Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes de Lionel Shriver

Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes de Lionel Shriver
(The motion of the body through space)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Alma, le 3 février 2022 (Inscrite le 22 novembre 2006, - ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (15 305ème position).
Visites : 2 523 

Comédie américaine sur l'addiction au sport

Un couple de sexagénaires américains face aux effets du temps sur leur corps …..

Alors que Serenata n'est plus en mesure, en raison de douleurs au genou, de pratiquer les activités physiques habituelles qui lui avaient permis de se maintenir en forme, son époux Remington qui vient d'être remercié du poste qu'il occupait, et qui n'avait jamais eu auparavant de goût pour le sport, entreprend de s' y adonner à corps perdu.
Dizaines de kilomètres à vélo, joggings effrénés, achat de matériel spécialisé coûteux,coach personnel, tout est bon pour assouvir la nouvelle fièvre qui l'anime.
Il décide même de s'inscrire d'abord, à un marathon,  et ensuite, en dépit de ses maigres performances, à un triathlon ! Et cela, au moment même où Sérenata doit subir une arthroplastie du genou !

Un couple en crise gratifié en plus de deux grands enfants aux parcours opposés : un fils qui vit d'un commerce souterrain et une fille qui se nourrit de préceptes évangélistes les plus stricts .

Une situation familiale digne d'une comédie américaine, qui s 'attaque efficacement au mythe de l'éternelle jeunesse et qui analyse habilement l'addiction actuelle au sport, présenté comme une nouvelle religion, celle du dépassement de soi et du culte du corps, attitude qui s'oppose à l'image traditionnelle de la pratique d'activités physiques d'entretien.
« Mais moi, je n’ai jamais considéré l’exercice comme quelque chose de glorieux. C’est du ménage biologique, comme passer l’aspirateur sur le tapis du salon. De nos jours, on atteint un état de grâce en s’épuisant. Tous ces petits nouveaux ont l’air de croire qu’ils ont fait le grand saut du statut d’homme à celui de dieu. »

Ponctué de dialogues ciselés qui tournent souvent au ping-pong verbal, ce roman savoureux porte aussi dans son dénouement un regard plein de tendresse et de sagesse sur la vieillesse , étape de la vie où il est nécessaire d' accepter de « mourir graduellement » pour atteindre « le bonheur de la sublime indifférence »

J'ai lu ce roman au pas de course, sans m'essouffler, mais j'ai failli en oublier mon heure de gym !!

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Dure, dure la pension !

6 étoiles

Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 12 octobre 2022

Un homme se retrouve pensionné malgré lui à 64 ans. Comme tous les pensionnés il se cherche une activité. Il décide de se lancer dans des compétitions sportives alors qu’il n’a jamais fait de sport dans sa vie. Sa femme lui reproche de vouloir « faire comme tout le monde ». Et elle a raison. Parce que c’est la mode, aujourd’hui tout le monde doit courir, faire du vélo, des marathons, des triathlons *. Et dans toutes ces épreuves il s’agit de tenir le coup, quitte à frôler le suicide, pour se prouver – à soi-même et aux autres – qu’on est un super, un fort, un gagnant.

Ce livre est amusant, pas très profond mais agréable à lire. Il est écrit à l’emporte-pièces avec des discussions et des répliques en uppercut qui sont plutôt drôles. Dans la même veine, l’auteur(e) s’en donne à cœur joie pour dénoncer quelques idioties du monde d’aujourd’hui et elle tape juste. Elle invente aussi quelques personnages qui frisent la caricature mais qui sont bien typés, comme la fille qui est entrée dans une secte, le fils sybarite et philosophe, et puis cette sulfureuse femme-gourou, dont l’apprenti-sportif s’est entiché, et qui lui coûte beaucoup d’argent pour des conseils parfaitement idiots.

Cette histoire est racontée avec un humour malin qui fait croire au lecteur qu’il a raison de lire un bon bouquin plutôt que de faire des sottises pour « faire comme tout le monde ».

* Le triathlon du bouquin comporte 4 km à la nage, 180 km en vélo, 40 km de course à pied et, pour finir, une traction à la barre fixe sur la ligne d’arrivée. L’épreuve commence à 7 h. du matin et celui qui termine avant minuit est déclaré MettleMan (je ne sais pas ce que ce nom veut dire mais c’est un titre très prestigieux). Celui qui échoue sera considéré à jamais comme un misérable « loser » qui devra endurer la honte tout le restant de sa vie.

