Les abeilles grises de Andreï Kourkov
(graue bienen (grey bees))
Catégorie(s) : Littérature => Russe
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Quand le grand frère russe surveille ...
Le roman d’Andreï Kourkouv, écrivain ukrainien, sorti cette année entre en résonance avec les événements actuels. En effet, le roman se déroule en zone grise, dans un petit village où ne semblent vivre que deux hommes : Pachka et Sergueï. L’armée ukrainienne et les séparatistes prorusses se bombardent de temps à autre, ce qui a fait fuir la population de ce village, exceptés ces deux hommes, autrefois ennemis, mais amis désormais face à l’adversité. Sergueï est apiculteur et il aime ses abeilles qu’il préserve. Quelques hommes fortunés viennent profiter parfois de séances d’apithérapie en s’allongeant sur les ruches de Sergueï, ce qui aurait un effet relaxant. Un jour, il décide de partir avec ses abeilles pour leur trouver un coin au calme. Mais déambuler dans le Donbass, la Crimée ou la reste de l’Ukraine n’est pas simple car la Russie veille …
Providentiellement, ce roman paraît à un moment où l’Ukraine fait la une des médias et où l’incompréhension de l’Occident se fait sentir. De plus le roman se déroule précisément dans des zones dont on nous parle depuis des semaines à la télévision. Le roman se déroule évidemment avant l’agression de 2022, mais tout rappelle ou annonce cette triste et douloureuse actualité. Ces population essuient quelques malencontreux tirs, de nombreux contrôles se trouvent aux frontières entre les régions, les statuts de la Crimée et du Donbass ne sont pas aussi clairs que ce que les médias laissent paraître … Entrer dans ce roman répond sans doute à la curiosité du moment et à un besoin de comprendre ce qui se passe aujourd’hui par le biais de la fiction écrite par un auteur qui vit cette situation de l’intérieur.
Les romans d’Andreï Kourkov rappellent quelque peu ceux d’Arto Paasilinna. Nous suivons notre personnage dans des situations sérieuses ou burlesques parfois. Comme dans un roman picaresque, il rencontre de nombreux individus, se déplacent dans de nombreuses régions et de ces escapades naît l’intérêt du roman. L’écriture de l’auteur est simple avec quelques accents poétiques parfois. Les chapitres sont courts, ce qui donne un certain rythme dans la lecture même si le roman n’avance pas très vite. Il ne faut pas s’attendre à de multiples rebondissements. L’on suit le quotidien des ces personnages simples en prise avec des décisions politiques qui les dépassent. Il est intéressant de voir comment tous les personnages cohabitent ensemble et quels sont les rapports de force qui se sont installés dans ce contexte complexe. Franchement, cette zone est vraiment complexe comme pourrait en témoigner le statut des Tatares.
Les personnages sont touchants par leur fragilité, par leur solitude et leur besoin simple de vivre normalement. Il y a de nombreux personnages secondaires, parfois truculents, qui apportent beaucoup à ce roman. L’univers dépeint n’est pas manichéen mais reflète des territoires où il ne fait pas bon vivre depuis des années malgré l’humanité des individus.
Les éditions
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Les abeilles grises [Texte imprimé]
de Kourkov, Andreï Lequesne, Paul (Traducteur)
Liana Levi / LITTERATURE ETRANGERE
ISBN : 9791034905102 ; 23,00 € ; 03/02/2022 ; 400 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (4)
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Pauvres en faits, riche en humanité
Critique de Mimi62 (Plaisance-du-Touch (31), Inscrit le 20 décembre 2013, 71 ans) - 23 avril 2024
Roman curieux. J'ai aimé cette lecture, je me suis laissé entraîné par Sergueï dans sa vie monotone, sans réel intérêt, dans sa solitude, dans son dénuement, dans cette absence de projets, dans cette impossibilité de penser à l'avenir.
Dans cette zone désertée par la population, bénéficiant d'une relative tranquillité pouvant être remise en cause à tout instant, Pachka, le seul habitant est l'ami-ennemi de Sergueïtch. Amis à l'enfance, ils se sont brouillés depuis pour une raison non expliquée mais ils sont l'un pour l'autre le seul contact possible.
Faut-il y voir une description de ce qu'est une zone ainsi entre deux fronts ? Faut-il y voir une sorte d'exposé d'une philosophie de vie conduisant à savoir apprécier les choses les plus simples ?
Restent ces abeilles qui sont, au final, la raison de vivre de Segueïtch. Là aussi on peut se demander si elles sont l'objet du propos ou un moyen pour exposer autre chose.
Ces abeilles occupent la vie de Sergueïtch tant parce qu'il s'est converti à l'apiculture que parce que ce sont les êtres principaux auxquels il finit par reporter son affection ? Et pourtant, il finit par se soucier du bien être de son ami-ennemi Pachka et même par se préoccuper de son bien être.
Sergueïtch se soucie également du corps de ce soldat tué dans une partie exposée aux tirs de l'un ou l'autre camp, lie une amitié avec un soldat rencontré par hasard. L'appartenance à tel ou tel camp n'a aucune importance.
