Visions d'elle
de Denitza Bantcheva

critiqué par Missef, le 21 mars 2021
( - 58 ans)


La note:  étoiles
Une si belle histoire d'amour filial
Résumé de l'éditeur:
« Elle existerait près de moi, sur du papier, sous cette forme-là. Je m’en contenterais, me rappelant que cela tenait du miracle plus que tout autre écrit réussi. »
Très vite après la disparition brutale de sa mère, à Sofia, en Bulgarie, où elle était née et avait vécu, Denitza Bantcheva commence à retracer son parcours, persuadée que si sa fille unique n’écrivait rien sur Annie, « sa vie n’aurait en définitive aucun sens ».
Elle en vient alors à confronter diverses visions d’elle — sous des angles qu’elle découvre parfois — qui composent le portrait d’un être rare, dont le destin témoigne cependant des épreuves les plus communes qu’on pouvait subir sous un régime totalitaire, comme au cours des années qui suivirent la chute du Mur de Berlin.
L’histoire familiale, l’histoire tout court et la réflexion sur le sens d’une existence s’entrelacent dans cet émouvant récit issu du deuil, et de l’amour d’une fille pour sa mère.


Mon avis:
Vous en avez assez des romans basés sur la famille (Vanessa Springora, Camille Kouchner pour ne citer qu'elles...) et dans lesquels on trouve les liens les plus sombres, les plus hideux qui peuvent apparaître au sein du noyau familial le plus proche ? Alors je vous conseille ce roman de Denitza Bantcheva. Certes, le point de départ est la mort par suicide de la mère de l'auteure, je vous accorde que ça n'a rien de réjouissant, mais ne croyez pas qu'il soit le prétexte ni à se plaindre de l'acte de la mère, ni des autres choix qui ont émaillé sa vie d'ailleurs, ni à geindre sur l'obligation qui est faite "à ceux qui restent" de vivre avec "ça", comme on l'entend souvent. Denitza Bantcheva est beaucoup plus subtile et intelligente que cela. Elle écrit pour le souvenir de celle qui lui a donné la vie. Pour qu'elle continue de vivre, en quelque sorte. Elle raconte une vie dans un pays sous dictature communiste, la Bulgarie, avec toutes les joyeusetés que cela implique, des tracasseries quotidiennes à la privation de libertés, à la méfiance, etc.
C'est un témoignage beau et émouvant, qui sait ne pas tomber dans le pathos et nous emporte du début à la fin. Une très belle découverte.
Pour que son existence n’ait pas été vécue en vain : l’émouvant portrait d’une mère sans le carcan de l’interprétation 10 étoiles

Éblouie il y a une quinzaine d’années par « La Traversée des Alpes » de Denitza Bantcheva, je me suis laissée tenter par « Visions d’elle » même si je ne lis que rarement des ouvrages non fictionnels. J’ai été bien avisée de me fier à cette auteure qui, décidément, ne me déçoit jamais, tant elle a une manière de voir les choses et de les raconter toujours extrêmement personnelle, originale et riche, tout en portant le lecteur à réfléchir. Et n’allez pas croire pourtant que l’émotion soit absente de ses écrits. « Visions d’elle » en est l’exemple le plus patent, qui est né d’un événement tragique de la vie de l’auteure : le suicide de sa mère.
Alors qu’on aurait pu s’attendre à un procès en règle de qui ou quoi avait poussé Annie ce geste, à une rationalisation de son existence destinée à expliquer le mystère irréductible de tout être humain, Denitza Bantcheva accomplit ici un véritable monument d’amour filial, cherchant à préserver tout ce qu’elle a pu conserver de sa mère afin que son existence ne se réduise pas aux interprétations ou aux récits fixés une fois pour toutes, que tel ou tel serait en mesure de faire d’elle.
L’entreprise est à la fois si simple et si complexe que le lecteur est emporté dans cette quête où la mémoire et la vérité concourent pour tenter de préserver ce qui fait le caractère unique et si fragile d’un être humain. Par la même occasion, on retrouve les préoccupations que Denitza Bantcheva développe à travers son œuvre, notamment le conflit entre l’individualité et les systèmes oppressifs en tous genres, le communisme en l’occurrence, puisque, faut-il le préciser, sa mère ayant passé sa vie en Bulgarie, elle a eu largement à souffrir des obstacles opposés par le régime à l’épanouissement de sa personnalité sensible.
Bref, on l’aura compris, je recommande chaudement « Visions d’elle » qui, au-delà de son écriture remarquable et de son intérêt propre, amène le lecteur à appréhender son entourage en essayant de se débarrasser de la manie interprétative.

Reginalda - lyon - 57 ans - 12 décembre 2021


Admirable et émouvant 10 étoiles

Témoignage poignant du destin tragique d'une mère qui vit dans un pays totalitaire , la Bulgarie. Un histoire vraie qui temoigne de la rudesse d'une dictature et de l'amour d'une fille pour sa mère. Une femme remarquable, issue de parents pauvres et illettrés. Une femme qui s'est faite toute seule et que son pays a détruite .
Une histoire difficile mais qui montre a quel point le régime communiste peut etre destructeur. A la lecture on ressent ce que l'auteure exprime .
J'ai dévoré ce livre

Much - - 67 ans - 26 juillet 2021


Un témoignage admirable 10 étoiles

En matière de littérature contemporaine, je n'ai rien lu d'aussi convaincant sur les rapports entre une mère et sa fille. L'amour qui les liait, et leur complicité, sont frappants. Pourtant, rien n'est idéalisé. La figure de la mère, une femme exceptionnelle, qui s'est faite toute seule, étant issue de parents pauvres et illettrés, est très attachante, jusque dans ses erreurs et les défauts qu'elle se reconnaissait. Les épreuves qu'elle a subies sous un régime communiste donnent une idée précise de ce que l'indépendance d'esprit pouvait coûter même à quelqu'un de discret. Le lecteur découvre progressivement les causes de sa mort tragique, comme dans un roman à suspense, à ceci près que tout est vrai. “Visions d'elle" est à la fois un document historique et un témoignage personnel admirable.

Banboun - - 54 ans - 24 juillet 2021