Science et religion de Bertrand Russell
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Une double dénonciation (un peu simpliste) de l'obscurantisme religieux et du danger civilisationnel d'une science sans morale
Bertrand Russell est un philosophe dont les raisonnements sont inspirés par la pratique des mathématiques et par la logique analytique. Pour Russell, science et religion s’opposent parce que, en remettant en cause certains dogmes chrétiens fondamentaux, le triomphe de la science menace de faire s’effondrer la religion. Dans cet essai, l’auteur ne traite que du christianisme, en considérant que son crédo est énoncé dans des textes qui émanent de sources d’autorité indiscutables (la Bible, le Pape, etc.) et prétendent exprimer une vérité éternelle dont le bien-fondé ne peut être discuté. La science, au contraire, déduit des hypothèses à partir d’observations particulières ; si les hypothèses sont confirmées par des expériences, elles constituent des théories qui peuvent toujours être réfutées. Ce court essai, qui date des années 30, brosse une histoire succincte des conflits entre les scientifiques et l’Eglise chrétienne depuis la révolution copernicienne et tente de démontrer que la science, qui a apuré l’Eglise de son contenu violent et barbare, peut désormais s'appuyer sur la morale religieuse pour encadrer le progrès technologique qui menace de devenir également violent et barbare.
Dans les premiers chapitres, Russel dénonce l’obscurantisme de l’Eglise qui, pour défendre la conception biblique d’un univers immuable créé par Dieu, s’opposa avec force, via l’Inquisition, à la thèse héliocentrique de Copernic et Galilée puis, au 19ème siècle, condamna les théories évolutionnistes. Russel souligne aussi la misogynie et la cruauté des dogmes chrétiens qui assimilent les progrès de la médecine (vaccination, anesthésie, avortement, etc.) à des tentatives humaines de s’opposer à la volonté divine. Finalement confrontée à l’évidence de la supériorité des théories scientifiques et à la fragilité de son dogme, l’Eglise a tenté un rapprochement avec la science en élaborant la théorie du dessein cosmique, qui se décline en plusieurs variantes mais qui toutes considèrent que l’évolution de l’univers obéit à une volonté divine, qui se manifeste par des lois dont l’objectif est le triomphe de l’Esprit. Pour Russell, toutes les théories du dessein cosmique extrapolent, avec une vision totalement anthropocentriste, la nature de l’univers à partir de notre connaissance parcellaire et lacunaire…
Enfin, Russell dénonce la prétention de l’Eglise à énoncer des vérités qui seraient des absolus permettant de dire le Bien et le Mal. Pour lui, outre la faiblesse intrinsèque des arguments et concepts de la religion (exemple : l'âme, dont rien n'atteste l'existence), les rivalités et contradictions entre les différentes religions sont la preuve que leurs "vérités" sont toutes relatives et subjectives, issues d’un contexte culturel et historique (qu’il soit civilisationnel ou personnel). Néanmoins, Russell reconnaît également l’incapacité de la science à résoudre le problème du déterminisme et du libre-arbitre (controverse qui semble être née du désir de puissance que donne la maîtrise des lois et du désir d’indépendance vis-à-vis de ces lois) et à porter des valeurs morales. Aussi, face à la menace des états totalitaires qui, en Allemagne et en URSS, fondent leur puissance sur la technique et affichent une arrogance sectaire à l’opposé de l’esprit scientifique (selon lequel toute vérité n’est qu’une proposition tenue pour vraie jusqu’à ce qu’elle soit réfutée), les scientifiques doivent rechercher l’appui de la religion chrétienne, qui proclame l’amour du prochain.
Au final, cet essai de Russell, écrit dans un style de vulgarisation très accessible, m’a paru assez simpliste et péremptoire, avec une présentation des rapports entre science et religion étonnamment caricaturale pour un penseur de cette réputation, récompensé par le prix Nobel de littérature et tenu comme l’un des plus grands logiciens, mathématicien et philosophe. Sa dénonciation de la religion simplifie exagérément les fondements de la foi (il confond croyance et crédulité), omet d'interroger les religions non chrétiennes et les nuances au sein du christianisme, et néglige totalement la complémentarité possible de la science et de la foi, pourtant évidente chez de nombreux scientifiques, d’Isaac Newton à Albert Einstein. En fait, pour Russell, la religion est intrinsèquement néfaste et a été heureusement réfutée et détrônée par la science mais il faut désormais que la science s’approprie à son tour le commandement chrétien « Aimez-vous les uns les autres » sous peine de donner naissance à des civilisations techniciennes et inhumaines. Au final, ce livre ne dévoile et ne démontre rien sur les rapports entre science et religion, qu'il effleure trop superficiellement, mais il porte un message pacifiste et humaniste qui, dans l’urgence de l’émergence du nazisme et du communisme stalinien dans les années 30, vaut pour rappel de quelques préceptes déjà énoncés depuis fort longtemps (le devoir d'aimer son prochain et la célèbre pensée de Rabelais devenue proverbe : "science sans conscience n'est que ruine de l'âme").
Les éditions
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Science et religion
de Russell, Bertrand Mantoux, Philippe-Roger (Traducteur)
Gallimard
ISBN : 9782070325177 ; 6,90 € ; 04/01/1990 ; 192 p. ; Poche
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