Délits d'initiales
de Jean-Philippe Querton

critiqué par Débézed, le 19 janvier 2021
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
des mots, des aphorismes, un éditeur
Quand on est probablement le meilleur dénicheur de d’auteurs d’aphorismes de Belgique francophone, il est quelque peu téméraire de s’éditer soi-même au risque d’être moins talentueux que ceux qu’on publie. Jean-Philippe Querton a osé le pari, il s’est placé prudemment sous la bannière de grands maîtres : Jules Renard, Christian Dotremont, Julien Torma, André Stas, Georges Perros, Eric Chevillard et André Breton, une belle brochette, un concentré de talent. Et, dès le premier aphorisme, j’ai su que le pari était gagné, l’esprit est là, la fulgurance est patente, le raccourci est flagrant et l’impertinence est délicieuse :

« Epelez-moi ! / Commencez par mon Q. »

Tout est dit dans ces quelques mots, je pourrais presque arrêter mon commentaire ici mais ce serait manquer de respect à l’auteur d’autant plus que la maison fête cette année sa dixième année d’existence avec un catalogue qui fait bien des envieux et qui ne demande qu’à s’étoffer. Je poursuis donc mon propos. Dans ce recueil qui sent presque la sueur tant il a été travaillé et retravaillé, le nombre et la nature des notules en bas de pages en témoignent, Jean-Philippe évoque ce qui le passionne particulièrement :

Les mots
« Tout petit déjà, cet auteur jouait avec les mots. »
« Celui-là se dit éleveur de mots, parviendra-t-il à mettre la phrase en érection ? »

Ce qu’il sait et aime en faire
« J’ai planté des graines d‘aphorisme au printemps. On annonce un recueil pour l’automne. »
« L’aphorisme cette phrase qui pétille… »

Ce qu’il en a réellement fait : une vie d’éditeur qui rapporte tout ce qu’il a vécu ou presque :
« Pour percer, toujours dire du bien des livres des autres et surtout s’improviser critique littéraire maniant l’encensoir sans modération. / Vos comparses vous rendront la pareille… »

Ce ne sont que quelques exemples de ce que Jean-Philippe rapporte sur sa passion pour les aphorismes, il a aussi d’autres sujets de prédilection que ses amis lecteurs connaissent bien : la religion quelle qu’elle soit, les pouvoirs quels qu’ils soient, l’argent, l’arrogance, la vanité, la prétention, … rien ne lui échappe, il a l’œil acéré, il lit des milliers de pages chaque année. Il connait la nature humaine sur le bout de ses aphorismes, il ne cache rien, il se dévoile tel qu’il est avec tout le talent qu’il possède pour ce genre littéraire. Je partagerais volontiers avec lui quelques insinuations filtrant dans le venin ou le miel de certains de ces aphorismes, comme ceux-ci par exemple :

« On dit que l’argent n’aurait pas d’odeur, mais il y a quand même des pauvres qui sentent mauvais et des riches qui puent. »
« J’aimerais prendre en flagrant délit ce boucher qui mange des carottes râpées en cachette. »
« Mon rêve ? Devenir déballeur de cartons chez un bouquiniste. »

Il démontre aussi dans ce recueil que l’aphorisme n’est pas condamné à ne prospérer que dans pré carré du calembour et du jeu de mots, il est aussi trait d’esprit, raccourci, concentré de pertinence et d’impertinence, … Le genre n’est pas mort, le champ d’exploration est largement ouvert, Jean-Philippe Querton le prouve.

Je voudrais aussi souligner, qu’il ne limite pas son intérêt au périmètre de sa passion, il sait aussi considérer ceux qui ont du talent et qui mérite bien qu’on le reconnaisse. Ainsi, il a laissé dans son recueil, une place, la meilleure, la première, à Campagn’Art, un atelier d’arts plastiques du Centre Reine Fabiola qui accueille dans la région de Soignies des adultes en situation de handicap mental. En l’occurrence c’est à René Perrot qu’est revenu l’honneur d’illustrer la couverture du présent opus.