L'abominable secret du cancer
de Frédéric Thomas

critiqué par Page , le 18 décembre 2021
(Rennes - 36 ans)


La note:  étoiles
Un discours novateur sur le cancer
Fréderic Thomas, natif de la côte vendéenne, est parvenu en 2020 à obtenir le prix du livre scientifique ” le Goût des Sciences”, pour ce livre. Cette récompense met en valeur un titre destiné à un public de non-spécialistes afin de vulgariser des recherches et découvertes scientifiques ayant souvent des répercussions dans l’univers sociétal.

Voici le contenu de l’ouvrage en question (sorti en 2021 dans un format plus économique que l’édition de début 2019) :
Préface. 1. Un ennemi venu de l'aube des temps. 2. Nous avons tous le cancer. 3. Une fenêtre sur nos origines. 4. Quand nos cellules nous trahissent. 5. Des mécanismes anti-cancer. 6. Une feuille de route enfouie ? 7. Le bet-hedging ou l'art de partager les risques. 8. L'ennemi communique toujours. 9. Pourquoi les thérapies échouent. 10. Cohabitation avec notre microbiote. 11. Un mécanisme pervers. 12. Le paradoxe de peto ou le secret de l'éléphant. 13. Nos organes ne sont pas égaux face au cancer. 14. Pourquoi les cancers sont-ils plus fréquents qu'avant ? 15. Quand la maladie devient contagieuse. 16. Et si les cellules cancéreuses étaient « vraiment » immortelles ? 17. Un drôle de couple. 18. Attention, espèce invasive ! 19. Le cancer nous manipule. 20. Des conséquences écologiques inattendues. 21. Les nouvelles pistes thérapeutiques. Le mot de la fin. Bibliographie. Remerciements.

Si le contenu est particulièrement intéressant, le titre semble lui adapté à l’étymologie d’"abominable", à savoir "ce qui doit être écarté comme un mauvais présage". Incontestablement l’angle d’attaque est original car il met en exergue la dimension atavique (donc héréditaire) et écologique de cette maladie. Est évoqué notamment le bet-hedging qui est la stratégie de minimisation des risques.

On retiendra en particulier que « les cellules cancéreuses produisent des signaux de nature à attirer les cellules saines dans la tumeur et à les obliger à collaborer avec elles. Les cellules saines sont ainsi recrutées, utilisées, subverties, dans tous les cas contrôlées par les cellules tumorales pour répondre aux besoins de ces dernières » (pages 93-94). D’autre part l’auteur explique que le choix d’une chimiothérapie lourde est contre-productif car si elle tue une bonne part des cellules cancéreuses sensibles, elle éradique les cellules résistantes au cancer. Certes il y a un mieux après ce type de traitement mais il n’est que passager car les cellules cancéreuses se mettent à proliférer ensuite car elles n’ont plus en face d’elles une force antagoniste suffisante. En conséquence Frédéric Thomas recommande une chimiothérapie légère (page 103).

Ce dernier évoque aussi les origines de l’immunothérapie qu’il fait remonter en 1893, sous l’impulsion à New-York du docteur William Coley (page 105). Deux ans plus tôt ce médecin avait pratiqué des injections de streptocoques morts (des bactéries appartenant à la flore commensale) ; ceci avait augmenté la performance du système immunitaire. Il rappelle que les habitants des régions tropicales ou contrées très froides présentent plus souvent des cancers ou des formes plus graves de ceux-ci car leur système immunitaire plus développé a plus favorisé l’apparition de certains gènes pléiotropes produisant des réponses inflammatoires fortes face à cette maladie (page 131). Une vingtaine de pages plus loin, l’auteur tente d’expliquer pourquoi des cancers se développent plus facilement dans certaines parties du corps comme le pancréas ou la peau (pages 156-157).

Pour mieux faire passer une idée, Frédéric Thomas évoque des situations diverses sans rapport avec le cancer. Ainsi explique-t-il les raisons pour lesquelles les Chinois digèrent bien plus mal le lait que les Européens et les dangers d’un régime qui bannit tout élément cuit pour des produits crus (pages 175-176). Quoique bien éloigné du sujet, ces approches enrichissent la culture du lecteur tout en médiatisant mieux une pensée particulière.

Le livre a permis de répondre à de nombreuses questions dont ne sont pas des moindres celles touchant à la difficulté pour soigner le cancer, au fait que certaines espèces animales ont développé des défenses particulières face à cette maladie et aux modes de vie favorisant celle-ci. On aura retenu que, processus vivant, cette maladie est gouvernée par les lois de la sélection naturelle.