L'Espoir
de André Malraux

critiqué par Jules, le 6 mars 2001
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Un très grand roman sur une guerre atroce
Dans " l'Espoir ", Malraux nous raconte une partie de la guerre civile espagnole, depuis les premiers rassemblements populaires pour lutter contre Franco et ses troupes maures, jusqu'à la chute de Madrid et les combats dans Guadalajara.
On voit que les républicains ont des conseillers et des cadres soviétiques, là où Hitler et Mussolini engagent leurs armées. Les nazis et les fascistes soutiennent Franco à fond, et Hitler teste son aviation et l'efficacité des bombardements en piqués, même sur des objectifs totalement civils. Le cas le plus connu dans le monde sera le bombardement de Guernica, rendu célèbre par le tableau de Picasso. Ce bombardement a été commis par l’aviation d'Hitler. L'objectif était de bombarder le village à l’heure de l'affluence maximum dans les rues. Pour cela les pilotes l’ont bombardé pendant l'heure du marché.
Les républicains souffriront également d'avoir des troupes non entraînées et insuffisamment disciplinées par rapport aux militaires de Franco. Il nous montre aussi la cruauté de cette guerre, avec des civils pris en otages de façon systématique. Des fusillades en règles dans les villages gagnés par les troupes de Franco, mais il est évident que des abus ont été commis des deux côtés. L'aviation de la République est aussi très loin de valoir celle des fascistes quant à la qualité du matériel. Les combats au sol sont des plus durs et se terminent bien souvent à l’arme blanche. Malheurs aux prisonniers républicains, mais aussi aux prisonniers de l'aviation italienne ou allemande. Malheurs aussi aux espions de tous bords. Enfin, malheurs au peuple espagnol, de quelque bord qu'il soit !
La guerre décrite par Malraux est également, à la différence de celle décrite par Hemingway, celle des cadres de l’armée républicaine. Ils étaient composés d'anarchistes, de socialistes, de démocrates espagnols, mais aussi de volontaires internationaux. Une partie de l'armée seulement est restée fidèle au pouvoir légal, la plus grande partie étant passée du côté de Franco, représentant pour eux la droite et les valeurs traditionnelles.
Quant au peuple, comme dans toute guerre civile, il a été partagé, et c'est lui qui paiera le plus lourd tribu à cet épisode sanglant de son histoire.

Ce qui est frappant dans ce livre, c’est que Franco fait la guerre, avec tout ce qu'elle implique. Sans états d'âme, comme un professionnel, alors que la gauche est composée d'idéalistes courageux mais peu organisés.
La conclusion, et une des raisons de la défaite républicaine, est contenue dans cette phrase de Malraux : « Cette guerre va être une guerre technique, et nous la conduisons en ne parlant que de sentiments. »
Un très grand roman, écrit par un très grand intellectuel du vingtième siècle, sur une période tragique pour l’Espagne et pour les démocraties de l'époque !
L'Espoir, la Lutte, l'Engagement... 9 étoiles

L'Espoir, bien que comportant un début (la première centaine de pages) de roman difficile à pénétrer, ce notamment à cause de la multitude et de l'enchevêtrement des histoires et des personnages, ne fait pas partie de ces livres qui s'oublient une fois fermé. Je ne reviendrai pas sur l'intrigue ni sur le contexte politico-historique que Malraux tente de dépeindre (à merveille), vous le connaissez sûrement, et si non, référez-vous à la critique de Jules ci-dessus. Une demi-année après l'avoir lu, certaines scènes, certaines images, restent encore profondément et durablement dans l'esprit du lecteur, tant elles sont puissantes émotionnellement et écrites de main de maître. Disant cela, je ne peux m'empêcher de penser au moment où des aviateurs s'écrasent sur un sommet montagneux. Des paysans résistants, habitants des montagnes, se chargent alors de récupérer les blessés et les cadavres, ils les descendent, deux heures durant, périlleusement, dans le village de la vallée, sur des brancards pour les blessés, dans des cercueils pour les morts. Arrivés dans le village, tous les habitants sortent sur le porche de leur maison. Un silence total s'établit dans les lieux, puis, en signe de lutte, tous lèvent le poing gauche, en même temps que défile le cortège funèbre... Un grand moment de la littérature.
Malraux, sans aucun doute, a sa place au panthéon des grands écrivains, des artistes, d'autant plus que, dans ce roman, il mêle un témoignage historique, un style littéraire recherché et une réflexion philosophique sur l'engagement politique, la gauche, le clivage entre l'anarchisme et le communisme (l'anarchisme, vu comme un mouvement ayant pour seul intérêt la satisfaction des besoins humains, y est perçu plus positivement que le communisme, qui est vu comme un mouvement gangrené par un Parti hiérarchisé, dogmatique, ne voulant finalement que l'accession au pouvoir), le sens de l'existence, la mort (" Ce n'est pas de la mort que j'ai peur, c'est de la douleur..." disait un des protagonistes), la guerre...

OC- - - 28 ans - 2 juin 2012


L'espoir face aux désillusions 9 étoiles

Pour reprendre la critique précédente, toute guerre est atroce, même si celle-là s'est avérée assez sanglante.
La force du corps du roman est très bien résumée dans le titre, dans la survivance de l'espoir, suite aux désillusions républicaines.
Ma lecture en a été d'autant plus poignante qu'elle a été concomitante à celle de la biographie de Léon Blum par Jean Lacouture, où il est fait part du renoncement du Front populaire à l'aide faite aux Républicains.
Les descriptions y sont très précises : Malraux a été l'un des acteurs de cette page historique. On est donc tenté de croire que la base en est solide, bien que romancée : l'auteur se plaisait à l'emphase.

A lire. C'est un incontournable.

Veneziano - Paris - 47 ans - 10 mai 2005