L'heure des olives de Claude Donnay
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Le livre des décisions
Nathan Rivière, le narrateur du quatrième roman de Claude Donnay qui a une trentaine d’années, invoque un faux burn out pour prendre du recul et bientôt rompre avec sa femme et son employeur.
Dans un ermitage, il fait la rencontre d’une femme séduisante dont il apprend qu’elle est éditrice. Le père de Nathan, jeune retraité, lui confie par ailleurs le manuscrit d’un premier roman qu’il a terminé et qui raconte l’histoire d’un passeur de migrants dans le sud de la France qui s’éprend d’une Syrienne mariée. Le Passeur, titre provisoire de ce roman du père, avant qu’il s’appelle "L’Heure des olives", va bientôt imprégner, régler la marche du récit.
Car ensuite va germer dans la tête de Nathan une idée retorse pour se rapprocher de la femme qui le fascine sans savoir dans quel parcours il s’engage… Plusieurs fois, il s’accuse d’être un velléitaire, un menteur, de s’être trompé et d’avoir trompé les autres sur ce qu’il est vraiment ; bref, de ne jamais avoir pris ses responsabilités ni d'avoir aimé.
"L’Heure des olives", le roman du père, écrira le narrateur, "cela pourrait être l’heure où l’on secoue les branches pour récolter les fruits en pluie dans les filets, comme un miracle, mais cela pourrait aussi être l’heure des décisions, des mots qui tombent des lèvres, des actes posés avec leurs conséquences à venir"…
Derrière l’histoire d’amour qui va attacher le narrateur à l’éditrice se noue une autre relation, plus forte, fondamentale, celle qui va réunir le père au fils via un roman, objet du passage, du relais entre les deux hommes.
Souvent, quand un livre est évoqué dans un récit, c’est à titre anecdotique. Outre la qualité évidente des passages rapportés, le livre dont il est ici question est au coeur du récit, il relie les protagonistes et devient le moteur de leurs actions.
Ce roman dans le roman qu’on lit va aussi permettre l’épanouissement du narrateur. Mais par le dispositif mis en place, il permet à l’auteur même de s’interroger, en y mêlant le lecteur dans une forme de clin d’œil, sur sa propre pratique romanesque (et celle de tout écrivain). La mise en abîme se révèle donc un jeu de miroirs et d’échos à plusieurs facettes.
Un roman beau et fort, qui provoque le frisson. Ancré, engagé dans son époque, la nôtre, il pose de multiples questions existentielles sans les résoudre toutes, de sorte que le lecteur les prenne à son compte et prolonge ainsi sa réflexion. Bien au-delà de la lecture du livre…
Les éditions
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L'heure des olives
de Donnay, Claude
MEO
ISBN : 9782807002968 ; 20,00 € ; 28/08/2021 ; 276 p. ; Broché
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Amour et mensonge
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 19 novembre 2021
Il a menti à Alex, Alexandra, elle lui a menti elle aussi, ils ont inventé des personnages compatibles pour vivre une aventure en cachette, loin de leur monde réciproque. Mais leur histoire bascule quand Nathan, voulant en savoir plus sur sa belle, découvre qu’elle est avec sa collègue une égérie du monde parisien de l’édition, qu’elles font et défont les carrières littéraires des plus grands auteurs. Alors pour l’épater et redorer son image personnelle, il lui dit qu’il écrit et le prouve en lui adressant, sous son nom, le manuscrit que son père a écrit. Hélas, pour lui, ce texte est très bon, il est promis à une belle carrière éditoriale ! Nathan bascule alors totalement dans une double vie, dans un imbroglio insoluble dont il ne pourra sortir qu’à l’aide d’une écrivaine qui le confie à son père.
Ce texte d’une très grande richesse comporte plusieurs entrées, c’est tout d’abord une réflexion sur le mensonge, le mensonge provoqué par les vices de notre société où il faut souvent mentir pour ne pas perdre la face et tout ce qui s’en suit. Nicole trompe Nathan qui le quitte, Alex ment à Nathan sur sa double vie, …, mais c’est surtout Nathan qui ment à tout le monde (employeur, épouse, famille, …) en laissant croire qu’il souffre d’un « burn out » mais aussi à son père à qui il a volé son manuscrit pour le faire éditer sous son pseudo personnel. L’auteur semble se demander comment peut-on vivre dans notre monde en disant toujours la vérité ? Est-elle seulement bonne à être toujours dévoilée ?
C’est aussi un livre militant où l’auteur à travers le récit escroqué au père qu’il plonge en abyme dans l’histoire de Nathan - ou peut-être est-ce l’histoire de Nathan qui tombe en abyme dans le récit paternel ? – défend farouchement la cause de ceux qui aident les migrants à trouver un meilleure vie dans un monde où ils sont contraints de se réfugier sans y être acceptés.
On peut y voir aussi une belle image de la femme moderne, libre, indépendante, chargée de haute responsabilité : Nicole est une executive woman, Pénélope et Jasmine règnent sur le monde littéraire germanopratin, Pénélope et Nicole ont des amants de passage, Ludmilla et Ingrid sont des artistes reconnues. Toutes sont des femmes séduisantes et entreprenantes qui n’hésitent pas à séduire quand elles en ont envie, ce sont elles qui décident ! Ce livre est aussi un « témoignage » sur l’écriture et le cahoteux parcourt que doivent emprunter ceux qui veulent recevoir la reconnaissance de l’édition qui n’est hélas, pour bon nombre, qu’une illusion éphémère.
Mais, à mon avis, ce roman est avant tout un grand texte sur l’amour, pas toujours possible, mais l’amour sous toutes ses formes : Nicole et Nathan aurait pu construire un bon couple mais la barre parentale était trop haute, Pénélope a aimé John, Ludmilla aime Ingrid, Côme tombe amoureux d’une migrante, … Et l’amour n’est pas que sexuel, il existe aussi entre le père et le fils, le frère et la sœur et il peut se muer en amitié comme entre Nathan et Anton. Mais ce roman est avant tout un grand roman d’amour impossible, une histoire d’amour comme il n’en existe que dans les grandes œuvres littéraires qui surpassent les temps.
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