Le Milieu des mondes - Une histoire laïque du Moyen-Orient depuis 395
de Jean-Pierre Filiu

critiqué par Colen8, le 3 mars 2022
( - 83 ans)


La note:  étoiles
1700 ans d’effervescence
Dès le choix de Constantinople comme capitale de l’empire romain désigné byzantin par la suite, ces territoires à cheval sur trois continents, au carrefour de la « route de la soie » et de la « route des Indes » ont été le théâtre d’événements faussement interprétés par nombre d’historiens. Nous-mêmes occidentaux en avons à ce jour la perception tronquée d’une histoire lourde de présupposés ramenée à un « choc de civilisations ». Les enseignements(1) livrés par Jean-Pierre Filiu mettent ainsi en relief une certaine rémanence de plusieurs lignes de force :
- les affrontements entre l’Europe chrétienne et un Moyen-Orient judéo-chrétien durant des siècles avant de basculer partiellement dans l’Islam ont été perçus comme secondaires jusqu’à la mise sous tutelle du Moyen Orient arabe à partir du XIXe siècle et la dissolution de l’empire ottoman au XXe
- des hégémonies successives ont perduré entre deux à trois puissances régionales se combattant le plus souvent de part et d’autre d’une ligne de la Mésopotamie où se sont concentrés majoritairement les Perses à l’est et les Arabes à l’ouest les uns et les autres connus sous des noms assez peu familiers de : Fatimides, Seldjoukides, Sassanides, Omeyyades, Abbassides, Ayyoubides, Ottomans, Safavides, Mamelouks, Qadjars
- des occupations temporaires des Croisés davantage justifiées par la cupidité que par la piété affichée du prétexte religieux, suivies des invasions dévastatrices des Mongols venant de l’est alors en pleine expansion démographique avant que la Grande Peste y mette un coup d’arrêt
- des peuplements multiconfessionnels ayant toujours cohabité même après l’expansion fulgurante de l’Islam se voulant comme l’unique héritage légitime à vocation universelle de la religion d’Abraham, lequel est resté tolérant sous certaines conditions envers les deux autres religions du Livre(2)
- le christianisme en tant que tel décliné en d’innombrables dogmes, schismes et hérésies, mais impuissant à les éradiquer : orthodoxe, catholique, arien, nestorien, copte, chaldéen, maronite sans compter ses églises autocéphales affranchies de toute soumission à la papauté
- autant d’écoles pour l’islam, soit qu’elles se réclament du sunnisme : wahhabite, hanbalite, malékite, chaféite, soit du chiisme lui-même également pratiqué dans les versions alaouite, ismaélienne, druze.
A rebours du droit international et des principes d’autodétermination des peuples l’histoire contemporaine a été surtout marquée par des ingérences étrangères, britanniques et françaises tout d’abord, américaines et soviétiques lors de la Guerre froide. Les luttes de pouvoirs politiques, les régimes arbitraires des pétromonarchies, les dictatures ont rarement retenu les violences et les massacres intra-confessionnels. Les manifestations sanglantes du terrorisme associé au jihad de ces dernières décennies sont un phénomène récent au regard de ce temps long.
(1) Chaque période découpée en chapitres est largement documentée par la bibliographie, la chronologie, les index de noms et de lieux, une vingtaine de cartes thématiques en hors-texte couleur
(2) Curieusement c’est de la partie sémitique du Moyen-Orient qu’ont été révélés les trois monothéismes à quelques siècles d’intervalle : judaïsme, christianisme, islam.