Les conquérants de l'inutile

9 étoiles

Critique de Nav33 (, Inscrit le 17 octobre 2009, 76 ans) - 5 juillet 2022

Le culte du corps , de la forme physique , avec ses rituels quotidiens de gymnastique , de course et de vélo a été pratiqué dans la solitude et sans prosélytisme par Serenata , une sexagénaire comme l'autrice . Elle constate que son activité autrefois originale touche maintenant des centaines de millions d'adeptes dans un contexte de masse exacerbé par les médias et le consumérisme. Plus surprenant son propre mari , Remington , va verser dans la forme la plus extrême et élitiste , au sein d'un groupe voué à la préparation de triathlons Iron Man , sous la houlette d'une coach , Bambi, véritable gourou d'une secte. C'est le traumatisme d'une mise à la retraite anticipée , injuste et brutale , qui a créé pour lui le vide et la nécessité de trouver un défi substitutif à relever. Nous sommes spectateurs des étapes de la montée en puissance / du chemin de croix de ce néo sportif senior . Son épouse assiste impuissante à ce qu 'elle considère comme son embrigadement , tandis que pour elle-même ses propres articulations commencent à lui faire payer ses excès d'exercices pratiqués une vie durant.
Dans ce couple les discussions volent assez haut , et nous profitons de tous les arguments pour ou contre cette folle entreprise de dépassement de soi. Bien sûr l'autrice en dévoile les aspects déraisonnables , dangereux , et vains tant du point de vue individuel que collectif. Comme dans toute secte il y a aussi un gourou pour en profiter y compris pécuniairement : la sulfureuse et cynique Bambi. Toutefois Lionel Shriver nous laisse aussi écouter les arguments du mari , qui ne sont pas dénués de sens . (D'ailleurs au moins deux des pratiquants trouveront leur compte dans la conquête de ce Graal : un homme de niveau quasi professionnel capable d'atteindre la performance sans se détruire et une femme qui gagne en fierté et en respect de la part de son mari qui ne lèvera plus la main sur elle.)
L'embrigadement de leur fille fait écho à celui de Remington. Pour elle c'est son époux évangéliste qui s'en charge. Les deux seules activités de ce dernier sont : d'une part lui faire des enfants sans limite puisque c'est la volonté de Dieu , et d'autre part étudier les textes sacrés ce qui lui prend tout le reste de son temps. Leur fils à l'inverse est un glandeur , jouisseur , profiteur , dealer... qui fait contrepoint aux autre membres de la famille . Présenté initialement comme un horrible personnage , il gagne légèrement en sympathie et humanité au cours du récit . Il est aux antipodes de l'autoflagellation religieuse ou sportive et même de toute forme d'effort.
Au delà , ce roman brillant et plein d'humour est aussi une réflexion sur le vieillissement et l'approche de la mort . Ce sujet culmine dans l'épilogue avec une invitation à vieillir dans l'insouciance et une certaine indifférence .
On pourrait aussi le voir comme un renoncement à rêver. C'est un pessimisme sur la vanité de toute entreprise humaine , accru par notre niveau de connaissance actuel d'un univers inéluctablement fini à plusieurs niveau : vie individuelle , civilisation , cosmique.

Pertinent

8 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 6 mai 2022

Serenata a 60 ans. Elle vit avec son mari Remington à Hudson une vie jusque là confortable. Les deux époux se connaissent par cœur depuis leurs 33 ans de vie commune.
Serenata enregistre des livres audio, Remington était employé municipal pour le district d’Albany jusqu’à ce qu’une jeune femme prenne la place qui aurait du lui revenir. Le voilà licencié à 64 ans.
Il décide alors, au grand étonnement de son épouse, de participer au célèbre marathon de Saratoga Springs, lui qui n’a jamais pratiqué aucune activité sportive

Cette décision bouleverse l’équilibre du couple.
Serenata est-elle vexée de voir son mari se jeter à corps perdu dans une activité qui était la sienne pendant 47 ans et que l’état de ses genoux ne lui permet plus de pratiquer ? Ou bien cela lui rappelle-t-il son âge ? Se sent-elle abandonnée ?
"Elle était une femme vieillissante fatiguée et démoralisée dont l’utilité pour l’humanité était proche de zéro... "
Pourquoi a-t-elle du mal à le soutenir dans ses efforts ? Pourquoi affiche-telle cet air distant, hautain, désabusé.
"Son cher mari avait rejoint le gros du troupeau des clones décérébrés."

J’ai été impressionnée par la pertinence de l’analyse des relations conjugales, des relations familiales avec ses enfants devenus adultes, du difficile équilibre entre le respect de soi, de son identité propre et le le respect et l’amour de l’autre.
Et je pense qu’avoir l’âge de l’autrice permet d’apprécier pleinement les réflexions et certaines jolies phrases.
"Je veux vivre avec toi, un point c’est tout et dans quel état importe peu."
"La meilleure chose dans le fait de vieillir était de se vautrer dans ce grand rien-à-cirer."

De la mauvaise foi, du rire, de l’incompréhension, de la fatigue, on s’y retrouve parfois à la lecture de certains comportements . Et c’est bien agréable... même si l’on n’est pas sportif !

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