Revenir à Vienne
de Ernst Lothar

critiqué par Romur, le 23 mai 2021
(Viroflay - 51 ans)


La note:  étoiles
L'impossible retour
Après Mélodie de Vienne (sur l’effondrement de l’empire austro-hongrois et puis l’annexion de l’Autriche par les nazis), Ernst Lothar a écrit Revenir à Vienne. Pas strictement la suite (les personnages ne sont pas les mêmes), mais bien le prolongement.
Felix von Geldern fait partie d’une riche famille d’autrichiens ayant fui et émigré aux Etats-Unis suite à l’annexion de leur pays par l’Allemagne. Ils ont souffert, choisi de s’intégrer et même de demander la nationalité américaine. Et puis le miracle se produit : la défaite d’Hitler, la libération de l’Autriche, et Felix est envoyé pour représenter et revendiquer les intérêts familiaux. Son rêve se réalise : revenir à Vienne, sous le chaperonnage bienveillant mais autoritaire d’une grand-mère haute en couleur.
Ancien venu, qui cherche Vienne en Vienne, et peu de Vienne en Vienne n’aperçoit. Ces vieux palais, ces vieux arcs et ces vieux murs, c’est ce que Vienne on nomme. Vois quel orgueil, quelle ruine ! Le pays est à genou, la ville en ruine, l’Opéra lui-même complètement calciné et les enfants ont faim. Ils l’ont voulu et ils l’ont eu, ces autrichiens qui ont acclamé Hitler ?
Mais comment l’émigré peut-il juger ceux qui sont restés et ont dû se compromettre pour continuer à vivre ? Les souffrances de l’exil peuvent-elles se comparer à celles de la guerre ? Comment bourreaux et victimes peuvent-ils vivre ensemble dans le même pays ? L’amour peut-il ignorer les compromissions politiques ? Comment gérer le déchirement entre l’amour du pays natal et celui à qui on vient de jurer allégeance, quand on fait ses achats dans les magasins réservés aux occupants devant les regards implorants de ses anciens compatriotes ?
Un livre superbe pour nous rappeler, à l’air du politiquement correct, que rien n’est simple. Et mention spéciale à la personnalité extraordinaire de la grand-mère Viktoria.