L'Africain de J.M.G. Le Clézio

L'Africain de J.M.G. Le Clézio

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Fee carabine, le 8 septembre 2004 (Inscrite le 5 juin 2004, 50 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 8 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 528ème position).
Visites : 10 021  (depuis Novembre 2007)

A la gloire du père et de l'Afrique

"J'ai longtemps rêvé que ma mère était noire. Je m'étais inventé une histoire, un passé, pour fuir la réalité à mon retour d'Afrique, dans ce pays, dans cette ville où je ne connaissais personne, où j'étais devenu un étranger. Puis j'ai découvert, lorsque mon père, à l'âge de la retraite, est revenu vivre avec nous en France, que c'était lui l'Africain. Cela a été difficile à admettre. Il m'a fallu retourner en arrière, recommencer, essayer de comprendre. En souvenir de cela, j'ai écrit ce petit livre."

"L'Africain" est en effet la tentative de Jean-Marie Gustave Le Clézio pour retrouver et comprendre son père. Un père, médecin militaire au Cameroun puis au Nigéria, qui fut séparé de sa femme et de ses deux enfants par la deuxième guerre mondiale. Un père dont Jean-Marie Gustave Le Clézio fit la connaissance en 1948: "(...) usé, vieilli prématurément par le climat équatorial, devenu irritable à cause de la théophylline qu'il prenait pour lutter contre ses crises d'asthme, rendu amer par la solitude, d'avoir vécu toutes les années de guerre coupé du monde, sans nouvelles de sa famille, dans l'impossibilité de quitter son poste pour aller au secours de sa femme et de ses enfants...". "L'Africain" est le récit sensible et pudique de cette rencontre avec le père, les heurts entre deux jeunes garçons habitués à faire la loi et un homme féru de discipline, les malentendus entre ces deux enfants et cet homme qu'ils ne connaissent pas, dont ils ignorent l'itinéraire qui l'a amené de son île Maurice natale en Afrique équatoriale (la maison familiale et l'innocence perdues en ce jour de l'an fatidique de 1919, les études de médecine en Angleterre, l'embarquement à Southampton pour la Guyane...). Et puis, il y a pour ces deux enfants la découverte de la terre africaine, la découverte de la violence de la nature et de la présence - physique - des corps humains pour la première fois dépouillés des masques et des oripeaux dont les affuble notre société occidental. "L'Africain" est un très beau récit où Le Clézio s'avance privé des masques de la fiction et où il retrouve, sans fards, dans un style plus épuré qu'à l'accoutumée, les mythes fondateurs de sa vie et de son oeuvre.

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Eloge

5 étoiles

Critique de Bishop (, Inscrite le 13 avril 2005, 53 ans) - 15 mai 2013

Dans ce livre, JMG Le Clézio rend un bel hommage à son père, médecin, qui s'est dévoué corps et âme en Afrique surtout. Les deux derniers chapitres sont très émouvants et expliquent le fait que cet homme qui s'est entièrement consacré aux autres ait été, à la fin de sa vie, complètement décalé et incompris dans une société moderne qui n'avait pas les même préceptes ni les mêmes codes. Après tant d'efforts pour les autres, il se retrouve en quelque sorte seul.
Malheureusement, je n'ai pas du tout accroché au début mais la fin est grandiose.

L'Afrique

9 étoiles

Critique de OC- (, Inscrit le 4 mars 2011, 28 ans) - 28 avril 2011

L'Africain est un très bel hommage de JMG Le Clézio à son père et à l'Afrique, continent dans lequel il a vécu pendant quelques années durant son enfance (de ses huit ans jusqu'à son adolescence).

On peut observer dans ce récit une progression, on passe de l'optimisme au début du livre au pessimisme à la fin.

L'auteur commence par nous raconter que l'Afrique est la région où il a vécu le plus libre. Il découvre les corps qui l'entourent, ce qui donne lieu à de belles descriptions. Et la violence de l'Afrique, mais dans le bon sens du terme : la violence des orages, l'électricité dans l'air, les saisons extrêmes (ni printemps ni automne de transition). Puis il nous parle des insectes et du bonheur qu'il ressentait lorsque lui et ses parents se réfugiaient derrière les moustiquaires.

