La défaite de la pensée de Alain Finkielkraut
La défaite de la pensée de Alain Finkielkraut
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Philosophie
Critiqué par Drclic, le 9 septembre 2004
(Paris, Inscrit le 13 mars 2004, 48 ans)
Critiqué par Drclic, le 9 septembre 2004
(Paris, Inscrit le 13 mars 2004, 48 ans)
La note :
Moyenne des notes : (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : (23 255ème position).
Visites : 5 528 (depuis Novembre 2007)
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Dilution de sens et disparition de l'élite
"Malaise dans la culture."
Critique de la culture moderne où tout est considéré comme esprit et pensée.
Publicité et consommation diluent, déforment et anéantissent la vraie culture au profit d'un sous-produit.
Finkielkraut explique et discerne le bon grain du mauvais grain, et tente ainsi d'expliquer "comment en est-on arrivé là ?"
A lire.
Drclic.
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Les éditions
-
La Défaite de la pensée [Texte imprimé] Alain Finkielkraut
de Finkielkraut, Alain
Gallimard / Folio. Essais.
ISBN : 9782070325092 ; 6,90 € ; 01/01/1989 ; 185 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (1)
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Culture universelle contre identité culturelle
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 20 mars 2017
Le triomphe de la pensée c’était la culture comme l’entendaient les Lumières : domaine des valeurs universelles de l’humanité, de son histoire morale et de sa spiritualité. Aujourd’hui le sentiment de culture universelle s’est estompé au profit de « l’identité culturelle ». Selon Finkielkraut c’est la défaite de la pensée. Citant Renan, il soutient que : « avant la culture française, la culture allemande, la culture italienne, il y a la culture humaine » et il le démontre dans cet essai, d’une manière magistrale, quoiqu’un peu difficile à suivre par moment.
Il commence par expliquer les origines du phénomène : l’identité culturelle, pompeusement appelé le génie national, a pris naissance en Allemagne par réaction aux Lumières venues de France. Le génie national veut que le Bien le Vrai le Beau n’aient rien d’universel ni de transcendant : ce sont des notions purement relatives « qui dépendent du petit morceau de terre où elles ont pris naissance ».
Alors, Finkielkraut s’interroge sur ce qu’est l’appartenance, la nation, l’identité culturelle, et il s’arrête sur le cas exemplaire de l’Alsace-Lorraine.
L’Alsace-Lorraine a été rattachée à l’Allemagne après la défaite de 1870. Les Allemands ont justifié cette annexion à coups d’arguments scientifiques et historiques pour en arriver à conclure que « l’homme est déterminé par des forces qui le commandent à son issu : le sol, la langue, la race ». C’est ce qu’on appelle « la loi du sol ».
Or les Alsaciens, dans leur immense majorité, ont manifesté le désir de rester français. Les Français en ont conclu que ce n’est ni le sol, ni la race, ni la langue qui déterminent l’appartenance à une nation. « Ce sont les hommes qui sentent dans leur cœur qu’ils sont un même peuple lorsqu’ils ont une communauté d’idées, d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérances. Voilà ce qui fait la patrie ; la patrie, c’est ce qu’on aime ». On appelle ça « la loi des gens ».
(Les Belges sont très sensibles à ces notions parce qu’il existe dans la partie flamande du pays une minorité de 20 à 25 % de Flamands francophones, qui se sentent Belges, et qui refuseront toujours qu’on les rattache de force à une quelconque nation flamande).
Finkielkraut nous dit qu’évidemment, aujourd’hui, les notions de race n’existent plus, les scientifiques nous l’ont démontré. Mais ces notions de race sont aujourd’hui remplacées par l’identité culturelle. Or, nous dit-il, la volonté de classer les communautés humaines selon leur identité culturelle est aussi pernicieuse moralement que la division du genre humain selon sa race. « L’argument biologique de race est remplacé par l’argument culturaliste. Ainsi, le racisme n’a pas été anéanti, il est simplement revenu à sa case départ ».
Ces affirmations m’ont paru extrêmement bien argumentées et passionnantes à lire.
