Nouvelles de Pétersbourg de Nicolas Gogol
Catégorie(s) : Littérature => Russe , Littérature => Nouvelles
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Ce qu’il y a de plus étrange, c’est qu’un auteur puisse choisir de pareils sujets
Le titre de cette critique est de Gogol lui-même. Il situe bien l’ambiance.
Il faut savoir tout d’abord, que les « Nouvelles de Pétersbourg » n’ont pas été écrites comme un ensemble ou une série. En fait, Gogol avait rédigé ces quelques nouvelles de façon tout à fait distincte et sans prêter attention au fait qu’elles se situaient toutes à Saint-petersbourg, ville qu’il n’adorait pas. Ce n’est que plusieurs années plus tard, cherchant à organiser ses textes en vue d’une publication groupée, qu’il s’avisât de ce fait et les unit pour le tome III de ses œuvres complètes. Nous y trouvons « La perspective Nevski » », « Le portrait », « Le journal d’un fou », « Le nez » et « Le manteau ».
Je dirais que si je devais trouver un intrus parmi ces cinq nouvelles, ce serait « La perspective Nevski » que je citerais, car on n’y retrouve pas ces éléments d’incohérence et de folie qui caractérisent les quatre autres textes. C’est aussi la nouvelle que j’ai le moins aimée.
« La perspective Nevski » est un texte que j’ai trouvé désuet et daté et dans lequel il nous est difficile aujourd’hui de nous identifier aux personnages ou même de bien les comprendre. Cependant, ce n’est pas sans un intérêt d’anthropologue qu’il nous est loisible de suivre leurs aventures qui ne peuvent que nous étonner. Et c’est avec amusement que j’ai constaté que, presque 200 ans plus tard, je ne pouvais que souscrire à la conclusion : « Oh ! Ne vous y fiez pas, à cette Perspective Nevski ! Moi, je m’enveloppe toujours étroitement dans mon manteau quand je la parcours, et je m’efforce de ne jamais regarder ce que je croise. Tout est leurre, tout est rêve, tout est autre qu’il ne paraît (…) tout respire l’imposture. Elle ment à longueur de temps, cette Perspective Nevski. »
Une fois lu, donc, ce premier texte, on plonge (avec délice) dans l’incohérence, le farfelu, le loufoque et la folie. Un certain tableau est ensorcelé, mais ce n’est là qu’un pâle début ; un autre personnage perd la raison dans une belle et inexorable progression et nous montre comment on soignait les fous, à l’époque ; un certain monsieur se réveille un beau matin sans son nez, mais il le verra bientôt passer avec fiacre et cocher sans que Gogol prenne la peine de tenter d’expliquer au lecteur comment il doit ou peut imaginer cette scène ; et, pour clôturer le bal, un fantôme de misère vient hanter les voleurs de vie et de manteaux.
Il paraît que l’intelligentsia freudienne soviétique des années 20 a passé plusieurs années à chercher, trouver, contester et trouver mieux, le sens sexuel de tous ces contes, grand bien leur fasse. On comprend bien que ces messieurs n’étaient guère tentés d’étudier les complexités des psychoses de Staline. Ils avaient leurs raisons… Quant à leur vision des contes de Gogol, qu’elle ait ou non un fond de vérité ne m’intéresse guère. Mais si cela vous intéresse vous, sachez que ces études existent (bibliothèque psychoanalytique, sous la direction de Ermakov de 1923 à 28).
Les éditions
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Nouvelles de Pétersbourg [Texte imprimé] Nicolas Gogol préf. de Georges Nivat,... trad. et notes de Gustave Aucouturier, Sylvie Luneau et Henri Mongault
de Gogol, Nicolas Nivat, Georges (Préfacier) Luneau, Sylvie (Traducteur) Aucouturier, Gustave (Traducteur) Mongault, Henri (Traducteur)
Gallimard / Collection Folio.
ISBN : 9782070406227 ; 5,00 € ; 01/10/1998 ; 277 p. ; Poche -
Nouvelles de Pétersbourg [Texte imprimé] Gogol présentation... dossier, chronologie, bibliographie mise à jour en 2009, répertoire par Déborah Lévy-Bertherat traduction par Boris de Schloezer
de Gogol, Nicolas Lévy-Bertherat, Déborah (Editeur scientifique) Schloezer, Boris de (Traducteur)
Flammarion / G.F.
