Les jours de mon abandon
de Elena Ferrante

critiqué par Sahkti, le 1 septembre 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Etre abandonnée
Cela commence par un constat froid, presque cynique: "Un après-midi d'avril, aussitot après le déjeuner, mon mari m'annonça qu'il voulait me quitter".

Est-ce que Olga, l'épouse ainsi délaissée, maman de deux enfants, se fiche de ce qu'il lui arrive? Pas du tout, mais il lui faut du temps pour assimiler l'information et progressivement, c'est la dérive, elle sombre complètement, proche de la folie, ça devient dangereusement inquiétant.
Cette femme n'était pas prête (on ne l'est sans doute jamais de toutes façons), elle a encaissé sans rien dire, incapable en réalité de réaliser ce qui lui arrivait. Puis son cerveau s'est mis en marche et a refusé, tout comme son corps, ce fut le début de la fin.
Pour son mari, Olga avait tout quitté, surtout sa passion, l'écriture. Quinze ans de vie commune et de bonheur à Turin. Tout ceci vole subitement en éclats, Olga est brisée et ne comprend plus rien. Les drames vont se nouer, parfois sanglants.

Que l'histoire de cette femme fait froid dans le dos! Ce qui lui arrive (la rupture) est triste mais ce qui l'est encore plus, c'est cette déchéance, ces meurtrissures, le déclin d'une femme qui ne demandait rien à personne et se retrouve détruite du jour au lendemain, incapable de faire face et de réagir.

Elena Ferrante décrit avec beaucoup de force et de subtilité cet état de folie et de dépression, ce chagrin mêlé au désespoir. Elle fouille sans pudeur l'âme de son héroïne pour nous livrer une immensité de cruauté et de révolte. C'est une descente aux enfers comme il pourrait en arriver chaque jour, c'est sans doute ce qui rend cette femme plus attachante encore, on se glisse dans sa peau, on comprend et partage sa hargne, on en veut à Mario son mari et en même temps on voudrait tellement aider Olga, la sortir de sa démense et de cette spirale infernale qui la détruit.
Bravo à Elena Ferrante car ce n'était pas facile de travailler sur une histoire de femme abandonnée par son mari pour une plus jeune, le schéma est archiconnu mais l'auteur y a apporté beaucoup d'originalité et d'intensité.
La musique de Elena Ferrante 8 étoiles

J'ai lu ce livre après avoir lu les deux premiers tomes de la saga "L'amie prodigieuse", une saga au succès énorme et qui m'avait captivé. Cela mettait la barre haut pour ce livre qui est bien antérieur mais je n'ai pas été déçu (même si le plaisir de lecture fut moins grand).

Il y a dans les livres de Ferrante quelque chose de captivant, qui fait qu'on ne sait plus s'arrêter. Le pourquoi de cette passion du lecteur pour ses livres est un mystère : finalement il se passe peu de chose et ce qui est relaté, comme le dit Dirlandaise, est assez banal. Cependant il y a un grand pouvoir d'évocation, ainsi lorsque Olga se débat avec sa serrure ou avec son voisin on a l'impression d'y être et une grand empathie se fait pour le personnage. Si ce livre m'a moins plu, c'est parce que Olga est par moment trop irrationnelle et irritante, là je rejoins Dirlandaise. D'ailleurs dans l'amie prodigieuse c'est la plus sérieuse des deux amies que je préfère, l'autre étant par moment excessive à un point qu'on perd toute empathie pour elle.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 4 février 2017


Affligeante banalité 4 étoiles

Un petit mot au sujet de ce livre. Au départ, l'idée de décrire les déboires domestiques d'une femme que son mari vient de laisser pour partir avec une autre plus jeune et plus jolie était alléchante. J'attendais peut-être trop de ce roman alors je suis au final assez déçue.

Mon principal agacement vient des réactions d'Olga. Elle est bizarre, irrationnelle et surtout assez lassante de vouloir se faire belle lorsqu'elle attend la visite de son ex. Franchement, un homme te laisse tomber et tu déploies tes charmes afin de le reconquérir... quel manque de fierté ! Ensuite, décrire pendant des pages ses problèmes de porte blindée et de clés, il faut le faire. Et aussi, le chien qui prend beaucoup trop de place dans le récit, plus que les enfants qui sont à peine esquissés.

Voilà ce qui m'a principalement irritée, cette propension de l'auteure à décrire pendant des pages et des pages des faits anodins sans importance. En fait, il ne se passe presque rien dans ce roman. Olga rage d'avoir été abandonnée et jette un œil sur son voisin célibataire afin de se consoler tout en tentant de maintenir un semblant d'ordre dans sa maison. Heureusement que l'auteur ne s'est pas trop étendue sur le passage de l'aspirateur et autres tâches domestiques passionnantes... Affligeante banalité.

Dirlandaise - Québec - 69 ans - 3 février 2017