La Fin de l'histoire
de Luis Sepúlveda

critiqué par Alma, le 9 mars 2022
( - - ans)


La note:  étoiles
« A tous ceux et celles qui ont connu l'enfer de la Villa Grimaldi »
Un ouvrage qui est à la fois un thriller politique glacial et haletant, une fresque historique qui nécessite des connaissances géopolitiques (que le lecteur lambda ne possède pas toujours ), et un roman intimiste plein d'émotion .

Le personnage principal Juan Belmonte ( déjà héros du 3e roman de Sepulveda en 1994 UN NOM DE TORERO) est un ancien guérillero qui a du galon. C'est une fine gâchette, un tireur d'élite. Sorti des meilleures écoles : académie militaire de Moscou, formation complémentaire en RDA, à Cuba , il est intervenu pour soutenir les insurgés en Bolivie, au Nicaragua, en Tchétchénie.
Membre de la garde rapprochée de Allende, il a ensuite lutté contre Pinochet, a été emprisonné, a réussi à s'exiler puis est revenu se retirer en Patagonie.
Il y vit à présent dans une ferme isolée gardée par des chiens et par un homme armé, en compagnie de sa camarade de lutte Véronica qui a survécu aux pires tortures des sbires de Pinochet. Bien que soignée par un médecin suédois spécialiste de séquelles intérieures de la torture, Véronica en est restée « brisée de l'intérieur » prostrée, comme absente.
C'est dans sa retraite de Patagonie que les services secrets russes retrouvent Juan Belmonte et exigent du sniper qu'il est et qu'ils ont formé d'éliminer Krassnoff, ancien cosaque devenu général de l'armée de Pinochet, emprisonné pour ses agissements pendant la dictature militaire et que des cosaques nostalgiques qui ont opéré avec les SS d'Hitler veulent eux, libérer .
Belmonte accomplira-t-il cette mission qu'intérieurement il refuse, mais qu'on le contraint à faire en prenant sa compagne en otage ?

LA FIN DE L'HISTOIRE un roman riche, certes, mais qui déjoue l’espace et le temps, qui s'étend sur une une période qui va de 1917 à 2000. Les événements s'éparpillent sur tous les continents, s'imbriquent, se télescopent, mais ne s'enchaînent pas chronologiquement .
L'ensemble forme une sorte de puzzle à difficile reconstituer .

L'auteur, témoignant d'une volonté de ne rien oublier de ce qu'ont enduré les opposants à Pinochet ( dont il a lui-même fait partie ), parsème son récit de scènes de torture qui se sont déroulées à Santiago du Chili , dans la villa Grimaldi, lieu de sinistre mémoire.
Le roman est d'ailleurs dédié « A tous ceux et celles qui ont connu l'enfer de la Villa Grimaldi »
Un roman dont la lecture est éprouvante mais nécessaire, afin que nul n'ignore...
Thriller politique, une histoire douloureuse 8 étoiles

Douloureuse l’histoire contemporaine du Chili ? Sans nul doute. Luis Sepulveda a vécu – et souffert – les années Allende/Pinochet et La fin de l’histoire est un témoignage sur cette époque, les atrocités qui ont été commises (notamment dans la « fameuse » Villa Grimaldi, centre homologué de tortures à l’avènement de Pinochet).
Mais ce témoignage n’est pas didactique, il est glissé intelligemment au sein d’un polar moderne : Juan Belmonte est un ancien compagnon d’armes de la tendance Allende, qui a été formé aux méthodes de guérilla et particulièrement à la fonction de tireur d’élite par les Russes. Bien des années après (l’ouvrage a été écrit en 2016), il se fait oublier en Patagonie, à l’extrême sud du pays, Puerto Carmen sur l’île de Chiloé, en veillant sur sa compagne, Veronica, qui ne s’est jamais remise des sévices subis Villa Grimaldi.

»Je me croyais en sécurité à Puerto Carmen, où je ne faisais rien d’autre que ramasser du bois avec l’aide d’el Petiso, le Petit Râblé, pour nous approvisionner en chaleur en vue du long hiver austral. Je ne désirais rien d’autre que contempler la mer avec Veronica à mon bras et sentir son regard glisser de la berge aux premières vagues, puis de là vers les îles Cailin et Laitec, jusqu’à se fixer sur la rive indécise de la Patagonie continentale. »

Mais voilà, ses anciens formateurs russes l’ont retrouvé, ils ont un boulot à lui confier, un sale boulot évidemment, le type de boulot dont il ne veut plus entendre parler : l’élimination d’un cosaque, Krassnoff, qui fut général dans l’armée de Pinochet et superviseur de la Villa Grimaldi, et qui embête maintenant le pouvoir russe. Rien de plus facile que de faire chanter un ancien guerillero qui se croit à l’abri et Juan Belmonte va devoir se replonger dans ce qu’il s’efforce d’oublier …
C’est intelligent, sensible. On retrouve bien sûr la qualité d’écriture de Luis Sepulveda dans ce qui s’apparente plutôt à un thriller, un bon moment de lecture …

Tistou - - 68 ans - 3 juillet 2024