ISBN : 9782081223196 ; 3,40 € ; 12/01/2009 ; 282 p. ; Broché -
Les nouvelles de Pétersbourg [Texte imprimé] Nikolaï Gogol traduit du russe par André Markowicz postface de Jean-Philippe Jaccard
de Gogol, Nicolas Jaccard, Jean-Philippe (Postface) Markowicz, André (Traducteur)
Actes Sud / Babel (Arles)
ISBN : 9782742765362 ; 10,70 € ; 26/02/2007 ; 408 p. ; Poche
Les livres liés
- Nouvelles de Pétersbourg
- Le journal d'un fou
- La Perspective Nevski
- Le manteau, suivi de: Le nez
- Le manteau
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Les critiques éclairs (9)
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Complètement Gogol
Critique de Benson01 (, Inscrit le 26 mai 2012, 28 ans) - 9 août 2014
Certaines scènes du Portrait, je pense, resteront gravées à tout jamais dans ma mémoire tant elles sont à la fois angoissantes et cinématographiques. L'écriture est très bien utilisée ici.
Le Journal d'un fou est totalement extravagant et c'est tant mieux ! La chute est très bien foutue et puis le coup des correspondances entre chien, c'est assez bien vu dans le sens où ce n'est vraiment pas une idée commune...
Mais parlons du véritable cœur de ce recueil : le Nez.
Ca me fait tellement plaisir de l'incohérence à l'état pur ! A cette phrase quand même : "des aventures comme cela arrivent en ce monde", j'aimerais demander si l'un d'entre vous aurait déjà vu son nez partir de sa figure et devenir conseiller d'Etat ? Mais sans doute est-ce plus courant que je ne le crois... Quelle étrangeté, quel maï-giri dans la gueule cette histoire de nez disparu ! Si je dois choisir une seule nouvelle dans ce recueil, c'est bien celle-ci !
Après, le Manteau et la Perspective de Nevski étaient sympa à lire mais bon, ça ne m'a pas bousculé plus que ça...
Enfin, excellent recueil dans l'ensemble. Vraiment original. Conseillé.
Etonnant
Critique de Salocin (, Inscrit le 12 décembre 2012, 43 ans) - 10 janvier 2013
L'ensemble forme un ensemble cohérent malgré certaines dissidences apparentes, les deux nouvelles qui ouvrent et ferment l'ouvrage semblent en effet dénoter parmi les autres histoires beaucoup plus fraiches et vivantes.
Du reste, ce sont les deux nouvelles qui m'ont le moins enthousiasmé. "Rome" m'a tout particulièrement agacé, où Gogol utilise un style extrêment étudié et minutieux qui rend la lecture laborieuse. De même, j'avoue ne pas avoir bien compris le sens de "La perspective Nevsky".
Les autres nouvelles sont délicieuses. Ce sont des histoires loufoques, invraisemblables, étranges, mystérieuses, fantastiques, drôles... racontées avec un talent certain par Gogol.
L'écriture de Gogol est très variée d'une nouvelle à une autre (le passage de "Portrait d'un fou" à "Rome" est sur ce plan très brutal) et se révèle très moderne. Ainsi, "Les carnets d'un fou" est parfois écrit dans un style télégraphique que je trouve particulièrement novateur pour l'époque ; l'idée aussi d'une écriture à la première personne et le sujet traité m'ont fait penser immédiatement au "Démon" d'Hulbert Selby Junior, notamment ce choix de placer le lecteur dans la peau du fou.
Il apparaît immédiatement, dès la première lecture, que certains thèmes sont chers à Gogol : la critique acerbe de l'administration, la place de l'art dans la société... Il y a certainement différents niveaux de lecture de ces nouvelles car après une première lecture, il semble que certains idées reviennent avec insistance. Je pense que le lien entre l'ensemble de ces histoires doit être davantage évident après plusieurs lectures successives.
Le petit peuple de Pétersbourg
Critique de Olelko (Lausanne, Inscrit le 4 mars 2012, 34 ans) - 4 mars 2012
La nouvelle du tableau (dans ses deux versions) m'a particulièrement touché: on y retrouve tous le mystérieux auquel Gogol nous conviait déjà, mais dans la campagne ukrainienne plus une touche mondaine et ironique. Il faut aussi citer le Nez, qui se prélasse dans son absurde (ou serait-ce un uniforme de gendarme ? ou serait-ce dans un sandwich ?), mais qui, comme la Perspective Nevski peine à nous immerger dans les nombreuses ruelles de Saint-Pétersbourg.