Au printemps, Sergueïtch emmène ses abeilles dans une autre région pour qu'elles puissent produire paisiblement du miel. Il part seul mais ce sera aussi l'occasion de rencontrer d'autres personnes avec lesquelles il nouera des liens. Est-ce là le principal pour montrer que cet homme coupé du monde reste un humain sociable ou ce voyage permet-il d'illustrer cette situation d'occupation militaire créant un climat finalement encore plus pesant que celui de la zone grise ?
Beaucoup d'interrogation dans cette lecture mais peut-être l'auteur ne voulait pas aller aussi loin, peut-être voulait-il "seulement" narrer la vécu d'un homme dont la vie à été chamboulée par une guerre à laquelle il est totalement étranger, le vécu de toutes ces personnes qui ne demandent qu'à vivre en paix, soumises aux caprices de dirigeants pour qui le peuple n'a aucune importance.
"L'action" se déroule en Ukraine dans le cadre d'un conflit avec la Russie mais j'avoue que cela ne m'a pas paru le plus important, je l'ai même oublié, projetant la situation décrite dans n'importe quelle zone en guerre.
Un roman que j'ai beaucoup apprécié et qui me restera en mémoire, peut-être en raison de toutes ces questions sans réponses. Bien que très bien situé dans l'espace il renferme une réelle universalité.
Habitant de la guerre
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 18 mars 2023
Plus d’électricité, plus de téléphone, presque plus rien à manger, les deux hommes n’ont d’autre choix que de se rencontrer voire d’échanger ou de se soutenir. Jusqu’au printemps où l’apiculteur doit emporter ses ruches loin de la zone de combat.
"Maintenant, en février, le silence était aussi ténu que la poussière voilant dans le soleil. Mais dans un mois à peine, l’apiculteur y lâcherait toute une armée d’abeilles. Et pour parler en termes militaires – la comparaison semblait le réclamer - , ce seraient six régiment apiaires qu’il lancerait dans le champs semés de fleurs, qu’elles soient sauvages ou bien organisées. Un essaim, n’était-ce pas un corps d’armée? et une ruche, une caserne ?"
Un long et hasardeux voyage, semé d’embûches, de méfiance envers cet homme considéré comme un traître ukrainien, mais aussi de rencontres incroyables.
Dont un séjour en Crimée et la découverte d'une famille Tatar de religion musulmane, qui subit la haine des russes, cette haine de l’étranger dont il est victime lui aussi au fil des villages traversés et des gens croisés dans une totale sidération et un profonde incompréhension.
C’est avec regret (et un peu d’anxiété) que l’on voit arriver les dernières pages du livre. Regret de devoir quitter Sergueï, "son humeur paisible et joyeuse, humeur qui équilibre la vie et crée l’illusion que paix et bonheur ne font qu’un", cet homme sage, honnête, humain, tout simplement.
Une très beau roman que j’avais hésité à lire (pas envie de m’endormir avec les mots de guerre, Donbass, Ukraine, Russie). Pour finalement découvrir une histoire qui me réconcilie avec une partie du genre humain.
Guerre d'Ukraine
Critique de Tanneguy (Paris, Inscrit le 21 septembre 2006, 85 ans) - 22 novembre 2022
vous ne regretterez pas votre lecture même si elle ne rend pas très optimiste...
Voyage au milieu d'un conflit
Critique de CHALOT (Vaux le Pénil, Inscrit le 5 novembre 2009, 76 ans) - 31 octobre 2022
d'Andreï Kourkov
chez Liana Levi
399 pages
février 2022
L'action se déroule durant le conflit entre l'Ukraine et la Russie en 2014.
Les deux personnages principaux habitent dans la zone grise , située entre les armées ukrainiennes et les séparatistes.
Ils se sont toujours détestés mais seuls, dans le village déserté, ils finissent par devenir des ennemis-amis puis carrément des amis.
L'un d'entre eux, Sergueïtch, est un apiculteur qui ménage et aime ses ruches qui possèdent pour lui des pouvoirs bénéfiques.
Des personnes relativement célèbres viennent bien d'allonger sur les ruches afin de se reposer et de se retrouver mieux.
Malheureusement la guerre n'est pas loin et les abeilles ont besoin de fleurs et de calme pour butiner.
Que faire ?
Sergueïtch n'hésite pas à prendre ses ruches pour les transporter avec son véhicule et sa remorque très loin du front.
Il va faire de nombreuses rencontres notamment lorsqu'il se pose avec ses abeilles et qu'il les laisse butiner les fleurs.
Certaines sont agréables, d'autres beaucoup moins.
Apiculteurs du monde entier réunissez-vous ! Ce qui est certain c'est que la solidarité s'exprime entre ces amoureux de la nature qui laissent les rivalités liées aux appartenances à telle communauté pour s'épauler.
Sergueïtch arrive toujours à trouver des bras, un extracteur ou un revendeur lui permettant de continuer son action apicole.
Les troupes russes sont partout, elles veillent et surveillent.
Les soldats russes sont comme dans toutes les armées du monde des exécutants n'hésitant pas, quand ils sont seuls, à exprimer de l'humanité.
L’œil de Moscou est grand ouvert et notre ami subit son regard et sa surveillance lors de ses déplacements et même durant ses rêves.
Une de ses ruches est saisie pour être contrôlée.
De retour après un contrôle négatif, il lui semble que sa ruche est peuplée d'abeilles grises!?
Un peu de tendresse et même de poésie au cœur d'un conflit.
Jean-François Chalot
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