut parfois décontenancer. Certaines scènes sont dures. Dans les familles, quand les disputes éclatent, les mots peuvent être violents car ils résultent de reproches longtemps retenus. On peut tout à fait comprendre pourquoi Xavier Dolan a adapté cette pièce au cinéma, lui qui intègre souvent des scènes de conflits dans ses films, avec des personnages à bout de nerfs lors des disputes.

La fin de la pièce donne de la force et de la profondeur à cette œuvre, mais je n’en dirai pas plus. La langue de Lagarce touche le lecteur, même si je reconnais ne pas être sensible à son écriture. Cette langue est au service de l’incommunicabilité, cette crise du langage qui fait que les mots ne permettent pas de tout dire.