Le Manteau décrit merveilleusement les traits sociologiques qui ont découlé d'un système de classe "à la russe", les petites gens de l'artisanat et les étranges ruelles de la nuit.
Le Journal d'un Fou se passe de commentaire: voilà Gogol sous une plume nouvelle mais très réussie !
Un recueil remarquable, qui s'inscrit aussi dans une lignée biographique, pour les plus "atteints" de nous (dont je fais manifestement partie).
Portraits de paumés tristes et risibles
Critique de Millepages (Bruxelles, Inscrit le 26 mai 2010, 65 ans) - 3 mars 2012
Une autre caractéristique commune est la description souvent loufoque des rouages de la fonction publique ou de la justice et de leur relation aux citoyens, écrasés par ces 2 institutions quand ils n'ont pas la chance d'en faire partie et ont le malheur d'y avoir affaire. Une description ironique et satirique de la Russie de son temps, Gogol y prenant aussi le parti des humbles et des déshérités.
La Perspective Nevski. L'auteur y plante le décor, fait souvent référence aux artères qui constituent la ville et qui s'ordonnent autour de la dorsale Perspective Nevski, qui tient lieu de Champs-Elysées locaux où tout habitant de la ville déambule nécessairement à l'un ou l'autre moment de la journée, de préférence après le travail. Sont mises en scène dans cette nouvelle, deux histoires complètement indépendantes d'amours déçus l'une se terminant de manière tragique, l'autre simplement dans l'amertume.
Le Nez. Le major Kovalev déplore un beau matin la disparition de ...son nez. Arrivé à Pétersbourg avec l'intention de grimper dans la hiérarchie, il sait qu'il ne pourra assouvir son ambition sans son appendice au milieu du visage. Il se met donc à sa recherche, mais voilà que son nez prend une existence propre et va même jusqu'à narguer son propriétaire en devenant Conseiller d' Etat ! Histoire complètement fantaisiste et finalement assez comique.
Le Portrait. Personnellement, celle des 5 nouvelles que j'ai le plus apprécié. Dans cette édition du livre de poche, on a même droit à deux versions du texte, puisque Gogol avait revu sa copie en fonction de son évolution mystique.
Le peintre Tchartkov ne parvient pas à vivre de ses œuvres très personnelles, encore incomprises mais révélatrices d'un talent digne des grands. Un jour, il acquiert pour une bouchée de pain un Portrait poussiéreux représentant un vieillard, enfoui sous un tas d'autres tableaux, chez un marchand ignorant du trésor qu'il détenait. A la même époque, Tchartkov réalise un portrait sous la forme de Psyché qui plaît tellement à sa cliente qu'il en vend ensuite des dix et des cents ce qui lui permet d'abord de payer son loyer, puis de vivre dans le confort et de se laisser gagner par une douce euphorie. De courte durée, car ce faisant, il a renoncé à son art, vendu son âme, prostitué son pinceau. Et voilà que le Portrait qui occupe désormais son mur, se met à sortir de son cadre et à lui faire de gros yeux à personnifier le diable; à moins que Tchartkov ne soit victime de ses hallucinations, de ses tourments, de ses angoisses, de ses remords. Toujours est-il qu'il ne peut désormais plus voir de vrais chefs d'oeuvre sans être pris d'une folie destructrice. Une belle satire du dilemme auquel sont confrontés maints artistes pris entre la nécessité d'oeuvrer pour assurer leur existence et le désir de passer à la postérité.
Le manteau. Akaki Akakievitch - dont le prénom signifie "sans malice" aime tellement son boulot de copiste à l'administration qu'il y refusera une promotion. Il est unanimement apprécié pour la qualité de son travail, mais en même temps raillé pour son manteau tellement rapiécé que l'air passe à travers et la doublure part en lambeaux. Si bien qu'un jour, le tailleur ne peut plus faire de miracle, le vêtement devient irréparable. Et notre fonctionnaire de puiser dans ses budgets loyer et nourriture pour s'offrir un manteau tout neuf, au grand étonnement de ses collègues. Mais il n'en profitera pas bien longtemps puisqu'il se le fera dérober, ce qui l'oblige à s'absenter pour la toute première fois de sa carrière pour déclarer le vol et se perdre dans les méandres de l'administration policière. Il sera même confronté à son voleur portant son manteau.......