Tout naturellement, l’auteur enchaîne ensuite avec ce qu’il appelle « la philosophie de la décolonisation ». Il constate que la décolonisation a imposé la reconnaissance des cultures particulières qui, selon les Tiers-mondistes et autres détracteurs de l’Occident, valaient les nôtres. Ces penseurs modernes ont déclaré que tout est culturel : la danse du scalp autour du piquet de torture vaut les ballets du XXème siècle, comme la bande dessinée porno-chique vaut un roman de Nabokov, un slogan publicitaire vaut un poème d’Apollinaire, un rythme de rock vaut une mélodie de Schubert, de même que, comme l’affirmaient les communistes russes, une paire de bottes vaut Shakespeare.
La culture n’est plus une question d’éducation mais une question d’origine. L’identité culturelle c’est, selon l’auteur, la déchéance des valeurs universelles, « la mort de l’Homme au nom de l’homme différent », c’est la défaite de la pensée.
L’auteur explique ensuite comment les pays décolonisés ont été privés de l’expérience démocratique européenne et comment ce retour aux traditions devait engendrer immanquablement, le pouvoir totalitaire : l’individu doit abdiquer toute pensée propre et tout esprit critique pour se soumettre aux lois de la communauté, sous peine de trahir son identité culturelle ; « une nation dont la vocation première est d’anéantir l’individu ne peut pas déboucher sur un État de droit ».
c’est une argumentation un peu difficile, à mon avis, à accepter telle quelle mais elle est particulièrement intéressante. Personnellement, je pense que le pouvoir totalitaire des pays décolonisés dépend encore d’autres facteurs que de cette soumission à l’identité culturelle mais, dans cet essai, l’auteur n’en fait pas mention.
L’auteur aborde ensuite la question de l’émigration pour constater qu’après avoir fait de l’homme un être purement tribal, l’intégration n’est plus possible et il critique amèrement la société pluriculturelle qui divise les hommes au lieu de les réunir.
L’amour du prochain, tel qu’on le conçoit aujourd’hui, nous impose, nous dit-il, de respecter toutes les cultures y compris celles « où on inflige aux délinquants des châtiments corporels, où la femme stérile est répudiée et la femme adultère est mise à mort, où le témoignage d’un homme vaut celui de deux femmes, où une sœur est déshéritée au profit de son frère, où on pratique l’excision, où la polygamie est autorisée, où l’homosexuel est pendu… » (…) « Dans notre monde déserté par la transcendance, Dieu n’est plus en mesure d’interdire ces barbaries et ce serait faire preuve de racisme de les refuser ».
Ici, comment ne pas être entièrement d’accord avec l’auteur ! Tout ceci m’a paru remarquablement observé et argumenté.
Au cours de cet essai, l’auteur démontre très clairement que la défaite de la pensée est le résultat d’événements qui se sont enchaînés depuis le début du XXème siècle et que nous, faute de croyance transcendante et de convictions bien ancrées, nous n’avons pas pu maîtriser.
Il reste que ce livre est difficile à lire et parfois difficile à comprendre. L’auteur emploie, trop volontiers à mon goût, le jargon des philosophes et il faut parfois s’y reprendre à deux fois pour bien assimiler. Mais les questions abordées sont les grandes questions actuelles et la lucidité de Finkielkraut, quand il démontre qu’aujourd’hui la pensée est perdante, vaut la peine qu’on le lise attentivement.
Il commence par expliquer les origines du phénomène : l’identité culturelle, pompeusement appelé le génie national, a pris naissance en Allemagne par réaction aux Lumières venues de France. Le génie national veut que le Bien le Vrai le Beau n’aient rien d’universel ni de transcendant : ce sont des notions purement relatives « qui dépendent du petit morceau de terre où elles ont pris naissance ».
Alors, Finkielkraut s’interroge sur ce qu’est l’appartenance, la nation, l’identité culturelle, et il s’arrête sur le cas exemplaire de l’Alsace-Lorraine.
L’Alsace-Lorraine a été rattachée à l’Allemagne après la défaite de 1870. Les Allemands ont justifié cette annexion à coups d’arguments scientifiques et historiques pour en arriver à conclure que « l’homme est déterminé par des forces qui le commandent à son issu : le sol, la langue, la race ». C’est ce qu’on appelle « la loi du sol ».
Or les Alsaciens, dans leur immense majorité, ont manifesté le désir de rester français. Les Français en ont conclu que ce n’est ni le sol, ni la race, ni la langue qui déterminent l’appartenance à une nation. « Ce sont les hommes qui sentent dans leur cœur qu’ils sont un même peuple lorsqu’ils ont une communauté d’idées, d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérances. Voilà ce qui fait la patrie ; la patrie, c’est ce qu’on aime ». On appelle ça « la loi des gens ».
