La Lumière révélée: De la lunette de Galilée à l'étrangeté quantique
de Serge Haroche

critiqué par Colen8, le 16 mai 2022
( - 83 ans)


La note:  étoiles
Hymne à la science « blue sky »
Ces mémoires d’une carrière scientifique couronnée par un Nobel de physique(2012) servent de prétexte à retracer la filiation des idées ayant conduit au fil des siècles à découvrir la nature et les propriétés de la lumière. Quels pouvaient être ces phénomènes perçus par l’œil ? Le mystère a perduré aussi longtemps que sa double origine n'ait pu enfin être révélée et prouvée par Einstein. Par son fameux article(1905) sur l’effet photoélectrique supposant l’existence des quanta il a obtenu le prix Nobel(1921)… aussi bien qu’il a introduit par la suite la théorie quantique si longtemps restée incomprise. Là où les uns supposaient à la lumière une nature corpusculaire, en l’occurrence Descartes avec la confirmation ultérieure de Newton, d’autres à la suite de Huyghens démontraient qu’elle devait être ondulatoire au vu des franges d’interférences observées par Young puis Fresnel.
Après les équations de Maxwell ayant permis d’unifier en un spectre continu les ondes électromagnétiques et lumineuses la matière est entrée dans la danse non sans révéler son étrangeté. L’histoire pas à pas des découvertes dans leurs énoncés théoriques d’abord, dans leurs démonstrations expérimentales par la suite a conduit à un potentiel d’applications que nul ne prévoyait. La preuve au quotidien depuis un bon siècle ce sont le nucléaire civil et militaire, les lasers, GPS, IRM, internet etc. directement dérivés des théories d’Albert Einstein, Niels Bohr, Louis de Broglie, Ernest Schrödinger et tant d’autres. Les expériences décrites et réalisées par Serge Haroche et ses collaborateurs ont abouti en une trentaine d’années à déterminer précisément la transition du quantique à la physique classique. Il leur aura fallu observer et compter des photons un par un de façon non destructive.
A défaut d’assimiler d’emblée ce corpus de connaissance on peut en retenir quelques éléments de vocabulaire : émission stimulée, pompage optique, cohérence, intrication, fonction d’onde, superposition d’états, principe d’indiscernabilité, incertitude temps-énergie, fluctuation du vide, chats métaphoriques de Schrödinger, atomes géants circulaires de Rydberg, oscillation de Rabi, électrodynamique quantique en cavité. Bien avant la faisabilité des ordinateurs quantiques, la technologie existante de portes logiques en qubit sera utile à la transmission de clés cryptographiques inviolables. Après les horloges atomiques les applications lumière-matière qui ont servi à la mesure du temps avec une précision comparable à celle de l’âge de l’Univers ouvrent de nouveaux champs à de futures applications prometteuses.
La science « blue sky » aux yeux des anglo-saxons se rapporte à la recherche fondamentale dont l’objectif est de faire progresser les règles physico-mathématiques gouvernant aussi bien la Nature que l’Univers. Que les vérités scientifiques élaborées depuis si longtemps par le double usage de la pensée rationnelle des chercheurs à l’esprit « blue sky » animés par la curiosité jointe à l’ingéniosité des expérimentateurs soient mises en doute, qu’elles soient ramenées à des opinions parmi d’autres au titre de post-vérités par les réseaux complotistes et créationnistes est un constat affligeant auquel ce témoignage de haute volée tente de remédier.