Premier amour (Nouvelles et poèmes en prose)
de Ivan Sergueïevitch Tourgueniev, Paul Durand (Dessin)

critiqué par Fanou03, le 14 décembre 2021
(* - 49 ans)


La note:  étoiles
Des amours impossibles et tragiques
Ce recueil contient six nouvelles d’Ivan Tourgueniev (et quelques poèmes en prose), dont Premier Amour, qui lui donne son titre. Ce sont des textes délicats, mélancoliques, plein d’une poésie alanguie, et où la beauté de la nature est omniprésente. Ce qui les caractérise également, et auquel je ne m’attendais pas du tout, c’est leur aspect onirique, tirant souvent sur le fantastique. Ce sont les amours impossibles et tragiques, je dirais, qui donne un fil rouge à l’ensemble. Le premier, le plus réaliste de tous peut-être, donne bien le ton : Vladimir Pétrovitch est tout jeune homme tombe follement épris de la princesse Zinaïda Zassekine. Mais celle-ci a déjà tout une cour d’amoureux sur lesquels elle souffle le chaud et le froid. L’affaire devient assez particulière quand Vladimir comprend que son propre père, beaucoup âgé que la princesse, l’a prise pour maîtresse…

Dans ces récits, légèrement macabres parfois, empreints de spiritisme, l’amour et la mort ne sont jamais bien loin : Macius, ancien amoureux de Valéria, revient des Indes sous la forme d’un troublant mort-vivant obéissant à un mage inquiétant dans Le Chant de l’Amour Triomphant. Le narrateur d’un rêve erre pendant ses songes dans un monde parallèle à la recherche de son père qu’il n’a jamais connu ; celui de Fantômes est entraîné dans des voyages nocturnes et aériens par une « Dame Blanche » mystérieuse et ambiguë. Le sous-lieutenant Teglev croit qu’une amante disparue l’appelle à travers le brouillard de la taïga dans Toc-Toc...

Ivan Tourgueniev nous rappelle ainsi la vanité de nos existences, ainsi que le mystère de l’au-delà, qui parfois vient se mêler étrangement à notre réalité. C’est un constat triste, à la limite du spleen que fait le romancier russe :« chaque jour qui passe est vide, morne et fastidieux », dit-il dans un de ses poèmes en prose qui conclut le recueil. Ce sont donc certes de beaux textes, mais un peu déprimants à lire je dois dire. A noter également les superbes illustrations de Paul Durand dans cette édition de 1961.