Journal d'un fou. Poprichtchine , le personnage et narrateur, nous emmène dans un récit complètement déjanté. Son nom signifie "carrière" et c'est vrai qu'il est pour le moins carriériste puisque de conseiller titulaire, il rêve d'être promu conseiller aulique et même de devenir... roi ! C'est en partie parce qu'il ne parvient pas à se dépêtrer du 9ème rang qu'il occupe dans la hiérarchie bureaucratique qui le voue à la misère et au mépris de ses supérieurs qu'il glisse peu à peu dans la paranoïa, puis dans la folie. Pour arriver à son but d'élévation sociale, il tente de séduire la fille du directeur , en pure perte bien sûr. Puis, apprenant que le trône est vacant, il s'autoproclame roi d'Espagne. Enfin, il se rapproche encore un peu plus de l'asile lorsqu'il imagine un monde où les chiens communiquent par lettres.
D'autres nouvelles...
Critique de SpaceCadet (Ici ou Là, Inscrit(e) le 16 novembre 2008, - ans) - 7 juin 2010
Des récits dont le style diffère de celui marquant ses premiers écrits (‘Les soirées du hameau’, publiés en 1831-32), mais au gré desquels l’on reconnaît la plume de l’auteur qui, au passage de quelques années, aura pris plus de prestance.
Descriptions détaillées, colorées et marquant un sens du détail hors du commun ; portrait de société teinté d’humour ou d’ironie; retournements ingénieux ; quelques gouttes de fantastique ; une narration au rythme soutenu et au ton intimiste ; puis des récits dont la faiblesse de construction se traduit par une finale souvent insignifiante.
Tels sont les traits marquants de cette plume d’auteur que l’on retrouve dans chacune de ces nouvelles.
Les thèmes développés, soit la place de l’artiste dans la société (La perspective Nevski), la relation entre l’art et la réalité (Le portrait) ou la relation entre le jeu des apparences, les rôles et règles sociaux, et les classes sociales (Le journal d’un fou, Le nez et Le manteau) sont encore bien d’actualité tout autant que le traitement qui en est rendu par l’auteur.
L’attention du lecteur est bien maintenue tout au long de ces histoires, tant par le verbe que par le contenu et ce, jusqu’à ce que tombe la finale, le plus souvent de façon abrupte.
En bref, une plume riche et fascinante, des nouvelles que l’on découvre avec plaisir mais dont l’issue, mal cousue, déçoit pratiquement à tous les coups.
Le pathétique fantastique
Critique de Opalescente (, Inscrite le 8 novembre 2005, 42 ans) - 11 mai 2008
Programme du baccalauréat 2000 cette lecture m'a initiée à la littérature russe avec bonheur. Un excellent souvenir.