Puis il enchaîne sur l'histoire de son père, ce médecin qui avait soif d'aventure. Il est médecin en Afrique, et les premières années sont des années d'intense bonheur à parcourir les contrées avec sa femme, se sentant proche et aimé des populations locales. Mais la guerre arrive et il est séparé de sa famille. Il veut rentrer en Europe mais ne peut pas. Il est muté ensuite dans une autre région. La situation change alors, maintenant l'Afrique est horriblement violente, avec force histoires sordides, il a l'impression d'être inutile tant il y a de malades.

Il finit sa vie usé, fatigué.

Ce livre émeut, et donne envie d'imiter le père, au début en tout cas, de partir à l'aventure tout en aidant les populations africaines, de vivre en Afrique pourquoi pas! de connaître cette liberté cette violence des corps, cette violence physique.

L'Africain nous raconte aussi le destin de beaucoup de gens sûrement qui ont vécu au XXè siècle brisés par la seconde guerre mondiale.

Récit d'une double rencontre

6 étoiles

Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 20 mars 2011

L’Africain est une situation classique et oh combien humaine : après la mort d’un être proche, ou qui aurait du l’être tel le père, le regret vient de ne pas l’avoir mieux connu et de n’avoir pas su le comprendre et établir le dialogue tant qu’il était encore là.
Le Clézio trace ainsi à grands traits et en grandes étapes le parcours de son enfance en y mêlant les éléments de biographie de son père dont il a eu connaissance. Se détache progressivement une figure à la fois émouvante, rigoureuse et héroïque sur fond d’une Afrique représentée avec sa richesse humaine et sa nature grandiose, un décor fait d’images fortes et parfois un peu stéréotypées. Des phrases et descriptions d’une grande sensibilité soulignent cette double rencontre de l’enfant de 8 ans avec son père et avec l’Afrique. Et pourtant comme souvent dans Le Clézio le style a un côté superficiel comme si il ne voulait pas aller au fond des choses, et le ton a le côté un pénible, un peu péremptoire et un peu militant, de l’intello.
Le roman se lit vite et donne parfois l’impression d’un exercice de témoignage obligé dans le récit de cette relation difficile avec un père que la guerre a empêché de voir naître et grandir ses enfants, que la misère africaine a endurci, et que son fils ne veut pas laisser sombrer dans l’oubli.

descriptions magnifiques

8 étoiles

Critique de AntoineBXL (Bruxelles, Inscrit le 9 août 2008, 45 ans) - 6 décembre 2010

Ce livre ne conte pas vraiment d'histoire ou d'intrigue. On ne se demande pas comment cela va se terminer à la fin! Il s'agit d'un recueil époustouflant de souvenirs, de sentiments et de sensations. D'habitude, les longues descriptions littéraires m'ennuient profondément. Concernant ce livre, j'en ai encore le souffle coupé... Un Nobel bien mérité!

Rendez-vous manqué?

8 étoiles

Critique de Jlc (, Inscrit le 6 décembre 2004, 81 ans) - 16 mai 2006

« L’Africain » n’est peut-être pas le livre le plus important de la carrière d’écrivain de JMG Le Clézio mais c’est probablement son livre le plus nécessaire dans sa vie d’homme. Avec pudeur et tendresse, sans nostalgie ni regret, il retrace avec une totale sincérité un passé qui est le filigrane de son devenir.

« L’Africain » est le rendez-vous manqué d’un fils avec son père. Les hasards de la guerre font que l’enfant ne fera la connaissance de son père qu’à l’âge de huit ans. Les premiers contacts sont rugueux, inflexibles chez le père, presque haineux chez le fils. Ce que Le Clézio explique aujourd’hui en parlant des absences de son enfance : « avoir eu un père, avoir grandi auprès de lui ». Et longtemps, longtemps après, le fils comprend la grandeur et la dignité de ce père. Trop tard bien sûr, il est toujours trop tard dans ces cas là. Ce rendez-vous manqué est décrit tellement sobrement qu’il n’est jamais poignant.

