Crénom, Baudelaire !
de Jean Teulé

critiqué par Catinus, le 16 novembre 2020
(Liège - 73 ans)


La note:  étoiles
Impressionnant !
Il fallait s’y attendre, une biographie de Charles Baudelaire, poète maudit, sous la plume de Jean Teulé ne pouvait être que spéciale. Le lecteur ne sera pas déçu. Voilà que défile tout au long des 400 pages, une vie terrifiante d’un être plus que particulier. D’abord alcoolique, goûtant ensuite aux délices de l’opium, ayant entre temps chopé une syphilis aiguë qu’il soulage par des prises de laudanum (mercure) aux doses de plus en plus fortes, il ne dédaigne pas le hachisch et l’éther. Mais voilà, tout cela coûte la peau de fesses et Charles est presque sans le sou ; heureusement il y a madame-mère, Caroline, devenue Aupick. Endetté jusqu’au cou, harcelé par les créanciers de tous poils, Baudelaire se réfugie à Bruxelles. Il laissera à la Belgique - qu’il qualifie de « bâton merdeux » - un pamphlet qui fera date. Sa vie se termine, en quelque sorte, en 1866 sur les marches de l’église Saint-Loup à Namur qu’il est venue visiter avec son éditeur et le peintre Félicien Rops.
On rêve en pensant à une bio, façon monsieur Teulé, sur le père Hugo ou mieux encore sur Flaubert et Maupassant, deux faces de la même médaille…
En attendant ce « Crénom Baudelaire » est tout bonnement … impressionnant.
Je me suis amusé à souligner les parties du récit où mon patronyme est mis en valeur. Ce n’est pas triste et puis, quelle aubaine !

Extraits :

- De l’autre côté de sa mère, celui qui lui a volé le vert paradis de son enfance et qui, maintenant souille, la nuit derrière les portes closes, cette catin (selon Charles) reprend : « Je lui ai proposé de choisir entre le service de l’Etat, civil ou militaire, mais monsieur veut devenir poète ».

- Après l’avoir fait rouler à plat dos, la métisse - deux tiers catin – le chevauche sans façon, se l’enfile et l’écrase de ses lourdes fesses, à croire qu’elle va lui déboiter le bassin.

- Ah, Charles, je viens de voir une gaupe de la pire espèce qui, en sortant d’un cabriolet et avec une insouciance de catin, m’a laissé voir sa jambe jusqu’au nombril.

- Bonjour, Charles. Tu devrais pénétrer parfois à l’intérieur de cet édifice pour vérifier que, contrairement à ce que tu crois, les anges n’ont pas des faces de catin ni d’ailes de chauve-souris.

- Je vais prier Charles Badelaire de me foutre comme une catin.

- Mais quoi, ton vit débande à nouveau. Retire-toi d’ici. Laisse-moi, pousse-mol puis elle ajoute « Charles, je plaisante, je suis ta catin.

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En bonus :
1. Interview de Jean Teulé :
https://www.youtube.com/watch?v=HhrbfbzPJDM

2. Cinq journées avec Baudelaire à Bruxelles :
https://catinus.blogspot.com/2010/06/…

3. « Pauvre Belgique » :
https://catinus.blogspot.com/2010/06/…

4. Lettres de Baudelaire à sa mère :
http://catinus.blogspot.com/2011/07/…
L'hommage d'un grand conteur à un grand poète 9 étoiles

Si tout le monde connaît Baudelaire à travers ses célèbres « Fleurs du mal », peu connaissent réellement le personnage, si ce n’est sa réputation de « poète maudit ». Jean Teulé, tragiquement disparu fin 2022, fait revivre dans cette biographie cet artiste extravagant au mode de vie dissolu qui avait réinventé la poésie au XIXe siècle en abordant des sujets propres à effrayer le bourgeois (la mort, la pourriture, le sexe, l’opium et le cannabis…), mais qui fascinait tout autant par la beauté de ses vers que par son côté irréductible et son insoumission totale aux règles de bonne conduite.

Coutumier des biographies historiques, Jean Teulé nous propose cette fois d’escorter au plus près le poète dandy, de son enfance jusqu’à sa mort. L’auteur énumère de façon enlevée toutes les frasques de Baudelaire, avec une entrée en matière osée où l’on constate que celui-ci était un enfant pour le moins précoce. A l’âge de cinq ans, le futur poète avait une relation fusionnelle, quasiment incestueuse, avec sa mère. Le linge sale de cette dernière, qu’il humait avec délectation, faisait pour lui office de « dope », sorte de première expérience en matière de « substances illicites »…

Jean Teulé réussit une fois de plus à nous captiver grâce à son talent de conteur. Comme à son habitude, il recourt au temps présent, ce qui renforce parfaitement l’immersion du lecteur dans l’époque et lui rendent très proches les personnages du récit, à commencer par Baudelaire. De plus, Teulé s’est très bien documenté, notamment d’un point de vue historique, en prenant soin de contextualiser la narration par la description d’un Paris du Second Empire où les grands travaux du baron Haussmann allaient bon train pour transformer la capitale.