Mélange de réalisme, fantastique et humour
Critique de Nance (, Inscrite le 4 octobre 2007, - ans) - 15 mars 2008
La perspective Nevsky: J'ai aimé les descriptions de la rue Nevsky, des gens et le parallèle du début et de la fin. Tout n’est qu’illusion. Cependant, je n’ai pas aimé les aventures des deux hommes. Je les trouve antipathiques, les éléments misogynes (les femmes qui sont belles sont sottes et ne doivent parler) m'ont distrait du récit et je n’ai pas embarqué. J'ai trouvé le peintre si pathétique que j'aurais voulu le tuer moi-même. 2.5/5
Journal d’un fou: Mieux. Mes parties favorites sont les derniers jours, quand ça déjante complètement. J’aime la forme de cette nouvelle en journal intime. J’ai trouvé le récit comique et triste. 3.5/5
Le nez: Un homme cherche son nez. Étrange. Le récit de Le nez est éclaté, mais encore, je ne sais pas si c'est mon genre. Je crois que c’est à cause du personnage principal que je trouve snob, je trouve difficile de me mettre dans sa peau. Mais l’histoire du nez est comique. J’ai ri. 3.5/5
La calèche: L’histoire est drôle, la finale est correcte, mais j’ai trouvé l’ensemble ordinaire. Je ne sais pas si c'est relevant, mais dans le genre je préfère les descriptions à la Jane Austen. 3/5
Le manteau: Une de mes nouvelles préférées de ce recueil. J’ai bien fait de persévérer. C’est très touchant et, étonnamment, je n’ai pas trouvé le fantastique déplacé, même si j’ai été surprise. Agréablement surprise. 4/5
Le portrait: Ma préférée incontestablement. J’aime les nouvelles d’horreur avec des portraits: Le portrait ovale d’Edgar Allan Poe, Le modèle Pickman de H. P. Lovecraft. C’est un de mes thèmes fétiches. Le portrait de Gogol est lugubre, atmosphérique... mon genre. 4.5/5
Rome: Son apologie à l’art et à l’Italie ne m’a pas touché. J'ai trouvé l'ensemble un peu pompeux. Seigneur que j’ai trouvé kitsch la façon de décrire la beauté de Annunziata. Je suis d’accord à 110% avec Oxymore. 1/5
En tout cas, j’ai passé de beaux moments, même si je ne suis pas certaine que ça soit mon genre. Il faudrait que je lise autre chose de lui.
Intéressant mélange de réalisme, de fantastique et d’humour.
Aristos et fonctionnaires, victimes de Gogol
Critique de Oxymore (Nantes, Inscrit le 25 mars 2005, 52 ans) - 14 juin 2007
* La perspective Nevski: Deux hommes dans un parc remarquent deux femmes. Chacun va tenter de séduire l'une de ces femmes. C'est ainsi que Piskariov va découvrir la débauche chez l'une, prostituée et Pirogov, quant à lui, va s'amouracher avec la femme d'un artisan vulgaire et fruste.
* Le nez: Le major Kovaliov se réveille un matin s'apercevant que son nez a disparu, laissant au milieu de son visage un plat lisse étrange. Là vont commencer les périples d'un homme ridiculisé, Gogol s'amusant du cliché du fonctionnaire russe alcoolique. Une quête étonnante qui démontre qu'un sujet au départ anodin et futile prend une dimension étonnante, drôle et pathétique.
* Le portrait: Partie 1; Un artiste peintre pétri de talent mais sans le sou décide de sacrifier son art et son âme pour peindre des tableaux fades et insignifiants mais très rémunérateurs. La gloriole et les assignats ne vont pas cacher longtemps ce qu'il est devenu, un fat sans scrupule.
Partie 2; Pendant une vente aux enchères, l'assemblée reste subjuguée par un tableau figurant le portrait d'un homme dont les yeux semblent habités. C'est ainsi qu'on va découvrir l'étrange origine de ce tableau maléfique et l'influence terrible qu'il exerce sur ses propriétaires.
* Le manteau: Akaki Akakiévitch, fonctionnaire zélé et solitaire n'a qu'un but dans sa vie, recopier encore et toujours les lignes des rapports de son supérieur. Le long fleuve tranquille et austère de son existence va être bousculé par son nouveau manteau. L'achat épique d'abord puis le vol dramatique de ce dernier vont entrainer ce pauvre Akaki dans les faubourgs de Petersbourg où les bandits-voleurs, loin d'être manchots, sont de curieux fantômes à moustaches.
* La calèche: Encore une fois, Gogol s'amuse ici à railler ces hommes qui jouent des rôles qui ne sont pas les leurs. Sur fond d'alcool, Pythagore Pythagorovitch Tchertokoutski, aristocrate d'une bourgade provinciale russe abandonnée et triste va inviter un colonel de régiment pour lui montrer sa "superbe" calèche. Mais les lendemains de fête sont quelquefois difficiles et conséquemment les promesses difficiles à tenir.
* Les carnets d'un fou: Axenti Ivanovitch, fonctionnaire, s'éprend éperdument de la fille de son supérieur hiérarchique. L'admiration de la classe et du faste de la jeune fille va se transformer en passion obsessionnelle entretenue dans un journal intime, témoin du trouble psychologique progressif qui envahit Axenti. L'altération mentale de la fin de la nouvelle est pathétique et drôle; qui sont donc ces espagnols magnifiques qui se rasent la tête ?