(Les Belges sont très sensibles à ces notions parce qu’il existe dans la partie flamande du pays une minorité de 20 à 25 % de Flamands francophones, qui se sentent Belges, et qui refuseront toujours qu’on les rattache de force à une quelconque nation flamande).
Finkielkraut nous dit qu’évidemment, aujourd’hui, les notions de race n’existent plus, les scientifiques nous l’ont démontré. Mais ces notions de race sont aujourd’hui remplacées par l’identité culturelle. Or, nous dit-il, la volonté de classer les communautés humaines selon leur identité culturelle est aussi pernicieuse moralement que la division du genre humain selon sa race. « L’argument biologique de race est remplacé par l’argument culturaliste. Ainsi, le racisme n’a pas été anéanti, il est simplement revenu à sa case départ ».
Ces affirmations m’ont paru extrêmement bien argumentées et passionnantes à lire.
Tout naturellement, l’auteur enchaîne ensuite avec ce qu’il appelle « la philosophie de la décolonisation ». Il constate que la décolonisation a imposé la reconnaissance des cultures particulières qui, selon les Tiers-mondistes et autres détracteurs de l’Occident, valaient les nôtres. Ces penseurs modernes ont déclaré que tout est culturel : la danse du scalp autour du piquet de torture vaut les ballets du XXème siècle, comme la bande dessinée porno-chique vaut un roman de Nabokov, un slogan publicitaire vaut un poème d’Apollinaire, un rythme de rock vaut une mélodie de Schubert, de même que, comme l’affirmaient les communistes russes, une paire de bottes vaut Shakespeare.
La culture n’est plus une question d’éducation mais une question d’origine. L’identité culturelle c’est, selon l’auteur, la déchéance des valeurs universelles, « la mort de l’Homme au nom de l’homme différent », c’est la défaite de la pensée.
L’auteur explique ensuite comment les pays décolonisés ont été privés de l’expérience démocratique européenne et comment ce retour aux traditions devait engendrer immanquablement, le pouvoir totalitaire : l’individu doit abdiquer toute pensée propre et tout esprit critique pour se soumettre aux lois de la communauté, sous peine de trahir son identité culturelle ; « une nation dont la vocation première est d’anéantir l’individu ne peut pas déboucher sur un État de droit ».
c’est une argumentation un peu difficile, à mon avis, à accepter telle quelle mais elle est particulièrement intéressante. Personnellement, je pense que le pouvoir totalitaire des pays décolonisés dépend encore d’autres facteurs que de cette soumission à l’identité culturelle mais, dans cet essai, l’auteur n’en fait pas mention.
L’auteur aborde ensuite la question de l’émigration pour constater qu’après avoir fait de l’homme un être purement tribal, l’intégration n’est plus possible et il critique amèrement la société pluriculturelle qui divise les hommes au lieu de les réunir.
L’amour du prochain, tel qu’on le conçoit aujourd’hui, nous impose, nous dit-il, de respecter toutes les cultures y compris celles « où on inflige aux délinquants des châtiments corporels, où la femme stérile est répudiée et la femme adultère est mise à mort, où le témoignage d’un homme vaut celui de deux femmes, où une sœur est déshéritée au profit de son frère, où on pratique l’excision, où la polygamie est autorisée, où l’homosexuel est pendu… » (…) « Dans notre monde déserté par la transcendance, Dieu n’est plus en mesure d’interdire ces barbaries et ce serait faire preuve de racisme de les refuser ».
Ici, comment ne pas être entièrement d’accord avec l’auteur ! Tout ceci m’a paru remarquablement observé et argumenté.
Au cours de cet essai, l’auteur démontre très clairement que la défaite de la pensée est le résultat d’événements qui se sont enchaînés depuis le début du XXème siècle et que nous, faute de croyance transcendante et de convictions bien ancrées, nous n’avons pas pu maîtriser.
Il reste que ce livre est difficile à lire et parfois difficile à comprendre. L’auteur emploie, trop volontiers à mon goût, le jargon des philosophes et il faut parfois s’y reprendre à deux fois pour bien assimiler. Mais les questions abordées sont les grandes questions actuelles et la lucidité de Finkielkraut, quand il démontre qu’aujourd’hui la pensée est perdante, vaut la peine qu’on le lise attentivement.
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