Le Menteur
de Corneille

critiqué par Fanou03, le 17 juin 2021
(* - 49 ans)


La note:  étoiles
"Savez-vous bien, Monsieur, que vous extravaguez ?"
Dorante est un jeune homme fraîchement monté à Paris. Au cours d’une ballade Place Royale il croise une galante à qui il conte fleurette. Plus tard il essaye de connaître son nom : on lui dit qu’elle s’appelle Lucrèce, alors qu’il s’agit de Clarisse, sa cousine. Cette méprise débouche sur un beau quiproquo, d’autant plus que Dorante s’avère un fieffé menteur et ne recule devant rien pour s’inventer des exploits ou une vie qui n’est pas la sienne…

Avec Le Menteur, Pierre Corneille écrit là un vaudeville échevelé. Un peu trop même, car à trop vouloir complexifier l’imbroglio, j’avoue qu’il m’a perdu plus d’une fois. La méprise de Dorante, qui confond Clarisse avec Lucrèce, débouche sur une confusion totale, joyeuse mais pas facile à suivre ! A un moment on ne sait plus qui est qui, Clarisse se faisant passer pour Lucrèce sans savoir qu'elle alimente ainsi le quiproquo... Tout ça donne le tournis ! L’autre difficulté du Menteur est que j’ai trouvé certains passages compliqués à lire, à cause des tournures de phrases et des constructions syntaxiques assez ardues.

La saveur de la pièce tient beaucoup à l’extraordinaire talent de menteur de Dorante. En l’espèce c’est presque un véritable mythomane. La scène où il invente de toute pièce une scène imaginaire qui explique pourquoi soi-disant il a été obligé de se marier à une jeune fille de Poitiers, est une perle ! On se délecte donc des menteries du bonhomme, on se demande bien comment il va retomber sur ses pattes. La conclusion de la pièce malheureusement n’est d’ailleurs peut-être pas à la hauteur du reste. Le Menteur est donc une pièce pleine de qualité, où Pierre Corneille rend hommage sans doute à nouveau à la puissance de l’illusion comique. Mais sa complexité lui fait perdre peut-être un peu de sa puissance et du plaisir de sa lecture.
L'art de mentir 9 étoiles

De retour de Poitiers, Dorante s'apprête à s'inventer une vie et se révèle être une véritable machine à mensonges qui provoqueront de nombreux quiproquos. Lorsqu'il rencontrera deux jeunes femmes, Lucrèce et Clarice, il les confondra, ce qui entrainera de nombreux malentendus. Il s'inventera un passé de militaire lors de la guerre de Trente ans, mais ne s'arrêtera pas là ! On a peine parfois à le suivre tant il ment par plaisir. Il est accompagné de son valet Cliton, à l'image des valets du XVIIème siècle.

Le mensonge est le thème principal de cette pièce de théâtre, motif que l'on peut étendre aussi aux apparences. Dans cette comédie, Dorante ment comme il respire avec une aisance désarmante, parfois cela semble même gratuit. Cela semble répondre à un plaisir et souligne en même temps sa bonne mémoire et des qualités oratoires. Il est question aussi des visages qui peuvent parfois eux aussi tromper. Un visage rassurant peut cacher en réalité des vices et inversement. Il est question aussi de la ville de Paris qui est comparée à un décor de théâtre, comme si elle devenait aussi lieu de duperies. La pièce interroge donc sur la dualité vérité-mensonge et en vient à interroger sur le rôle du dramaturge qui lui-même invente des mondes, comme le fait le menteur. Cette pièce apparaît comme un hommage au monde du théâtre et montre combien l'imaginaire fait partie de notre réalité.

Cette pièce est réussie et très bien construite. Tous les mensonges s'imbriquent les uns dans les autres et on ne peut que saluer l'habileté de Corneille à avoir structuré ainsi une telle pièce. Cette comédie est en vers, comme l'était "L'Illusion comique" du même auteur, ce qui confère une certaine majesté à ce genre. Certains passages font sourire tant on voit que la mécanique du mensonge fonctionne presque à merveille. Certaines fabulations sont tellement exagérées qu'elles amusent le lecteur. Dorante, à certains égards, rappelle Matamore qui lui aussi s'inventait des exploits de façon ridicule et amusante pour le lecteur.

Cette comédie demande au lecteur d'être bien concentré pour ne pas se perdre dans le labyrinthe des mensonges de Dorante. C'est une bonne nouvelle qu'elle ait été choisie dans les prochains programmes du baccalauréat.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 16 juillet 2024