Voyage au bout de l'enfance
de Rachid Benzine

critiqué par CHALOT, le 12 mai 2022
(Vaux le Pénil - 76 ans)


La note:  étoiles
Un roman poignant
« Voyage au bout de l'enfance »
roman de Rachid Benzine
80 pages
janvier 2022
Editions du Seuil

Fabien, petit garçon d'une dizaine d'années vit à Sarcelles.
Il aime beaucoup sa classe, son instituteur qui lui a fait aimer la poésie et aussi le football avec ses copains.
Il est heureux avec ses parents, jusqu'à ce jour funeste où l'un et l'autre lui annoncent leur départ de tous les trois pour la Syrie.
Les parents, convertis à l'islam le plus radical, vont faire le djihad avec Daesh.
Fabien est inquiet et encore, il ne sait pas ce que sera sa vie en camp à Raqqah.
Il n'y a qu'un seul attrait, c'est le foot avec son nouveau copain Abdel qui s'appelait autrefois Patrice.
Abdel « rêve de devenir joueur de foot professionnel. Je suis sûr qu'avec son talent il sera pris au Real de Madrid ou à Barcelone ».
Après avoir connu les horreurs de l'intégrisme et des violences, après avoir perdu son père à la guerre, Fabien retrouvera Abdel …..Ce dernier a perdu les deux jambes !

Les parents de Fabien ont eu un moment de lucidité, peu de temps après leur arrivée au camp.
Ils ont voulu partir mais ils ont abandonné toute idée de départ quand ils ont vu les barbus lapider et pendre la meilleure amie de la mère qui avait osé « déserter ».
Il rencontrera un peu d'humanité lors de sa rencontre avec un gardien kurde qui le mettra sous sa protection discrète.

Ce livre est poignant, il nous transporte dans le cauchemar que vit ce garçon qui connaîtra le remariage forcé de sa mère, la mort de ses beaux-pères successifs et la violence physique que le dernier mari de sa mère exerce sur cette femme qui n'en peut plus.

C'est cela l'enfance de ces enfants forcés à participer à une guerre brutale et obligés à rester, après la défaite de Daesh, dans un camp où règne la terreur exercée par les femmes intégristes contre les quelques femmes qui veulent vivre en paix.

Jean-François Chalot
Enfance et endoctrinement 8 étoiles

Le regard d'un enfant sur la transformation de ses parents en intégristes suivi de l'immigration vers les "pays du bonheur" qu'ont fait miroiter les intégristes.
Le cheminement d'une famille musulmane vers l'islamisme n'est pas le sujet du roman mais il apparaît clairement en filigrane. Il aurait été intéressant d'en connaître les raisons et le développement tout comme le passage de la femme qui décide à celle qui devient déconsidérée et soumise, broyée par la cohorte machiste que forment ces intégristes. Le sujet du roman n'est cependant pas. Le personnage est bien l'enfant, avec son regard, la plongée d'un univers où il pouvait commencer à s'épanouir vers celui d'une destruction programmée à partir du moment où il n'adhère pas à ce que l'on veut lui faire ingurgiter.
Le cadre est celui de l'islamisme intégriste car c'est celui le plus présent actuellement mais il est universel, que ce soit avec d'autres religions dévoyées de leurs propos ou avec des idées politiques (bien souvent reliées à des problèmes religieux d'ailleurs).

L'auteur sait parfaitement se mettre dans la peau de l'enfant, raconter ce qu'il ressent, de son déracinement à la découverte de ce monde adulte dont il ne comprend pas ce qui motive ces comportements. Son incompréhension est d'autant plus forte qu'il ne reconnaît plus ses parents dans leurs comportements et qu'ensuite il ressent bien le doute, voire le regret qui s'est immiscé en eux.

Un livre très sensible, très délicat, pudique et très douloureux.
Un livre court mais très intense.
Au delà de la "simple narration", une amorce de réflexion sur l'endoctrinement.

Mimi62 - Plaisance-du-Touch (31) - 71 ans - 30 mai 2024


Voyage au bout de l’horreur 9 étoiles

Quand Fabien quitte précipitamment Sarcelles sans avoir été prévenu, son plus grand chagrin, c’est de ne pas avoir eu son jour de gloire dans sa classe de CE2 où il devait lire ses propres poèmes devant tous les élèves.
Arrivé en Syrie, malgré les allégations de ses parents le convainquant qu’ils sont au paradis, ses copains d’école, ses amis de foot, son maître d’école et surtout ses grands-parents manquent beaucoup à Fabien devenu Farid.
Très rapidement, le père, puis la mère regretteront leur choix. Mais on ne quitte pas Daesh.
"Je crois qu’on n’a pas eu raison de venir ici. J’aurais pas dû écouter maman. C’est pas comme je pensais."

L’enfant, en quelques mois va être témoin, puis victime de toutes les atrocités commises au nom de la religion.

Un petit livre qui commence avec humour, puis au fil des pages, tout bonheur, tout plaisir est systématiquement détruit, et l’on suit l’enfant dans la dégradation sans fin de ses conditions de vie.
Cet enfant lumineux qui s’accroche à ses poèmes pour ne pas sombrer, pour apporter un peu de douceur aux autres.
"Les poèmes ça a pas besoin de la vérité. Les poèmes ça existe pour faire plus beau que la réalité."

Des pages difficiles qui rendent compte du calvaire vécu par ceux qui ont cru à un autre monde et qui ont eu le malheur d’y emmener leurs propres enfants.
Une lecture courte mais très marquante.
Terrifiant.

Marvic - Normandie - 66 ans - 5 septembre 2022