Jonas Fink, tome 1 : L'enfance
de Vittorio Giardino

critiqué par Kostog, le 13 avril 2021
( - 52 ans)


La note:  étoiles
Du temps de Klement Gottwald
Il est regrettable que les bandes dessinées de Vittorio Giardino aient trouvé peu de critiques dans critiqueslibres car l´auteur et notamment la série de Jonas Fink valent réellement le détour.

Dans le premier volume, L'enfance, Giardino nous raconte l'enfance brisée de Jonas , un jeune garçon praguois au début des années 1950, dont le père, médecin, est arrêté en pleine nuit, puis jeté en prison sans que sa famille sache le moins du monde la raison de son arrestation.

Après des démarches interminables, sa mère apprend que son mari est considéré comme un « ennemi du peuple » et a été condamné à dix ans de prison pour activités antisocialistes, Est-ce le fait de son origine juive ou parce qu'il a montré peu de complaisance vis-à-vis du nouveau pouvoir, en refusant notamment de signer des ordres d'internement psychiatrique, qui a causé sa chute, nul ne le saura vraiment. Peut-être, les deux.

Jonas et sa mère se retrouvent mis au ban de la société, considérés comme des parias qu'il est dangereux de fréquenter. Le garçon perd ses camarades de classe, hormis un ami dont les parents eux-mêmes craignent cette proximité. Bon élève, il est cependant exclu du lycée et sa mère à qui on interdit de donner des leçons privées doit endurer les vexations de la bureaucratie politique et administrative et travailler à l'usine. Ils perdent aussi leur appartement et doivent emménager dans ce qui tient davantage d'une cave arrangée qu'autre chose.

Ce premier volume est une belle illustration des années staliniennes, époque où une autre idéologie progressiste persuadée d'agir pour le bien de l'humanité et du plus grand nombre s'est accommodée et souvent réjouie des injustices les plus criantes pourvues qu'elles soient réalisées au nom du bien, écrasant impitoyablement aussi bien les réfractaires que quelques malheureux qu'il fallait simplement punir pour l'exemple dans la logique de classe.

Le scénario de Vittorio Giardino rend un son juste. On est agréablement surpris par son sens du détail qui offre un tableau convaincant de la Tchécoslovaquie de ces années grises, tableau magnifié par la ville de Prague et son architecture. Son style proche de la ligne claire peut paraître très classique, mais est parfaitement maîtrisé et élégant et sert avec brio le scénario.

L'album avait reçu l'Alph-Art du meilleur album étranger au festival d'Angoulême en 1995.