Tobie des marais
de Sylvie Germain

critiqué par Bluewitch, le 5 mars 2001
(Charleroi - 45 ans)


La note:  étoiles
Inspiré du récit biblique « le livre de Tobie »...
« Regardez-le, ce petit sauvage, avec son ciré jaune, un tomahawk en plastique vert pomme en travers de son dos et pédalant de toutes ses forces sur un tricycle rouge !
Il sait oser les couleurs, et quelle énergie ! Vous ne le trouvez pas charmant ? - Un emmerdeur, oui ! - Mais non, juste un enfant, léger comme un brin de paille et que le chagrin emporte avec brutalité. »
Ce petit bolide jaune, c'est Tobie, filant au travers de l'orage après que son père lui eût dit d’aller au diable. Autour de cet enfant gravitent malheurs et décès. Une longue histoire qui le laissera à moitié orphelin, sa mère ayant perdu (littéralement) la tête lors d'un accident d'équitation.
Pour veiller sur lui, il y a Déborah, son arrière-grand-mère, la mémoire de la famille, et victime de tant de deuils.
Devenu adulte, Tobie quitte son marais pour la première fois et part sur les routes accompagné de Raphaël, nomade léger et énigmatique. Ce dernier lui apprendra l’amitié et l’amènera à découvrir l’amour auprès de Sarra, jeune fille belle en diable mais dont la beauté agit tel un sort mortel auprès de tout homme s’approchant d'elle.
Tobie parviendra-t-il à la libérer de cette malédiction qui la détruit autant qu'elle ne détruit les hommes ? Sa famille réussira-t-elle à se débarrasser des peines qui la hantent ?
Sylvie Germain nous offre une écriture poétique et riche en émotions. Cette histoire sur la découverte de soi et la quête de l’amour est un vrai trésor littéraire. J'ai été emportée par la musique des mots, chaque phrase est un délice pour l'esprit. Cet auteur possède une plume pleine de fraîcheur !
Comment conclure autrement que par cet extrait du livre qui dit en tout point ce que représente pour moi l’écrit : " Il suffit parfois de quelques vers d'un poème, d'une phrase de prose, pour arrêter le temps, exhausser un instant hors du flux continu et le mettre en suspens, soleil-pause diffusant un silence tout en frémissements, ondoiements d'aube et tintements à travers la sombre partition du temps ".
Un très beau livre et un Grand Prix Jean Giono non démérité !
Entre conte et poésie 10 étoiles

Sylvie Germain nous fait faire connaissance avec Tobie, enfant d’une lignée de Polonais exilés en France. Entre conte et poésie, elle déroule les malheurs de ses aïeux, qui retombent sur les épaules de Tobie : à dix-neuf ans, son arrière-grand-mère Déborah est partie avec sa mère et son frère émigrer aux Etats-Unis après la mort du père. Hélas, tonnerre de sort, les malédictions s'enchaînent sur sa famille... (« La mort avait toujours procédé autour d’elle avec une opiniâtre et cruelle ironie, s’ingéniant, chaque fois qu’elle surgissait, à dérober le corps, le corps entier du trépassé en même temps que son souffle. (…) Déborah avait été condamnée à vivre dans un deuil à répétition, d’une absolue nudité. »)... jusqu'à Anna, la mère de Tobie, qui meurt à cheval et dont la tête a mystérieusement disparu.
Quinze ans plus tard, le père de Tobie enjoint son fils à entreprendre un voyage pour récupérer une somme d’argent auprès d’un ami, ses ressources s’amenuisant fortement. Tobie se trouve un compagnon de route en la personne de Raphaël et en chemin, ils entendent les rumeurs qui entourent une certaine Sarra, qui serait victime d’une malédiction...
A la fin, tout se délie pour les personnages enfermés dans leurs désespoirs, leurs chagrins, leurs peurs...
A nouveau, un pur délice que ce roman dans un style que je savoure, comparable à nul autre écrivain. Sylvie Germain décrit les cœurs et la nature avec tendresse et sait s’émerveiller. Ses mots sont une musique ! Même si ses personnages sont souvent avares en mots, l’auteure décerne un hommage aux mots qui libèrent. Elle en profite pour jalonner l’histoire d’allusions à celle de Tobie dans la Bible. Hélas, ce livre est trop court ; je voudrais qu’il dure tellement plus longtemps…

