Vaincre la fantaisie à coup de science

Les premières images de Dr Stone auraient pu augurer un shonen dans ce qui se fait de plus basique: on y voit des jeunes filles callipyges mettant en avant leurs formes généreuses ou, sur la page suivante, les deux héros tous muscles dehors, poings serrés et rictus de guerriers, visiblement prêt à en découdre... Mais Riichiro Inagaki au scénario et Boichi au dessin parviennent, fort heureusement, à prendre nos préjugés en défaut !

« Ce jour là l’humanité entière est devenue pierre » : la phrase introductive de la série résume bien la mise en contexte. Trois mille ans plus tard (!) un petit génie scientifique, Senku, ainsi que Taiju, son camarade, costaud, honnête bien qu’un peu benêt, reprennent vie à peu de temps d’intervalle sur une Terre retournée à l’état de Nature. Qu’à cela ne tienne, Senku se met tout de suite au travail. Son but : mettre au point un remède pour faire en sorte que les humains transformés en statue retrouvent la vie, et reconstruire la civilisation technique qu’ils ont connus. C’est sans compter le « réveil » de Tsukasa Shishio, « le lycéen le plus fort de l’ordre des primates », véritable guerrier qui s’oppose à la reconstruction de la civilisation technique car pour lui a elle a pour corollaire l’inégalité sociale dont il ne veut plus entendre parler...

Le discours scientifique qui est une des ossatures du récit s’avère être la véritable surprise de ce premier opus et fait une grande part de son originalité. Senku le scientifique, m’a évoqué l’inventif ingénieur Cyrus Smith de l’Île mystérieuse. C’est pédagogique, mais pas trop, et amène à réfléchir sur certaines inventions qui passent aujourd’hui inaperçues : Senku affirme par exemple que « la chose la plus désirable et la plus importante de la civilisation scientifique » est le carbonate de calcium (la chaux) dont on en tire moult applications dont le savon, qui sera indispensable à nos héros pour limiter les infections dans un monde dépourvu de médecine.

Les personnages, bien que très typés, fonctionnent très bien entre eux et sont très attachants. A côté d’un Senku très intelligent et plein de sang-froid, Taiju joue le rôle du bon gars un peu naïf, costaud mais qui n’aime pas se battre. Le personnage le plus énigmatique et complexe est sans aucun doute l’intransigeant Tsukasa Shishio : il incarne une certaine violence à l’état brut tout en haïssant la civilisation technique responsable pour lui des pires maux de l’humanité.

Le dessin des personnages s’avère être d’un niveau moyen, mais suffisamment pour que le récit n’en pâtisse pas. Paradoxalement Boichi se fend de quelques belles planches saisissantes comme celle où l'on voit la belle Yuzuriha transformée en pierre dans le camphrier multi-millénaire au pied duquel Taiju lui avait déclaré son amour.

Quelle est la cause de la transformation de l’humanité en pierre ? La résolution de ce mystère est l’un des autres fils rouges du manga. Senku, bien qu’interloqué dans un premier temps (« il y a donc des choses en ce monde que la science ne peut expliquer ? ») est finalement, en bon cartésien, prêt à relever le défi et se déclarer prêt à « vaincre la fantaisie à coup de science » ! Cela nous promet un beau match en perspective !

• 

  Stone world [Texte imprimé] scénario, Riichiro Inagaki dessin, Boichi

  de Inagaki, Riichirō Boichi, (Illustrateur)
  Glénat / Shonen manga
  ISBN : 9782344028032 ; 6,90 € ; 04/04/2018 ; 192 p. ; Poche

  Go Amazon