Dernier refrain à Ispahan
de Naïri Nahapétian

critiqué par Vinmont, le 26 mai 2021
( - 50 ans)


La note:  étoiles
Refrain d'Iran
Ce bon roman de Naïri NAHAPETIAN permet de rappeler ce qu'était l'Iran dans les années 2000. Ainsi, il est interdit de montrer ses cheveux, de s'habiller sans respecter l'uniforme islamique et de chanter en public.
Les ayatollahs ne manquent pas d'idées quand il s'agit d'entraver la liberté des femmes.
C'est dans cet environnement que l'auteur raconte cette histoire dans laquelle la grande chanteuse Roxana revient dans la ville de son enfance, après un long exil aux Etats-Unis et que certains de ses airs résonnent encore dans les taxis d'Ispahan.
Son projet ? Donner un concert dans lequel se produiront d'autres femmes. Un projet qui ne verra jamais le jour car Roxana sera définitivement réduite au silence. et elle ne sera pas seule à subir ce sort…
C'est justement à ce moment-là que Narek, un jeune journaliste franco-iranien venu prendre le pouls de la révolte de 2009, rejoint la ville. Cette enquête lui permettra encore une fois de découvrir une facette insoupçonnée de la réalité iranienne.
Par cet ouvrage, on peut comprendre beaucoup de choses sur cette réalité, sur cette vie et Naïri NAHAPETIAN nous en fait découvrir de nombreux volets notamment politiques. Il en est d'autant plus intéressant.

Ispahan, Iran, 2009 6 étoiles

C’est sur un malentendu que j’ai lu ce polar. Dans le cadre de mes lectures de polars issus de tous les pays du monde, j’avais repéré Naïri Nahapetian comme auteure arménienne.
Bon, Ispahan, c’est en Iran et le roman est exclusivement centré sur la situation iranienne en 2009. Et finalement si Naïri Nahapetian est d’origine arménienne, elle est en fait franco-iranienne et écrit apparemment en français. On peut par contre considérer son polar comme un polar iranien. Et comme un exposé sur la situation des femmes au royaume des ayatollahs …
2009, Ispahan, Roxanna, une ex-grande vedette de la chanson iranienne, exilée aux USA pour pouvoir exercer son art (le chant féminin étant considéré comme impudique par les autorités et réprimé comme tel), est revenue à Ispahan avec le projet de donner un concert en compagnie de deux autres artistes féminines. Las, elle n’ira pas au bout de son projet, dès le début du roman il y a un souci :

»Il lui sembla entendre des pas. Etait-ce Shadi ? Enfin !
La chanteuse examina la salle. Mais celle-ci semblait vide. Seules les marionnettes géantes pendues aux murs accrochaient la lumière des réverbères.
Sur le tapis couvert d’une épaisse poussière reposait un étrange bouquet de tulipes artificielles.
Elle entendit un gémissement, comme si le vent pleurait dans la nuit, et reçut un coup sec sur la nuque. Elle s’effondra sous le choc.
Un second coup, lourd, métallique, s’abattit sur son crâne. Le goût du sang emplit sa bouche … »


Exit Roxanna. Exit aussi très rapidement Nadia, jeune musicienne de 19 ans, qui devait participer au concert. Etranglée par un foulard elle aussi. Avec le même bouquet de tulipes artificielles à ses côtés. La signature d’un serial-killer est explicite.
C’est l’inspecteur Abbas Velayi, à Ispahan, qui va mener l’enquête mais c’est Narek Djamshid, un journaliste franco-iranien qui vient d’arriver à Téhéran pour relater la situation pré-insurrectionnelle qui a suivi l’élection de Mahmoud Ahmadinejad, qui va nous la relater. Puisque - et c’est une des relatives incohérences du roman – Narek a été convoqué au Ministère de la Culture et de l’Orientation islamique pour, contre toute attente, se voir suggérer d’aller à Ispahan suivre l’enquête sur ces deux meurtres en compagnie de l’inspecteur Velayi (pourquoi ai-je du mal à trouver cela crédible ?!).
Tout au long de cette enquête ce sera l’occasion pour Naïri Nahapetian d’exposer les nombreux obstacles qui entravent la société civile et les femmes plus particulièrement sans que cela se présente sous la forme d’un réquisitoire ou d’un manifeste. Et tant qu’à faire donner un aperçu sur la prévarication d’autorités tels les militaires ou les pasdarans …
Il y a de beaux personnages, à la personnalité plutôt bien fouillée, mais, je ne sais pourquoi l’ensemble m’a paru un peu comme un kaléidoscope avec ses éclats lumineux éclatés et disparates. Trop de non-dits peut-être et une narration éclatée ?
Naïri Nahapetian, une auteure à revoir.

Tistou - - 68 ans - 26 novembre 2021