La beauté dure toujours
de Alexis Jenni

critiqué par Pucksimberg, le 11 janvier 2022
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Ah l'amour ...
Prenant le contrepied de la vision désabusée de Michel Houellebecq sur l’amour, le narrateur du roman d’Alexis Jenni est un écrivain qui veut rédiger un roman sur l’amour, non pas un énième roman sur le sujet, mais un texte qui dépeint ce sentiment durable qu’il observe chez deux amis : Felice et Noé. Felice est avocate alors que Noé est artiste. Et c’est dans une galerie d’art que les deux personnages se sont rencontrés et sont tombés amoureux l’un de l’autre alors qu’ils ont la cinquantaine. Le narrateur les côtoie et observe ce couple, un peu comme Zola qui observait ses personnages, tels des animaux de laboratoire. Ici, le corps occupe toute sa place tout comme les sentiments. Afin d’avoir une vision juste sur l’amour, Alexis Jenni opte pour un roman polyphonique et nos personnages deviennent chacun à leur tour des narrateurs. Le croisement de ces trois regards permet de se faire une idée sur ce sentiment. En toile de fond, c’est la crise des gilets jaunes qui est évoquée.

Cela fait du bien de lire un roman comme celui-là, qui ne se veut pas un roman à l’eau de rose, et qui pourtant véhicule l’idée que l’amour peut durer et être partagé. Et c’est vrai. Certaines formules de l’écrivain sont très belles. Certaines pages entières donnent envie d’être relues car elles sont poétiques ou sont portées par des images fortes et signifiantes. On a envie de recopier de nombreuses citations pour se rappeler combien ce sentiment est précieux. Face à un sujet exploré et revisité des milliers de fois, il fallait user d’une langue différente pour être au plus juste et pour coller avec notre réalité contemporaine. Le lecteur qui n’a pas envie de s’appesantir sur ce sentiment ferait mieux de changer de roman car il en est question quasiment tout le temps. Certaines pages ne sont pas dénuées d’amour comme cette soirée où l’écrivain le plus adulé, avatar de Houellebecq, est présent ou bien cette scène où le narrateur agacé par un enfant propose à sa mère ses services pour le faire taire …

Parfois, il est vrai, le roman semble répétitif ou tourner quelque peu en rond. Le dernier tiers m’a moins emporté car la logique du livre est comprise et l’on est moins surpris par ce qui se produit. Il n’empêche que cette façon de parler de l’amour avec intelligence, sensualité et simplicité fait du bien car le lecteur s’y retrouve avec plaisir et reconnaît des impressions et des réactions que tous les amoureux semblent partager à l’unisson.