Ce mal étrange de Patricia Highsmith

Ce mal étrange de Patricia Highsmith
( The sweet sickness)

Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers

Critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 26 septembre 2004 (Liernu, Inscrite le 1 avril 2001, 56 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 047ème position).
Visites : 6 360  (depuis Novembre 2007)

Psycho-policier

Dans ce roman, le lecteur suit exclusivement ce qui se passe dans la tête de David, jeune homme propre-sur-lui, scientifique doué, célibataire et … jaloux. Annabelle a en effet choisi d’épouser Gérald alors que David était dans la course avant ce fieffé imbécile insignifiant. Annabelle a été manipulée, c’est la seule explication à ce mariage contre nature ! Qu’à cela ne tienne, David ne va pas se laisser supplanter si aisément ! Convaincu qu’Annabelle l’aime toujours et qu’elle n’attend qu’une minuscule pichenette d’encouragement de sa part pour quitter Gérard, David lui écrit une lettre, posée certes, mais dont l’ambiguïté est bannie. En gros, cela donne : quittez ce personnage indigne de vous, je vous offre la seule vie dont vous rêvez… Cette première tentative ne faisant pas mouche, David réitère l’expérience, sans plus de succès. Il se résout alors à rendre une petite visite, qu’il espère décisive, au domicile du couple. Il sera bien mal accueilli par le mari, passablement énervé par l’insistance de David, proche de l’outrage…

Ce livre est annoncé comme « roman policier », et meurtres, il y aura. Mais il ne s’agit pas d’un roman policier comme les autres où le lecteur accompagne un enquêteur dans ses déductions. Ici, nous sommes dans la tête d’un personnage et nous nous rendons compte petit à petit de la folie de celui-ci. Schizophrène et éperdu d’amour pour Annabelle, David se révèle au fil des pages. Patricia Highsmith fait monter la pression autour de David jusqu’à la chute finale, avec ce talent qu’on lui connaît de créer des personnages d’une rare cohérence psychologique.

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La raison du fou

10 étoiles

Critique de Malic (, Inscrit le 9 décembre 2005, 83 ans) - 3 novembre 2015

David est un jeune homme tout ce qu’il y a de bien : gentil, sûrement bien de sa personne, doté de solides principes moraux, intelligent, chimiste doué, très apprécié de son entreprise et promis à un brillant avenir professionnel. Autrement dit, une sorte de gendre idéal. Oui mais voilà, David souffre de ce mal étrange, cette névrose qui peut se résumer ainsi : « je sais que tu m’aimes et tu pourras me répéter le contraire, je n’en démordrai pas. » David est amoureux d’Annabelle, avec qui a il a eu un début d’histoire sentimentale par le passé et il est persuadé quelle l’aime aussi. Aujourd’hui elle est mariée, elle aime son mari et ne songe pas du tout à le quitter. Elle tente de convaincre David qu’il fait fausse route, mais il ne veut rien entendre, certain qu’elle se trompe, qu’elle est manipulée, que son mari n’est pas digne d’elle et qu’un jour elle comprendra.

Au fil du roman, David s’enfonce de plus en plus dans ce déni de réalité et dans la mythomanie et le dédoublement de personnalité qui l’accompagnent. Le roman suit constamment le point de vue de David et nous plongeons avec lui dans cette spirale de destruction, d’autodestruction et de délire logique. Car si son comportement nous paraît aberrant, il répond cependant toujours à une « logique interne » parfaitement cohérente. On pense ici au mot de Chesterton : « Le fou n’est pas celui qui a perdu la raison, mais celui qui a tout perdu sauf la raison. »

J’ai toujours trouvé fascinants ces romans qui vous immergent dans le cerveau d’un psychopathe et où le lecteur lui-même devient schizophrène, d’un côté s’imprégnant des motivations du héros, de l’autre les jugeant absurdes.

Même s’il y a des meurtres, ce n’est pas vraiment un roman « policier » – les policiers et l’enquête sont très secondaires – plutôt un « suspense psychologique », mené de main de maître par Patricia Highsmith, reine du genre et chouchou du cinéma, d’Hitchcock à Chabrol. Ce roman a été adapté au cinéma par Claude Miller, sous le titre « Dites-lui que je l’aime. »(1977) avec l’inévitable Depardieu.

l'un des meilleurs livres que j'ai lus!

10 étoiles

Critique de Pierrequiroule (Paris, Inscrite le 13 avril 2006, 43 ans) - 18 juillet 2006

Un suspense haletant, mais aussi un grand roman sur l'obsession amoureuse qui se lit la gorge serrée. Patricia Highsmith réussit, comme à son ordinaire, à rendre attachant un personnage qui pourtant s'enfonce dans la folie. David est sans conteste un psychopathe. Mais à travers son "mal étrange" affleurent une grande sensibilité, et la douleur d'un homme qui s'accroche désespérément à ses rêves impossibles. Le refus de la réalité, l'enfermement dans un monde imaginaire qui semble préférable: tels sont les choix pathétiques de David. Ces choix conduiront progressivement le héros à l'isolement, au mensonge et finalement à la destruction. Destruction des autres, mais aussi destruction de soi. Car le roman de Highsmith s'achève dans un paroxysme tragique.
"Ce mal étrange", roman policier? A mon avis c'est un grand NON. L'intrigue "policière" est ici marginale. Elle n'est qu'un corollaire du drame intérieur de David, une manifestation de cette réalité oppressante qui finira par le broyer. Une fois le livre refermé, le lecteur oubliera l'enquête. Mais ce grand cri de bête traquée, qui constitue le final du roman, le hantera pendant longtemps!

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