Histoires de sage-femme
de Anna Roy

critiqué par Page , le 7 octobre 2021
(Rennes - 36 ans)


La note:  étoiles
Un autre regard sur une activité qui remonte à la nuit des temps
Les sages-femmes ont fait grève le jeudi 7 octobre en France alors que l’ouvrage "Histoires de sage-femme" paraissait en livre de poche (il avait été édité en édition plus luxueuse début 2020). Anna Roy exerce le métier de sage-femme à la maternité des Bluets à Paris créée à l’instigation de la fédération CGT de la métallurgie et, sous l’impulsion du docteur Lamaze, pionnière en matière de techniques d’accouchement sans douleur durant les Trente Glorieuses ; plus récemment elle a proposé le dispositif CALM (Comme à la maison). Elle enseigne à la faculté de médecine Paris VI aux étudiants sages-femmes et a écrit de nombreux ouvrages autour de son métier. Elle intervient également dans l'émission "La maison des maternelles".

On a à travers l’histoire d’une patiente, rencontrée au début de la carrière de l’auteure (ce qui explique certaines mentions), un beau catalogue de ce qui se fait : « Dans le domaine de l’obstétrique, Suzanne a presque tout connu et tout vécu, totalisant à elle seule une quantité extraordinaire d’expériences de tous ordres : une césarienne programmée, une césarienne en extrême urgence, des forceps, une épisiotomie, trois déchirures, une hospitalisation d’un mois dans une unité de grossesses à haut risque, vingt-trois échographies obstétricales, plus d’une cinquantaine de prises de sang, quatre péridurales, six séjours en suite de couches, une soixantaine de consultations obstétricales, une rachianesthésie, une anesthésie générale, deux placents praevia, de multiples annonces tragiques, une naissance d’un bébé mort, une naissance d’un bébé malade, quatre naissances d’enfants bien portants, une hospitalisation dans une unité de réanimation néonatale » (page 91-92). Des pratiques plus contemporaines, comme la PMA, trouvent également leur place. La question de la culpabilité de la mère en cas de naissance d’un enfant-mort est largement exposé et on relève va jusqu’à penser que son futur bébé est décédé car il se sentait mal dans le ventre de sa mère (page 99).

L’auteure limite toutefois volontairement les histoires d’accouchement pour montrer combien ce métier a évolué et qu’il ne se centre plus sur cet instant A mais constitue à intégrer tout l’univers de la mère enceinte. Le symbolique compte beaucoup et on le voit en particulier avec un codage des degrés de l’urgence en matière de césarienne où entendant qu’elle était en appréciation rouge (il était donc nécessaire de réaliser la césarienne en quinze minutes), la patiente a pensé qu’elle allait mourir car ne connaissant pas la signification de ce code. On approche les obstacles rencontrées dans cette profession au rythme saccadée « qui épuise et dégoûte ses professionnels les plus impliqués. Un art, un beau métier qui se transforme en une série d’actes codés exécutés toujours plus rapidement : codes JQGD010, SF15, SF12, JQGD012 ».

On apprendra beaucoup autour de l’harmonie qui peut s’installer après la naissance en lisant, à la fin de l’ouvrage, la partie intitulée "Les dix commandements du couple après la naissance d’un enfant".