Ce roman, est-il besoin de dire que je l’ai dévoré. Teulé sait parfaitement nous embarquer dans les pas quasi-suicidaire du dandy haut en couleurs dont chaque nouvelle extravagance laisse pantois. Tout ce qu’il ne fallait pas faire, Baudelaire le faisait, prêt à mettre sa vie en danger en prenant tous les risques, abusant autant des drogues que des prostitués, quitte à se choper une syphilis qui compromettait un peu plus sa constitution fragile, dépensant les sous qu’il n’avait pas pour vivre grand train (son caractère dépensier avait conduit son beau-père à le mettre sous tutelle) et entretenir sa muse noire Jeanne Duval (une relation qui faisait scandale à l’époque), et se payer ses voyages addictifs vers les paradis artificiels.

Personnage paradoxal et globalement antipathique, clochard céleste autant que dandy narcissique très soucieux de son apparence, dépourvu d’empathie et d’humilité, arrogant et colérique, Baudelaire méprisait ses jeunes admirateurs et détestait les parvenus des cercles littéraires qui se contentaient de produire de la poésie « décorative ». Le poète tourmenté a bouffé la vie par les deux bouts, mais c’est la vie qui a fini par le bouffer tout entier.

Jean Teulé a compilé avec brio toutes les anecdotes de la vie de ce punk né avant l’heure, évoque ses fréquentations des personnalités de l’époque, ses amis Nadar, Théophile Gautier et Charles Asselineau, son éditeur inconditionnel, Auguste Poulet-Malassis qui fut conduit à la ruine en raison des procès liés aux « Fleurs du mal », et surtout Courbet à qui le poète demanda d’effacer Jeanne Duval de son célèbre tableau « L’Atelier du peintre ». De même, l’auteur y a judicieusement intégré au fil des pages quelques-unes de ses poésies les plus connues en les remettant dans le contexte (notamment l’Albatros), ainsi que des extraits des corrections de ses poèmes adressées aux imprimeurs (Baudelaire était visiblement chiant et maniaque).

Quant au style du livre, on sait que son auteur a toujours été très libre et direct, un brin gouailleur, ce qui lui a plutôt réussi généralement. Là où l’on pourrait être dubitatif, c’est l’utilisation assez fréquente de termes qui appartiennent plus à notre époque qu’à celle de la seconde moitié du XIXe siècle, mais surtout de tournures étranges, plus rares heureusement, qui semblent être propres à Teulé lui-même. Exemple : « le toujours coiffé de son chapeau haut de forme » ou encore. Cela n’a pas trop gâché mon plaisir de lecture tout de même, mais à titre personnel, je trouve cette déformation de la syntaxe peu agréable à l’oreille.

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 30 juillet 2023


Personnage odieux, roman trop long 3 étoiles

Que j’ai eu du mal à terminer ce livre ! En général, j’aime beaucoup les romans de Jean Teulé, mais ici, j’ai détesté Baudelaire ! Le style ne compense pas pour le personnage odieux, abominable et pervers qu’était ce poète du mal.
Baudelaire est épris de sa mère, mais celle-ci se remarie alors qu’il est encore enfant et il ne le supporte pas. Il devient ombrageux, détestable, à tel point que son beau-père veut l’éloigner et l’envoie à seize ans aux Indes par bateau. Charles Baudelaire réussit tellement à se faire détester qu’il est renvoyé depuis l’île Bourbon. A Paris, il dilapide son héritage et est en conséquence mis sous tutelle. Il n’aura de cesse de mendier de l’argent à sa mère et de fuir les créancier et les pensions misérables qu’il ne paie jamais. Il se met à la colle avec une putain noire, mais leurs amours sont tumultueuses, à leur image. Sadique, seules la violence et la méchanceté semblent le faire jouir. Il produit enfin quelques poèmes et trouve un éditeur, mais il rend ses imprimeurs dingues à force de modifications incessantes.
Syphilitique, drogué, sciemment méchant, Baudelaire n’a rien pour me plaire. Si ce roman m’a permis de mieux le connaître, je ne m’en portais pas moins bien auparavant, finalement ! Je ne comprends pas qu’on puisse le porter aux nues… Teulé se complait peut-être un peu trop aussi dans les parties de jambes en l’air tordues qui se multiplient sans fin… Et la critique sur la Belgique est la cerise sur le gâteau !

