L'anarchiste qui s'appelait comme moi de Pablo Martín Sánchez

L'anarchiste qui s'appelait comme moi de Pablo Martín Sánchez
(El anarquista que se llamaba como yo)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone , Littérature => Romans historiques

Critiqué par Poet75, le 23 décembre 2021 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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Dans la meilleure tradition des romans populaires

Qui ne s’est jamais amusé à taper son propre nom dans un moteur de recherche ? Le jour où Pablo Martin Sánchez s’y essaya, son nom étant très répandu, il vit se dérouler sous ses yeux des pages et des pages d’occurrences. Néanmoins, parmi ses nombreux homonymes, il en est un qu’il ne tarda pas à distinguer : un certain Pablo Martin Sánchez qu’un « Dictionnaire international des militants anarchistes » recensait comme ayant été condamné à mort en 1924 après une tentative de renversement de la dictature de Primo de Rivera (Espagne, 1923-1930). Intrigué, curieux d’en apprendre davantage sur celui qui portait le même nom que lui, l’écrivain en herbe (car il souhaitait, précisément, écrire son premier roman) se mit en quête d’informations. Malheureusement, les documents d’état civil tout comme ceux des registres d’église ne lui apprirent pas grand-chose. Pas de quoi décourager pour autant celui qui, alors, se lança le défi d’écrire ce livre, juste avant (c’est, en tout cas, ce qu’il prétend) de découvrir l’existence d’une nièce de l’anarchiste. Ce fut le prélude à une série de rencontre avec cette dernière, prénommée Teresa, qui ne se fit pas prier pour raconter ce qu’elle savait de la vie de son oncle.
Désormais muni de ces précieux récits et fort des recherches purement historiques qu’il ne manqua pas de faire, l’écrivain put se lancer dans l’aventure de son roman. Il y avait matière à raconter la vie de son homonyme à la manière des feuilletonnistes du XIXème siècle (Alexandre Dumas ou Eugène Sue, entre autres) et c’est bel et bien à ce genre de romans que l’on songe en lisant L’Anarchiste qui s’appelait comme moi. Il faut dire que le parcours de Pablo Martin Sánchez s’y prête à merveille. Tout y est sujet à rebondissements de toutes sortes. Quant à démêler, dans le roman, ce qui ressort des récits de la nièce Teresa de ce qui est le produit de l’imagination de l’écrivain, il n’est pas vraiment utile de l’entreprendre. D’autant plus que ce dernier, membre de l’Oulipo, s’est amusé à créer des concordances entre son homonyme et lui-même : ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, lorsqu’il est écrit que le Pablo Martin Sánchez du roman se laisse pousser la barbe, c’est que, au même moment, le romancier Pablo Martin Sánchez en a fait autant.
Cela étant, il ne fait aucun doute que le roman n’a rien de farfelu. Il s’appuie, au contraire, sur des faits historiques indéniables. Mais, plutôt que de se contenter d’une simple chronologie, l’écrivain a préféré, judicieusement à mon avis, alterner les chapitres sur deux temporalités : l’une s’ingéniant à raconter l’enfance et la prime jeunesse du personnage, depuis sa naissance à Baracaldo, au Pays basque espagnol, en 1890, jusqu’à son engagement dans l’anarchisme, en passant par les divers emplois qu’il exerça (journaliste à Salamanque, chaudronnier à Madrid, typographe dans une imprimerie à Paris) ; l’autre se faisant fort de narrer, par le menu, l’expédition ratée de la tentative de renversement de Primo de Rivera, depuis les préparatifs jusqu’à l’emprisonnement des rebelles, leur jugement et la condamnation à mort d’un certain nombre d’entre eux.
C’est avec un formidable brio que le romancier décrit non seulement la vie de son personnage, son parcours, mais aussi les différents lieux qu’il est amené à fréquenter et les événements dont il lui est donné d’être le témoin. Le récit se déploie sous une forme épique et foisonnante, chaque chapitre s’achevant, comme dans les meilleurs feuilletons, sur des promesses de lecture de plus en plus passionnante. Curieux, original, passionné, le Pablo Martin Sánchez du roman, avec ses particularités physiques (il est dénué du sens de l’odorat et son cœur est à droite, ce qui, à une occasion, lui sauve la vie), découvre avec émerveillement les inventions de son époque (le cinématographe), tombe éperdument amoureux d’une belle jeune femme de son pays, mais doit quitter l’Espagne et venir à Paris, en 1920, dans les faubourgs de Belleville. Il y a là dedans tout ce dont on raffole, tous les bons ingrédients des romans populaires, qu’on aurait tort de sous-estimer : amitié, amour, audace, péripéties, courage, peur et tutti quanti. Avec ces éléments-là, pas de doute, on ne peut qu’être captivé du début à la fin du roman.

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