Retour de service
de John le Carré

critiqué par Tistou, le 15 décembre 2020
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Du temps du Brexit et de Trump
John Le Carré n’a pas peur de l’actualité. Ses romans consacrés à l’activité du renseignement, de l’espionnage, sont toujours passionnants et pertinents. En outre il n’hésite pas à se placer à la pointe de l’actualité, comme dans ce Retour de service, écrit en 2019, et qui place sur le « présentoir » le Brexit et Donald Trump.
Nat est un ancien des Services de Renseignement britannique qui a fait l’essentiel de sa carrière sur le terrain, à l’Est, entre Russie et pays frères de l’époque, et qui, à quarante-sept ans a été rappelé au pays et se voit confier un poste qui évoque assez concrètement une mise au placard. Il est soutenu par Prue, sa femme avocate aux tendances humanistes mais son avenir lui semble définitivement derrière lui.
Et puis …, et puis au « Refuge », la structure basée à Londres, dépendant du département Russie mais ne rassemblant que du personnel plutôt dévalué, il va se passer quelque chose qui va remettre Nat au cœur du tourbillon que constitue l’activité courante d’un agent secret. Ca passera par son hobby principal ; son défouloir. Nat est un adepte assidu du badminton et est même le champion de son club (ah ! les clubs en Angleterre !). C’est là qu’il va faire la connaissance d’Ed, un grand type dégingandé, plutôt introverti et qui se présente à lui pour le défier en tant que champion local.

» »Sir Nat ! annonce-t-elle d’un ton protocolaire (elle m’appelle plus souvent « lord Nat », mais ce soir je me vois rétrogradé). Ce beau jeune homme bien poli voudrait vous parler en privé, mais il rechigne à vous déranger pendant votre heure de gloire. Il s’appelle Ed. Ed, je vous présente Nat. »
Dans mon souvenir, Ed reste un moment en retrait. C’est un grand binoclard dégingandé de plus d’un mètre quatre-vingts qui dégage une impression de solitude derrière son demi-sourire gêné. Deux sources de lumières concurrentes convergent sur lui : le néon orange du bar qui le nimbe d’une aura céleste et les plafonniers de la piscine derrière lui qui projettent son ombre gigantesque au sol. »

Si l’on ajoute Florence, jeune femme et quasi seul élément de valeur du « Refuge », on aura décrit les principaux protagonistes qui vont amener Nat et Prue au bord du gouffre.
C’est amené de manière très intelligente par John Le Carré, dans une intrigue forcément compliquée, baignant en permanence dans le clair obscur. Et quel plaisir que de lire une intrigue qui intègre déjà le Brexit et Donald Trump !
Un monde clos, sans vie, au suspense plat 3 étoiles

Second ouvrage que je lis de John Le Carré, avec un intervalle d'une trentaine d'années; j'ai éprouvé le même ressenti.
Si je n'ai rien à dire en ce qui concerne l'écriture, je me suis de nouveau laissé mener dans ce monde clos constitué par ces espions. On a le sentiment d'être dans un autre monde totalement isolé de l'autre monde, celui où nous vivons. Tout n'est qu'apparence, faux semblants, traitrise, intérêts personnels, raison d'état. Tout manque de lisibilité, de clarté et l'on se demande où tout cela va nous mener.
Le grand intérêt, pour moi, fut que j'ai mieux compris pourquoi je suis attiré par les polars mais pas pas l'espionnage. Dans ce type de romans d'espionnage, on est dans un monde artificiel, stérile, sclérosé où le suspense ne réside que dans le savoir qui va trahir qui, pour quel intérêt.
Le bon roman policier fait découvrir des lieux, des milieux, nous fait découvrir d'autres univers. Le suspense s'appuie sur la résolution d'une situation problématique.
En conclusion, un livre que je me suis contraint à finir, sans m'ennuyer totalement mais sans passion non plus. Ai-je eu la malchance de tomber sur deux romans de John le Carré parmi ses moins bons (Le précédent était "L'espion qui venait du froid") mais je n'ai guère envie de repartir dans cet univers.

Je ne dis pas non plus que c'est un mauvais livre, je pense qu'il faut être un adepte fervent de ce genre, pour y trouver son plaisir. Ma notation reflète mon plaisir de lecture et non la valeur du livre que j'ai peine à évaluer.

Je me permets de citer un passage de la critique de "Colchik", sur un autre site, qui résume parfaitement ce que j'ai ressenti et qui me fut plus agréable à lire que le roman en lui-même, Colchik le disant bien mieux que moi
"Je dirai que ce livre est à l'oeuvre de John le Carré ce qu'un hamburger est à la gastronomie : un pis-aller. Cela se mange vite, le ketchup est trop sucré et les cornichons douceâtres. Cela bourre mais ne remplit pas l'estomac. Une fois avalé, c'est oublié."

Mimi62 - Plaisance-du-Touch (31) - 71 ans - 15 septembre 2021