Lettres du Stalag - 1940-1945
de Collectif, Jérôme Croyet (Edition)

critiqué par Missef, le 8 mars 2021
( - 59 ans)


La note:  étoiles
Une lecture utile et passionnante
Ce recueil de lettres, compilé et préfacé par Jerôme Croyet, docteur en histoire, concerne plus particulièrement les écrits des prisonniers de guerre français, simples soldats, sous-officiers et officiers, retenus dans des camps - stalags pour les 2 premières catégories, oflags pour la 3ème) en France occupée ou en Allemagne entre 1940 et 1945, après la capitulation (le terme est important, car il ne s'agit pas d'un armistice et les prisonniers ne sont donc pas libérés) française de juin 1940. Ils ont été plus de 1.800.000 dans ce cas, dont ceux venus de l'empire colonial, retenus de force dans des camps et forcés à travailler, sans autre rémunération qu'une maigre pitance et des conditions de détention très dures. A la lecture de ces écrits, on découvre ou devine les conditions de vie de ces hommes qui de plus en plus se sentent oubliés par la France pour qui ils ont combattu - en effet, le gouvernement de Vichy, après les avoir utilisés à des fins de propagande, les a bel et bien abandonnés à leur triste sort... jusqu'à la libération de 1945.
A travers ces échanges épistolaires unilatéraux - on n'a que les lettres des prisonniers, pas celles de leurs proches, mais on devine parfois leur contenu entre les lignes des réponses - le lecteur est plongé dans cet univers concentrationnaire, avec son cortège de restrictions, d'obligations, de censure, de règles en tout genre permettant de "garder une emprise morale sur les prisonniers".
Du fait de ces restrictions portant sur les échanges (7 lignes pour les cartes, 25 lignes pour les lettres), les prisonniers recourent parfois à l'écriture abrégée, omettent pronoms ou sujets, les retours à la ligne, ce qui peut rendre leur lecture et compréhension parfois compliquée, malgré les ajouts de l'auteur. Ce qui ressort, néanmoins, de cette lecture, c'est une rencontre avec ces oubliés de l'histoire que l'on suit au fil des mois, voire des années et auxquels on s'attache - à certains plus aimables, qu'à d'autres - d'autant que l'on a quelques photos en fin d'ouvrage. Pour certains, que l'on perd soudain, on en vient à se demander avec anxiété ce qu'il est advenu de lui : libéré ? évadé ? tué ou mort d'épuisement ou de maladie ? ou tout simplement n'y avait-il pas d'autres lettres retrouvée ?
Une lecture utile et passionnante en tout cas.