Pascale Ew. - - 57 ans - 3 avril 2023


Un roman-conte-de-fée en miroir au récit biblique 7 étoiles

Nous y retrouvons ici les envolées épiques aux cadences poétiques si propres à Sylvie Germain.

L'auteure s'est inspirée du récit biblique, le Livre de Tobie, pour nous raconter l'itinéraire d'un enfant en souffrance, orphelin de sa mère, privé de son père, mais sauvé par la sollicitude d'une aïeule.

Devenu homme et muni de talismans merveilleux, Tobie émergera de sa solitude en rencontrant l'amour mais aussi en retrouvant son père, dans une sérénité enfin atteinte.

Ori - Kraainem - 89 ans - 22 novembre 2009


Une beauté saisissante. 8 étoiles

J'ai du mal à donner un avis définitif sur ce livre, je suis très partagé.
D'un côté, il y a ces images fortes, évocatrices, marquantes et d'une beauté rare, décrites avec brio par Sylvie Germain, qui me font dire que ce livre est une magnifique oeuvre poétique. Il y a ce parcours initiatique où l'émotion est présente à chaque instant, où l'on ne peut qu'admirer l'attitude des personnages, qui ne plient pas sous les coups répétés du malheur.
Mais de l'autre côté, de nombreuses digressions m'ont empêché d'adhérer totalement à cette oeuvre. Comme l'a dit Jules, l'histoire est trop souvent freinée à mon goût, manque d'élan.

J'ai quand même passé des heures agréables à lire ce livre.

Worthless - Bonsecours - 35 ans - 10 mai 2008


Grand écrivain. 9 étoiles

C'est grâce à CL que je me suis remis à lire S.Germain. Je trouvais que ses derniers livres perdaient de leur puissance,que les personnages devenaient plus "sages"!
J'avais , comme tous, été ébloui par la lecture de son premier livre "Le livre des nuits" parce que je ne connaissais pas beaucoup d'écrivains français qui portaient en eux ces mondes faits de passions, de tourmentes, de visions féériques.
Elle a vraiment fait irruption et immédiatement pris sa place parmi tous les vrais écrivains. Plus tard, l'ayant vue dans l'émission de Pivot, j'ai été séduit par cette femme paraissant fragile mais" habitée ". Et puis quels yeux d'un bleu "fulgurant". Elle dit écrit dans "Tobie", que la beauté "fulgure"!
Elle n'a pas seulement un monde à offrir mais également un style fait de mouvements, d'images saisissantes, de trouvailles métaphoriques merveilleuses, de personnages humains presque toujours conduits par leurs passions. L'image du petit Tobie pédalant sous la pluie, vêtu de son ciré jaune et armé d'un tomahawk ne me quittera plus. Il reste tout le contenu religieux et philosophique à explorer.

Donatien - vilvorde - 81 ans - 9 septembre 2004


Résurrection 9 étoiles

Si vous avez envie de lire du fort et du doux à la fois, du rêve, de l’imaginaire plausible, ce livre est pour vous. Le mystérieux, l’irrationnel font ici incursion dans le réel pour en recoudre la trame effilochée. Entre conte et roman, « Tobie des marais » est un souffle de résurrection : les habitués à l’opprobre s’ébrouent et chassent leur honte, les calfeutrés dans leur maison comme dans leur âme sortent et respirent, les yeux secs vivent la libération des larmes, les désabusés reconquièrent le sens de leur vie, les colériques évacuent leur culpabilité dans un brasier purificateur.

