La nuit. Le sommeil. La mort. Les étoiles. de Joyce Carol Oates

La nuit. Le sommeil. La mort. Les étoiles. de Joyce Carol Oates
(Night. Sleep. Death. The Stars.)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Pascale Ew., le 7 mars 2022 (Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans)
La note : 5 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (50 018ème position).
Visites : 1 947 

Que c'est long !!!

Whitey McClaren s’est arrêté sur le bord de la route parce qu’il voit deux policiers tabasser un Indien sorti de sa voiture. Ancien maire de Hammond et ami du chef de la police, il espère faire jouer son autorité pour faire cesser ce qui ressemble à un excès de violence. Hélas, les policiers s’en prennent alors à lui ; il reçoit plusieurs décharges de taser, fait un AVC et tombe dans le coma. Les policiers s'enfuient après avoir appelé une ambulance, le laissant sur le bord de la route. Ils prétendront ensuite que Whitey a fait un accident.
La famille de Whitey est bouleversée et se rassemble autour du patriarche. Hélas, quelques jours plus tard, le patient succombe à un virus. Coup de tonnerre dans cette famille dont Whitey était la clé de voûte ! Tous semblent s’effondrer suite à ce décès. C’est que ses 5 enfants et sa femme n’allaient pour la plupart pas très bien et cette mort révèle leurs failles, leurs relations basées sur un équilibre très précaire, des rapports de force, de jalousie, d’incompréhension, de mauvaise communication, de méfiance, etc. qui remontent à l’enfance. La veuve, Jessalyn, ne vivait que pour son mari et ses enfants ; elle ne sait plus trop qui elle est à force de se faire passer après tout le monde, elle manque de confiance en elle et ne sait absolument pas dire non. Cela l’entraîne dans des situations absurdes et des culs de sac délirants. Elle bascule dans une profonde dépression.
Thom, l’aîné, a repris les affaires de son père, alors qu’il n’en voulait pas, mais il joue plus ou moins fidèlement le rôle que son père lui a attribué. Son mariage bat de l’aile.
Beverly, la seconde, n’aime plus non plus son mari. Elle boit de plus en plus.
Lorene, proviseur revêche d’un lycée d’excellence, est totalement paranoïaque et frustrée.
Virgil se cherche. Cet artiste a tout fait pour se détacher de sa famille où il ne s’est jamais senti aimé (sauf par sa mère) et de sa fortune.
Enfin, Sophia, laborantine, n’a pas eu le courage de terminer ses études. Elle en pince pour son supérieur qu’elle admire.
Thom est le seul à se poser des questions sur l’« accident » de son père et à mener une enquête à ce propos.
Ce roman est beaucoup trop épais !!! Rien ne se passe vraiment, tout est dans les relations que les personnages entretiennent, et ce n’est pas très jojo à voir. Des personnages somme toute très humains, mais faut-il autant de pages ? C’est à vous écœurer…

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8 étoiles

Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 45 ans) - 5 novembre 2022

Oui, ce roman est (très) long...
Il m'a accompagnée longtemps, dans ces bouts de chemin effectués par bribes, avec ses temps de respiration, ses doutes, ses éclats. Le titre de ce roman, issu de poème de Whitman, reflèterait-il les aspirations et questionnements des personnages ou du lecteur fourbu?
L'entrée dans ce livre se fait avec élan, joie, passion, la trame narrative se tisse de façon claire, les thèmes sociologiques évoqués sont tout aussi limpides, et puis... la mort du Père. Qui n'était déjà plus qu'un demi-père. Un inconnu. Plus aimable pour certains, plus déstabilisant pour d'autres, avant même son départ, cette identité délitée vient contaminer toute la systémique familiale.
Et voilà que le fil d'Ariane disparait lui aussi. Le fil structurel en tout cas, mais pas celui, plus fourbe et tacite, de l'éclatement psychologique d'une famille. Lorsqu'un patriarche n'est plus là, en miroir inspirant ou opposant, pour déterminer les rôles, les pensées, les opinions, les jugements et le cadre, il n'y plus de mur où laisser rebondir la balle folle des pensées.
Chacun se raccroche à ce qu'il peut, en naufragé pitoyable mais inspirant assez peu de compassion. La mère transparente, mimétique, qui après avoir cherché les traces du mari disparu se pare des couleurs d'un autre sans jamais vraiment savoir qui elle est. Et puis les enfants flétris... Le fils cadet, marginal, fuyant, le reste, pour sa survie. Le fils ainé, pragmatique, en lutte avec sa colère. La plus jeune sœur, en proie avec un Œdipe retard ; l’ainée, phagocytée par ses rôles de mère et d'épouse au point de n'être plus qu'un objet utile dans son foyer ; et puis celle du milieu, aigrie, paranoïaque, cynique et dangereuse, semble être la plus faussement résiliente de tous. Tous, à leur façon, représentent les errances intestines et presque banales d'une famille américaine riche pétrie de jugements, d'auto-satisfaction, de racisme latent,...
Et donc ce livre est long comme l'est la résistance au changement des protagonistes, accrochés qu'ils sont à la certitude que c'est le monde extérieur le problème.
Pour parvenir à un tel décorticage, il fallait une plume expérimentée, capable de tremper son encre dans les mille et une couleurs de la complexité humaine. Et il est indéniable que, sur ce plan, Joyce Carol Oates est magistrale.

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