* Rome (fragments): Dernière nouvelle de l'oeuvre, Gogol nous emmène dans un long périple. Un jeune homme est envoyé en France pour poursuivre ses études; il découvre alors avec une jubilation extrême ce pays des Lumières après avoir quitté une Italie qui l'ennuyait. Pourtant la lassitude va le gagner et son retour en Italie va être pour lui le révélateur d'une vérité longtemps enfouie, Rome l'éternelle est bien la plus belle et celle qui touche le plus profond de son coeur. Cette nouvelle picaresque est un hymne à Rome et au retour aux sources.
Mon avis: L'ensemble est assez équilibré, Gogol semble avoir un compte à régler avec les fonctionnaires et les aristocrates. L'écriture est très belle sans jamais être pompeuse, sauf peut-être pour Rome empreinte d'un lyrisme qui m'a agacé au plus haut point; sans doute parce que je ne suis pas du tout "latin" ce panégyrique de Rome ne m'a pas touché. D'ailleurs quand Gogol glorifie Rome au travers de ses artistes ou monuments, il fait l'éloge des gens qui arpentent la perspective Nevski de Petersbourg.
En somme, j'ai beaucoup apprécié ces nouvelles à l'exception de la dernière. Ici l'homme est perfectible et les femmes, fortes et décidées; l'humour côtoie le fantastique et le pathétique dans un ensemble très agréable.
Savoureux
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 11 février 2007
Dans "La perspective Nevsky" Gogol démarre avec deux pages d'anthologie, un long racontage débridé de deux pages sur la fameuse avenue Nevsky et les gens qui la fréquentent. Puis brusquement Gogol braque son projecteur sur deux personnages comme pris au hasard et le récit dévie sur deux courtes et tragiques histoires d'amour qui n'ont pas de lien entre elles. L'effet produit est gigantesque, je ne l'oublierai pas de si tôt. La nouvelle "Le manteau" est du même acabit : l'histoire d'un humble fonctionnaire copiste, humilié par tout son bureau dont la vie est illuminée par le projet d'acquérir un nouveau manteau. On croirait du Dostoievski ! Le recueil comprend aussi les célèbres nouvelles "le Nez" et "le journal d'un fou" critiquées sur le site dans d'autres éditions. Signalons enfin que cette édition comprend deux versions de la nouvelle "Le portrait", ainsi qu'une préface, des notes et un matériel didactique sur Gogol et son oeuvre.
Gogol c'est vraiment particulier mais pour celui qui aime ce genre c'est réellement incontournable. Je vous livre ici un extrait, dans lequel Gogol introduit un personnage secondaire et se livre à une petite digression absolument savoureuse d'une demi-page avant de l'abandonner et de passer à autre chose. C'est caractéristique de son style et de sa manière de procéder, personnellement j'aime beaucoup :
«Le propriétaire entra, accompagné du commissaire de quartier, dont, comme on sait, l'apparition est plus désagréable aux petites gens qu'aux riches la visage d'un quémandeur. Le propriétaire de la modeste maison où vivait Tchartkov était l'une de ces créatures dont sont habituellement faits les propriétaires de la Quinzième Ligne de l'île Vassilievski, de la rive droite ou du lointain Kolomna - créatures fort répandues en Russie et dont on a autant de mal à définir le caractère qu'à préciser la couleur d'une veste usée. Dans sa jeunesse il avait été capitaine et braillard, il avait aussi traîné dans l'administration, il s'y entendait à manier le fouet, savait mener sa barque, jouait à l'élégant, et était parfaitement idiot; devenu vieux, il avait confondu toutes ces caractéristiques bien tranchées en je ne sais quelle grisaille indéfinie. Il était déjà veuf, déjà à la retraite, il ne prétendait plus à l'élégance, ne se vantait plus, ne cherchait querelle à personne, n'aimait plus rien que boire son thé en racontant des niaiseries ; il arpentait sa chambre, mouchait sa chandelle ; à la fin de chaque mois il faisait avec application le tour de ses locataires pour toucher ses loyers; il sortait dans la rue, sa clé en main, pour regarder le toit de sa maison ; chassait régulièrement le concierge de l'écurie où il s'était caché pour dormir ; bref, c'était un retraité à qui il ne reste plus, après une vie tumultueuse et quelques mauvais passages, que la plus plate des routines».
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