Le lieutenant Gustel de Arthur Schnitzler

Le lieutenant Gustel de Arthur Schnitzler
(Leutnant Gustl)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Banco, le 12 août 2004 (Cergy, Inscrit le 6 août 2004, 42 ans)
La note : 8 étoiles
Visites : 6 266  (depuis Novembre 2007)

La pénombre des âmes

Premier monologue intérieur de la langue allemande, Lieutenant Gustl est aussi la première nouvelle autrichienne à évoquer librement la sexualité, l'honneur, l'armée et la médiocrité qui gît dans la pénombre des âmes.

Je n'aurais jamais du venir à l'Opéra. Pourquoi Steffi n'a donc pas pu venir avec moi ce soir ? Ah, c'est vrai. Une soirée avec lui. Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi ça n'avance pas ? Un officier ne va tout de même pas faire la queue pour reprendre son manteau au vestiaire ? Ce gros homme occupe toute la place. "Laissez-moi passer ?- Patience…-Ta gueule…" Que m'a-t-il répondu ? Il m'a menacé de briser mon sabre et de prévenir le colonel… Il m'a menacé… Un civil. Un boulanger Quel déshonneur… Et pas moyen de se battre en duel… Je pourrais plus jamais regarder les autres officiers en face… Et si on l'apprend… Le boulanger va sûrement en parler à tout le monde Non. Non, il faut que je me tue. C'est Steffi qui sera triste… Mais pourquoi donc suis-je allé à l'Opéra ? Pourquoi Steffi n'est pas venu au café avec moi ? Et Maman, non il ne faut pas qu'elle l'apprenne de moi… J'écrirai à Clara… Ou alors j'irai les voir à Graz… Non, plutôt écrire… Quelle heure est-il ? Déjà six heures du matin ! Cela fait donc sept heures que j'erre au Prater. Dans deux heures, je me tue. Je vais aller un café avant. "Un café au lait - Tout de suite, Monsieur le Lieutenant. Monsieur le lieutenant sait la nouvelle… Monsieur Habertswaller, le boulanger, est mort subitement hier soir en rentrant de l'Opéra" Le boulanger est mort! Plus la peine de se suicider ! J'espère que personne n'a remarqué mon soulagement.. Si on se doute que… Non… Ah… Je revis.

Schnitzler n'a jamais été beaucoup apprécié par l'establishment autrichien. Dès 1900, certaines de ses pièces jugées immorales sont interdites de représentation. Lieutenant Gustl amène une mise au ban définitive. L'armée dont il dénonce l'antisémitisme et la médiocrité d'esprit fait traduire le jeune médecin juif devant le tribunal militaire et le fait dégrader. Les militaires n'ont pas apprécié cette plongée virtuose dans les ténèbres de l'âme d'un petit sous-lieutenant autrichien. Schnitzler, il est vrai, ne nous épargne rien de la médiocrité de ce petit officier originaire de province, de ses aventures sexuelles, de ses bravades et de son autosatisfaction ou de son antisémitisme. Ces pensées décousues pour sa famille ou pour Steffi humanisent le sous-lieutenant. Mais le portrait, si fidèle et délectable qu'il soit, n'est pas flatteur. Veule, lâche, Gustl erre piteusement au Prater toute une nuit sans parvenir à se résoudre à ce suicide que lui impose sa peur du scandale plus que son sens de l'honneur. La maestria de Schnitzler, sa lucidité, sa liberté de ton sur des sujets comme la sexualité, l'armée, les pulsions et les fantasmes, alors tabou rendent encore plus délectable ce portrait de caractère.

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Les éditions

  • Le lieutenant Gustel [Texte imprimé] Arthur Schnitzler présentation, trad. et notes par Claire Rozier,...
    de Schnitzler, Arthur Rozier, Claire (Traducteur)
    Pocket / Presses pocket (Paris).
    ISBN : 9782266037303 ; 11,79 € ; 01/05/1991 ; 126 p. ; Poche
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