Avant le Big bang
de Igor Bogdanoff, Grichka Bogdanoff

critiqué par Leura, le 26 septembre 2004
(-- - 73 ans)


La note:  étoiles
Le quantique des quantiques
Qui parmi nous n'a pas rêvé un soir d'été devant la voûte étoilée à l'immensité de l'univers, et à ses débuts? Le big bang s'est produit il y a 15 milliards d'années, et on a pu en 2002 en "photographier" le rayonnement fossile. On sait que quelques micro-fractions de seconde après cet événement, l'univers se réduisait à un point, d'une densité et d'une énergie inimaginables. Quelques micro-secondes plus tôt, l'univers était plus petit que la plus petite mesure imaginable, à savoir la constante de Planck. Au-delà de ce mur de 10 exposant -33 centimètres, le temps et l'espace n'ont plus la même signification, nous passons du monde ordinaire où s'applique la physique newtonienne au monde quantique, où le temps peut s'inverser, et où une conséquence peut précéder une cause. Au temps zéro, l'entropie est nulle, et au-delà, nous entrons dans le domaine de l'information pure. La constante de Planck fait se rejoindre l'infiniment petit et l'infiniment grand, puisqu'il tient dans le creux de notre main, et qu'en même temps il entoure tout l'univers, aussi bien dans notre galaxie que dans celle d'Andromède. Quand on atteint une telle profondeur de pensée, le raisonnement devient impossible, nous n'avons pas d'autre choix que d'admettre et d'essayer d'intégrer. Ce livre brillant, intelligent et révolutionnaire peut réconcilier les scientifiques et les philosophes. A déguster à petites doses, avec un tube d'aspirine sous la main, on ne sait jamais.
Une théorie alambiquée très marquée par l'abstraction mathématique 6 étoiles

Malgré d'évidents défauts, notamment celui de constamment hésiter entre l'ouvrage de vulgarisation "très grand public" et la thèse scientifique de haut niveau, le livre a le mérite de ne pas galvauder son titre. Il propose effectivement une théorie, très marquée par l'abstraction mathématique, qui décrit la création et l'expansion de l'univers. Est-elle plausible ? Est-elle cohérente ? Est-elle scientifique ? C'est tout l'enjeu de la violente polémique suscitée par les travaux des deux frères Bogdanov.

Le livre développe très longuement et à plusieurs reprises avec des images frappantes l'idée que les ordres de grandeur de l'infiniment grand et de l'infiniment petit ne sont pas à l'échelle humaine. En revanche, il élude la définition précise des concepts plus difficiles qui sous-tendent tout l'ouvrage : dilaton, instanton, flot des poids, condition KMS d'équilibre thermique à l'échelle de Planck, etc. Ainsi, le livre donne l'impression désagréable que les Bogdanov pratiquent un peu l'art de l’esbroufe, en assénant au lecteur des idées difficilement compréhensibles ou étayées sur du “name dropping” (la liste des scientifiques cités est impressionnante) et sur une évidente fascination pour les nombres, qui les incite à des analogies arbitraires. L'approche des Bogdanov donne en effet le sentiment de mélanger l'abstraction mathématique et l'être du monde réel, sans interrogation épistémologique, comme s'ils n'arrivaient pas à sortir des équations. Toutefois, l'ouvrage s'achève par quelques conjonctures et propositions expérimentales : assimilation de l'énergie sombre au dilaton d'un champ scalaire ; explication de la non-localité quantique par une sorte d'effet tunnel dans le temps imaginaire ; recherche d'une fluctuation de signature de l'espace-temps au coeur des trous noirs, etc.

Ci-dessous, je résume “impartiellement” la thèse des auteurs telle que j'ai cru la comprendre (parfois difficilement).

La première partie du livre présente l'évolution des idées en physique, en insistant sur les révolutions successives qui ont marqué l'histoire récente et en soulignant que les idées novatrices, émanant souvent de jeunes chercheurs inconnus, ont souvent été mal reçues, ignorées ou méprisées, avant de se diffuser et d'être acceptées. Pour les Bogdanov, les propositions les plus combattues sont celles qui portent sur le concept de singularité dans le continuum espace-temps. Einstein (contre Friedman) et Hoyle (contre Hawking) ont vilipendé ceux qui soutenaient l'existence de singularités avant de se rétracter devant l'évidence des faits et des calculs de Hawking et Penrose, qui ont démontré que tout système satisfaisant les conditions et les lois de la relativité engendre nécessairement des singularités (initiale ou finale comme le trou noir). Cette partie du livre est globalement bien documentée, avec des anecdotes intéressantes et des évocations de rencontre ou de discussion avec de grands physiciens, même si on peut déplorer une tendance au superlatif et à la dramatisation excessive des idées et et des rapports humains, présentés avec un ton qui génère des raccourcis très hasardeux (la conception aristotélicienne de l'univers, la folie de Gödel, les travaux de Cantor sur l'infini, etc.) ou donne le sentiment de créer d'artificiels effets d'emphase.

