L'ange de l'histoire
de Rabih Alameddine

critiqué par Pucksimberg, le 1 août 2021
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Evocation d'une vie une nuit dans un hôpital psychiatrique
Jacob, poète d’origine yéménite, a des hallucinations. Il communique avec Satan et quatorze autres saints. Dans la salle d’attente d’un hôpital psychiatrique, il se souvient des principaux événements qui ont marqué sa vie, aussi bien ses histoires familiales que ses histoires amoureuses. Sa vie est haute en couleur, fils d’une prostituée d’un bordel égyptien, il retrouvera son père un certain temps et continuera sa vie à San Francisco, durant les années Sida. Le lecteur suit donc ce personnage durant son enfance, son adolescence et sa vie d’adulte sans forcément que le récit soit linéaire. Le roman n’est pas simplement l’histoire d’une vie, il puise aussi dans certaines pensées philosophiques et littéraires afin de faire réagir le lecteur.

C’est le second roman de Rabih Alameddine que je lis et c’est une nouvelle fois un plaisir de rencontrer son univers. Il possède une belle plume qui donne de la force à ce qu’il narre. Tout d’abord, il a un ton qui lui est propre, qui lui permet de jongler avec l’ironie et des formulations parfois provocantes qui invitent à la réflexion. Son rapport à la religion l’autorise parfois à être irrévérencieux pour le plus grand plaisir de son lecteur. Ensuite, il manie avec maîtrise les images, ce qui fait que l’on s’arrête parfois après certaines phrases pour en apprécier la beauté. L’auteur nous met aussi face à des réalités, pas toujours confortables, mais il en parle avec simplicité. Je pense surtout à certaines scènes d’ordre sexuel évoquées comme un fait banal.

Le lecteur prend aussi plaisir à écouter Satan, Mort et les Saints parler. Il y a quelque chose d’amusant dans cette façon de faire dialoguer ces figures religieuses tout en ayant un certain intérêt intellectuel. Mais l’écrivain ne s’arrête pas là ! Dans un chapitre un drone a la parole. Et cette séquence n’est pas qu’un exerce de style, elle s’intègre parfaitement dans le roman et sert le propos de l’écrivain. Derrière ces confidences et ces anecdotes, le caractère engagé de l’écrivain transparaît. Avec humour et ironie, il met le doigt sur ce qui fâche et ne s’affirme pas comme un adepte de la bien-pensance.

L’homosexualité occupe une grande place dans ce roman. L’écrivain aborde la découverte de cette sexualité et narre par la suite les nombreuses aventures de Jacob sans filtre. Dans tout le roman, le personnage principal s’adresse à Doc, son amant décédé, qui devient le récipiendaire de ses confidences, mais aussi l’emblème de la lutte homosexuelle contre cette épidémie qu’est le sida. L’écrivain ne bascule pas dans le pathétique et ne s’appesantit pas sur des scènes qui pourraient être douloureuses pour le lectorat. Il sait aussi émouvoir avec justesse.

Ce roman est original par sa forme et par les personnages sacrés qui interviennent dans la narration. La langue d’Alameddine est belle et s’affirme par sa singularité. L’auteur ne choisit pas toujours la facilité dans les scènes décrites qui pourront parfois déranger. « L’Ange de l’histoire » s’affirme comme un roman moderne et audacieux qui ose mettre la vérité à nu.