Ce qui singularise ce nouveau recueil de poésie de Martine ROUHART, c’est son domaine d’investigation, son terrain de je. Il ne s’agit pas pour elle ici de scruter le clair-obcur, la pénombre ou la nuit constellée d’étoiles, lieux poétiques encombrés, mais d’explorer le jour, la clarté dans et derrière lesquels elle « espère lever / un coin de secret sur soi », aller « à l’extrémité du silence ».
Comme si la vérité recherchée se trouvait à vue ainsi que dans la lettre volée de la nouvelle éponyme de Poe. Elle traque à la lumière du jour les indices de l’assassinat du réel, ce que « le jour allume ». Partant du déjà-vu, elle cherche, en praticienne du regard, les conditions du voir à venir. Cela peut être :
« Sous les nuages / une course d’oiseaux / qu’on ne voit pas »
Ou encore:
« Les poèmes / qu’écrivent les hirondelles / en plein vol / sur le plafond du ciel »
Sa poésie associe la vive lumière au ciel, à l’envol mais aussi au songe, à ce que le plein air reflète de l’intériorité, du moi profond. La démarche est originale, la voie choisie pertinente.
Martine Rouhart s’attache à l’infra-ordinaire, aux infimes sensations aux « petits riens / qui bougent à peine », qu’elle relève, les sens aux aguets, « attentifs / au surgissement de tout ».
L’oiseau, l’ange et la mésange, en particulier, sont dans ce cadre ses véhicules imaginaires. L’air est un fluide et l’aile y tire l’essence de son mouvement.
Nul prodige n’est toutefois à l’œuvre dans cette opération d’élévation, pour parcourir, débarrassé des effets de la gravité, le ciel en tous sens pour ne rien manquer de ce qui s’y passe, se révèle sous les nuages des apparences.
Tout est là, présent, et on ne voit rien, de prime abord. Et c’est ce qui intrigue, ce retrait de l’invisible dans le visible. L’Être se tient là, dans la clairière, et non pas dans le sous-bois. Et les images pour dire cette quête au quotidien sont claires, fondues à l’écriture qui coule et s’écoule. Une tentative qui parfois échoue mais qui vaut pour s’être frotté, comme disait Wittgenstein, aux « bornes du langage ».
Parfois
même la poésie
est sans issue
l’on s’y débat
comme colombe
qui se cogne aux murs
sans trouver
la lumière
Ainsi que la lumière est soluble dans l’air, la poésie ne transparaît pas toujours dans le langage ordinaire sans les mots que Martine Rouhart place sur la page du sensible, la signalant comme un fanal aux yeux et aux oreilles du lecteur.
À noter que les illustrations de Claude Donnay, intégrant les mots de la poétesse dans ses dessins, s’accordent parfaitement à son projet.
Kinbote - Jumet - 66 ans - 30 mars 2021 |