« L’Africain » est aussi un rendez-vous retardé, celui avec l’Afrique. La description de son enfance africaine est plus « charnelle », sensuelle que n’est tendre la rencontre avec son père. « La violence était générale, indiscutable. Elle donnait de l’enthousiasme. » Cette violence est si éloignée du cocon de sa grand-mère où Le Clézio a grandi ! La transition est âpre mais c’est ce moment de vie qui va donner à l’écrivain ce goût de l’Afrique et des autres, cette proximité avec les opprimés, les chassés de leurs terres, les oubliés. Ce livre est une dénonciation impitoyable, sans concession aucune, du colonialisme, d’hier et d’aujourd’hui. Et Le Clézio a raison de citer ce poème de Chinua Achebe « Noël au Biafra » :
« Non, aucune Vierge à l’Enfant ne pourra égaler
« Le tableau de la tendresse d’une mère
« Envers ce fils qu’elle devra bientôt oublier ».

Un très beau portrait d’homme, l’évocation d’une enfance, la sensualité d’une terre, un style très épuré, la naissance d’un écrivain et d’un humaniste font de « L’Africain » un rendez-vous réussi avec le lecteur.

L'Afrique

9 étoiles

Critique de Vigno (, Inscrit le 30 mai 2001, - ans) - 29 avril 2005

Fée Carabine et Rotko ont tellement bien parlé de ce livre qu'il est difficile d'ajouter quoi que ce soit. Le seul problème avec ce livre, c'est qu'il est trop court. Entendons-nous, sa longueur est parfaite, mais on en redemande. J'ai lu, il y a longtemps, les deux magnifiques livres que Karen Blixen avait consacrés à l'Afrique. J'ai retrouvé avec le Clezio un peu de ce mystère qui entoure ce continent, bien que ce soit pas l'essentiel du propos de Le Clézio. Pour moi, qui habite à l'extrême nord du monde habité (oui, je sais, il y a les Inuits), je comprends que cette Afrique des années 30, si ancienne, ne pouvait manquer d'exacerber l'imagination du futur écrivain.

Naissance.

10 étoiles

Critique de Rotko (Avrillé, Inscrit le 22 septembre 2002, 50 ans) - 12 décembre 2004

Voici un livre essentiel pour approcher l'oeuvre et l'écrivain, dans leurs premiers replis. On connaît le "primitivisme" de Le Clézio, cet amour des origines qui fait remonter aux sources géographiques et culturelles des personnalités, mais aussi des groupes humains. Toute son oeuvre témoigne de la recherche de cette genèse, d'un paradis que la violence - guerrière ou autre, a irrémédiablement détruit.
Pourtant l'écrivain le reconstruit dans son imaginaire et par son écriture, non sans en dénoncer les agents destructeurs du passé comme du présent. Parfois même il rêve d'une improbable/impossible réconciliation.
La naissance est l'héritage d'un passé qui remonte plus loin que la conception elle-même, elle tient compte de l'environnement et de l'histoire du couple. Ici, Le Clézio retrace l'histoire du père qui chassé de l'Ile Maurice, le paradis originel, croit le retrouver sur la terre africaine. Au prix de quelles tribulations !
Pourtant il aura ancré/encré chez son fils J.M.G des sensations fondamentales, car l'Afrique est l'univers des éléments à l'état brut. On y trouve la vérité des corps et de la condition humaine, un monde sans fard, primitif où le bonheur est moins incertain que dans la civilisation occidentale. Encore que celle-ci ait finalement tout dénaturé.
Ce livre est poignant comme un remords : celui de n'avoir ni compris ni aimé un père revenu vieilli et usé, autoritaire, maniaque, muré dans le silence. La mission que s'est assignée l'écrivain a été de faire à son tour le chemin que le père avait parcouru, tentative quasi mimétique du corps et de l'écriture pour enfin le comprendre, l'aimer, et retrouver en soi les racines profondes de sa personnalité d'homme et d'écrivain.
Un très beau livre, à l'écriture dense, refusant tout effet. D'où cet aspect authentique que viennent confirmer des photos si personnelles qu'on reste saisi de respect devant ce dévoilement de l'intime.

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