Je n’ai pas envie de me lancer dans un résumé exhaustif, celui de Bluewitch est parfait (voir critique). Par contre, je voudrais vous parler de deux personnages. L’arrière-grand-mère de Tobie est une femme étonnante. A dix-neuf ans, elle quitte sa Pologne natale avec sa mère et son frère à bord d’un paquebot en direction de l’Amérique. Le cauchemar de cette traversée la laissera seule face à un Eldorado qui la rejette et la renvoie en Europe. Vous verrez comme cette femme et la sagesse partagent bien des caractéristiques… Quant au deuxième personnage, il s’agit de Raphaël. Insaisissable mystère, ce guide bienveillant nous fait comprendre ce que doivent être les anges lorsqu’ils se mettent à veiller étroitement sur nos destinées chaotiques.

Vraiment, ce livre vaut le détour…

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 10 février 2004


Très belle critique de Bluewitch mais... 8 étoiles

Je suis tout à fait d'accord quant à la merveilleuse beauté de l'écriture de Sylvie Germain et en voici un autre exemple: "Calme est le jour sur la terre, calme et radieux. Valentine a pris congé de sa longue nuit, de sa peur. Elle est vieille déjà, et de santé chétive après tant et tant d'années d'enfermement, mais elle ne sent nullement le poids de son âge; la vie, qu'elle a laissée si longtemps en sourdine, au ralenti le plus extrême même, refait surface par ondes infimes. Elle n'a pas de bagage, aucun argent en poche et ignore où elle va. Elle ne s'en soucie pas, il lui suffit d'aller. Elle vient de naître, tout au bout de son âge, femme-éphémère demeurée à l'état larvaire durant des milliers de jours et dont l'instant d'éclore est enfin arrivé. Il lui importe peu de savoir qu'elle sera la durée de cette vie nouvelle, - elle la ressent comme éternelle."
Et encore: "Car le hasard, lorsqu'il se répète avec trop de constance, échappe au jeu singulier des coïncidences et finit par révéler loi aussi énigmatique qu'implacable, et, en l’occurrence, le hasard avait tout d'un destin désastreux."
Mais je me demande si elle ne joue pas un peu trop de cette écriture, au point d'en ralentir le déroulement de l'histoire. Malgré la beauté du texte, il y a des moments où j'ai dû m'accrocher pour lire chaque ligne. Une envie furieuse me prenait de connaître la suite du destin de Tobie et des siens. Je voulais aller plus vite vers la rencontre de Tobie et Sarra. Trop impatient ? Peut-être !... Ce livre a, par moment, de véritables accents religieux, ce qui n'est pas un défaut en soi, mais le fait de faire souvent parler Raphaël comme un prophète m'a un peu dérangé...
Un merveilleux livre quand même !...

Jules - Bruxelles - 80 ans - 5 février 2003


Merveilleux 10 étoiles

Comme "Le livre des nuits" ! Une écriture superbe, un monde différent, très poétique... C'est beau, Sylvie Germain !

Jules - Bruxelles - 80 ans - 7 octobre 2001


une petite merveille 9 étoiles

Qu’ils donnent la mort malgré eux comme la belle Sarra ou qu’ils en soient frappés , de façon démoniaque, comme la mère de Tobie, ce livre très onirique nous fait frissonner : on se croit dans un conte, avec autant de merveilleux que d'horreur.
Parfois on se sent tout petit devant la dignité et la résignation des personnages, leurs larmes tues. Ainsi parle la vieille Déborah, sentinelle infaillible et taciturne qui ne laissera couler ses larmes qu’après la mort : " Peut-on monter au ciel et demander à Dieu si les choses ont le droit d'être comme ça ?".
Le chemin de Tobie, comme une rivière sacrée qui coule sous de grands arbres légendaires, nous emmène, le coeur troublé, prisonnier, vers un bonheur enfin libre : l'espoir, l'amitié, l'amour, comme autant de lumières, vont délier les sortilèges. C’est un livre magnifique, magique, surprenant, à nul autre pareil.

Zoom - Bruxelles - 70 ans - 7 octobre 2001