Les frères Bogdanov s'affichent comme des chercheurs inconnus qui revendiquent le caractère scientifique et iconoclaste de leurs idées tout en s'affichant dans une filiation intellectuelle (André Lichnerowicz et Moshé Flato) qui a inspiré leurs travaux. Considérant que l'univers est un objet quantique en équilibre thermique KMS à l'échelle de Planck (ce que corrobore, pour les Bodganov, l'homogénéité du rayonnement cosmique primordial), les Bogdanov utilisent les outils mathématiques (algèbres de groupe quantique) créés par Ludwig Hopf puis Alain Connes pour démontrer que la signature du groupe de Lorentz, qui décrit l'espace-temps usuel 3+1, n'est pas stable et oscille entre 3+1 et 4+0. Au temps de Planck, la dimension du temps, emportée par la tempête quantique, est équivalente à une dimension spatiale (en revanche, une signature 2+2 à deux dimensions spatiales et deux dimensions temporelles n'est pas possible). Avant la singularité initiale, le temps réel n'existe pas or l'état d'équilibre dit KMS est mathématiquement équivalent à une évolution de l'univers en temps imaginaire où tout n'est que pure information. La singularité initiale correspond donc à une transition entre le temps imaginaire et le temps réel où l'information devient énergie, provoquant l'expansion de l'univers (big bang chaud) telle qu'elle a été préalablement codée (sous forme d'instantatons, pseudo-particules dotées d'une charge topologique qui jouent le rôle de “bit” d'information) par le déploiement virtuel de l'univers (une sorte de big-bang froid) dans le temps imaginaire (qui est une sorte de temps figé contenant tous les instants à venir). L'apparition de l'univers à partir du vide est inéluctable car le vide a la capacité de générer la matière comme le”0” a la capacité de générer la suite infinie des nombres entiers dans la théorie des ensembles.

Eric Eliès - - 50 ans - 31 octobre 2013


Le modèle est-il sans apriori ? 7 étoiles

Les "savants" recherchent un modèle mathématique qui puisse coller à la "réalité" de l'univers.

Belle initiative, sujet intéressant.

Les auteurs exploitent, dans le cas présent, une idée oriiginale : l'existence du "zéro" (en sa qualité d'information) initial capable d'engendrer le tout.

Si j'ai bien compris, avec mes modestes connaissances, en partant d'une Idée (cf. Platon), nous serions arrivés à l'énergie et à la matière.

Somme toute, il serait question de faire le pont entre la transcendance et l'immanence ?

Pourquoi pas.

Et il y a, chez les auteurs, cette Idée sous-jacente d'existence de Dieu créateur.

Certes l'ensemble qui contient l'ensemble vide n'est plus vide, mais n'est-ce pas une belle jonglerie ? Et nous restons, jusqu'à preuve du contraire, dans le domaine des mathématiques, dans le domaine des idées.

Affaire à suivre.

Pourquoi pas !

MOPP - - 87 ans - 11 septembre 2006


Après l'arnaque ?? 1 étoiles

première remarque, sachant que les bogdanov écument les sites internet pour s'envoyer des fleurs via des pseudos, je suis très sceptique devant les deux critiques qui me précèdent (je peux bien sûr me tromper). C'est EXACTEMENT le même style que le discours ronflant bogdanovien:
"Je suis assez calé en sciences et je fais un étalage peu pertinent pour épater la galerie, je trouve le livre fantastique, révolutionnaire et il apporte enfin la réponses à mes questions métaphysique, les critiques n'y connaissent rien et sont jaloux..."

Autre indices, Pierre1509 utilise par exemple, exactement le même terme que les bogdanov "les nombres imaginaires" et c'est vraiment curieux parce que :
a) On ne dit pas "nombres imaginaires", mais imaginaires purs (c'est bizarre que pierre 1509 fasse exactement le même type d'erreur assez rare de plus...).

Pierre1509 défend le livre en choisissant exactement les points sur lesquels ce livre a été le plus critiqué:

* style très lourd avec des formules alambiqués qui laissent perplexe même des chercheurs de renom (certain parlent même de "farce" comme Jean Pierre Luminet du C.N.R.S.).

*présentation de leur théorie (après tout, ils ont bien le droit d'en avoir une ) comme une vérité scientifique prouvée. Or ils n'ont strictement rien prouvé et ne peuvent parler que de scénario comme "l'inflation", "la théorie des cordes", "la vitesse de lumière variable", etc.

*Les termes sont très (trop) rarement définis de façon claire, ils cherchent souvent à épater la galerie.

*Est ce nécessaire d'évoquer les nombreuses erreurs mathématiques de niveau deug, voire terminales qui émaillent ce livre?

Etrangement, Pierre1509 a posté ce message le 17 octobre soit exactement le jour où un article du Monde révèle les limites de ce livre.

On peut signaler également que les revues scientifiques "Ciel et espace" et "La recherche" ont éreinté ce bouquin. Et de nombreux sites internet de mathématiciens ou de physiciens ont fait le listing ahurissant des bêtises contenues dans ce pavé.

Alano - - 51 ans - 31 octobre 2004


Un voyage imaginaire 10 étoiles

Le style de l'ouvrage est plutôt journalistique, facile d'accès, et revient abondemment sur des notions discutées plus tôt dans le livre, comme des 'rappels' (bienvenus!). La première partie du livre est plutôt historique, et ne demande pas de connaissance mathématique ou technique. La seconde partie est la plus intéressante, et fait appel à des notions mathématiques du niveau d'une première ou terminale scientifique - comme les nombres imaginaires, en particulier. Toutefois, on peut tout à fit suivre le déroulement intellectuel des auteurs sans être un expert de la géomètrie. Les 'oscillations' entre métriques euclidienne et lorenztienne (sans le temps; et avec le temps) sont extraordinaires, et l'on passe subrepticement d'un monde 'physique réel' à un monde mathématique pur sans trop d'efforts, c'est là le tour de force de ce livre, et son extraordinaire attrait. Il reste pour moi quelques points d'ombre - mais je n'ai pas pu lâcher le livre avant de l'avoir terminé! Il m'a permis de comprendre (ou plutôt d'appréhender) pourquoi la notion d'un univers ouvert, grandissant à l'infini, n'était pas forcément incompatible avec la notion de cycle: singularité initiale, et singularité finale sans 'big crunch'.

Pierre1509 - - 64 ans - 17 octobre 2004