Pascale Ew. - - 57 ans - 25 mai 2022


Teulé, on aime ou on déteste 5 étoiles

On peut être effaré du portrait que fait Jean Teulé de Charles Baudelaire, poète et personnage complètement déjanté mais auteur d’une œuvre majeure mais sans doute de nos jours encore très peu lue, comme la poésie en général. J’avoue personnellement ne pas avoir encore lu « Les fleurs du mal », mais je m’engage à réparer cet égarement. C’est le mérite essentiel que j’attribue à ce roman.

Certes chers lecteurs, il s’agit bien là d’un roman, et donc s’il y a plus qu’un fond de vérité, l’auteur accentue tout de même le caractère complètement révolté, inconscient, voire anarchique du personnage. Dans le contexte moraliste du Second Empire, régime qui a pourchassé les immoraux et pornographes comme Flaubert, Hugo, notre héros et j’en passe, son existence n’a pas été facilitée.

Il n’empêche que l’auteur semble avoir une forme de délectation en décrivant la lente agonie du poète qui s’enfonce, dans l’endettement chronique, les drogues, une sexualité perverse, le goût de la provocation, une inconscience de mauvaise foi, synthétisant une sorte de suicide lent mais inéluctable.

Le récit aurait en tout état de cause gagné en concision et donc éviter de se demander s’il ne fallait pas de temps à autre sauter des pages pour en arriver au bout.

Pacmann - Tamise - 59 ans - 11 mars 2022


Trop, c'est trop ! 1 étoiles

De Teulé, j'ai apprécié Le Montespan, un peu moins Mangez-le si vous voulez, mais dans ce "Crénom, Baudelaire", difficile d'aller plus loin dans le glauque et le morbide. Les penchants sado-maso du poète, la description minutieuse des effets de la syphilis sur lui et sur sa compagne auraient à mon sens gagné à être seulement évoqués. Bref, une horreur telle que je ne sais pas à qui je pourrais bien donner ce livre. Surtout, ne pas s'en débarrasser dans une boîte à livres !

Elph - Creney près Troyes - 76 ans - 29 janvier 2022


Crénom ... c'est efficace et c'est cela aussi Baudelaire 9 étoiles

"Crénom Baudelaire" de Jean Teulé ( 432p)
Ed. Mialet Barrault

Bonjour les fous de lectures.....
N'en déplaise aux aficionados de Baudelaire, je n'ai jamais été fan du poète, mais j'aime l'écriture de Teulé donc la curiosité m'a poussée à mettre le nez dans ce livre.
Une fois celui-ci refermé, je reste toujours fan de l'écriture de Teulé et toujours aussi peu convaincue par les poésies et par l'homme dont il raconte l'histoire.
Avec sa verve et sa plume incisive, Teulé nous raconte la vie de Charles: personnage fat, odieux, farfelu et drogué jusqu'à la moelle et bien au-delà.
Le goujat est intelligent mais d'un caractère immonde.
Amoureux de sa mère dans la petite enfance, suite au remariage de celle-ci, il se prend d'une haine des femmes dont il ne se départira jamais.
Vivant aux crochets de sa famille, il fréquentera du beau monde ( peintre, écrivains,... ), aura une muse noire et se perdra le Paris d'avant Hausmann où il laissera sa trace dans de nombreux troquets et hôtels borgnes.
Poète révolutionnaire, il en choquera plus d'un et trouvera difficilement un éditeur qui réussira à le convaincre de publier ses oeuvres sous le nom de " Fleurs du Mal".
Peu apprécié de son vivant, il faudra attendre les générations futures pour que certains deviennent des baudelairiens convaincus
Il faut connaitre un peu la façon d'écrire de Jean Teulé pour apprécier ce livre.
L'écrivain a l'art de se nicher au plus profond de la vie de ses personnages et de n'en montrer que le côté noir, retord.
Ce livre est le fruit d'un long travail et de nombreuses lectures mais ne vous attendez pas à des pages doucereuses vantant le génie de Charles.
Certes, les oeuvres du poète parsèment çà et là le récit mais l'auteur s'attarde plutôt sur la vie décousue ( c'est le moins que l'on puisse dire ) de l'homme, et son caractère outrancier ...
Ceci expliquant les élucubrations et le génie créatif.
Ne dit-on pas que tout génie est proche de la folie?
Si vous êtes fan du poète et l'idolâtrez... passez votre chemin, ce livre risque de vous écorcher vif.
Si vous êtes plus curieux du personnage que de l'oeuvre, plongez-vous avec délectation dans ce dernier Teulé tout en sachant que l'auteur reste égal à lui-même... yeux chastes s'abstenir !!!

Faby de Caparica - - 62 ans - 26 novembre 2020