Casse-tête à Cointe
de Francis Groff

critiqué par Saigneur de Guerre, le 11 juin 2022
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Une enquête à Liège sur les traces de la guillotine
Liège (Belgique).

Elle, c’est Yasmina. Elle est jeune et belle. Elle travaille dans une pharmacie. Le popotin de son cher papa s’est posé par inadvertance sur le smartphone de sa fille adorée mettant un terme à son existence ! … Celle du smartphone…
Comment une jeune fille en 2022 pourrait-elle vivre sans cet engin plus vital encore qu’un pacemaker ?
Que faire, sinon se rendre dans la boutique de téléphonie pour s’en procurer un autre ? Là, elle tombe sur Ludo, un gentil jeune homme qui la conseille au mieux… Et qui souhaiterait la revoir… La jeune fille accepte et ils deviennent d’autant plus proches qu’ils ont des passions fort semblables : elle adore les « escape games », et lui l‘urbex, activité qui consiste à s’introduire dans des lieux abandonnés pour en tirer les plus belles photographies possibles. Un soir de déluge, elle lui demande de l’entraîner dans un de ces lieux à l’abandon. L’observatoire de Cointe ferait parfaitement l’affaire…

Critique :

Décidément, les auteurs qui publient dans la collection « Noir Corbeau » ont un faible pour la ville de Liège puisque sur les onze numéros parus, trois aventures s’y déroulent ! Cependant, Francis Groff innove car, à ma connaissance, c’est le premier roman, parmi une grande quantité (pensez à Simenon, notamment), qui se déroule dans le quartier de Cointe ! Je reconnais d’ailleurs que c’est un quartier de la Cité ardente où je n’ai jamais mis les pieds ! Maintenant, j’ai une bonne raison de m’y rendre.
C’est avec une joie non dissimulée que je retrouve le personnage de Stanislas Barberian, bouquiniste très cultivé, venu dans la ville… sur les traces d’une guillotine ! Eh, oui, Mesdames et Messieurs les Français, lorsque vous avez occupé, après votre révolution de 1789, ce qui aujourd’hui constitue la Belgique, vous n’avez pas manqué d’amener avec vous l’engin le plus symbolique de votre révolution et d’une partie de votre culture ! Cette splendide machine pourvoyeuse de veuves, veufs et orphelins ! Comment ça, je suis provocant ? Moi ? Navré, mais je suis contre la peine de mort, encore que pour Vladimir Poupou, je ferais peut-être une exception… Je plaisante Vladimir Vladimirovitch ! Juste cinquante ans de goulag là où les températures descendent à -57°C. Remarque qu’avec le réchauffement climatique, tu ne devais bientôt plus descendre qu’à moins 40°C. Veinard, va !
Bon, j’aimerais que vous cessiez de me dérouter sans arrêt de cet ouvrage car Francis Groff va finir par m’en vouloir…

Francis Groff, ancien journaliste, ne manque pas l’occasion de nous entraîner dans les locaux du journal liégeois « La Meuse » et de la Maison de la Presse à « Liége », fief des journalistes, via son personnage Stanislas Barberian. De son côté journaliste, l’auteur situe très précisément tous les déplacements de son héros et il met un point d’honneur à donner des informations vraies sur l’histoire et la localisation des lieux intervenant dans le récit dans un souci de grande crédibilité.
Les Liégeois retrouveront avec bonheur leur quartier de Cointe, quant aux autres, l’auteur leur donnera envie de s’y rendre car, visiblement, le coin en vaut la peine.
En gros, sachez que dans cette histoire une femme va perdre la tête… Comment ? Vous m’accusez de tenir des propos misogynes ? « Toujours comparer les femmes à des oiseaux sans tête… Et patati et patata… » Votre accusation à mon égard est parfaitement injuste ! Lisez donc le dernier opus de Francis Groff, et vous constaterez que je n’ai nullement exagéré.
Enquête ou exposé ? 4 étoiles

Le journaliste écrivain semble au bout de son latin, voire au mieux à un tournant en commettant ce roman qui est plus un exposé sur l’histoire belge de l’exécution de la peine de mort dans un récit alibi qui ne ressemble pas à grand-chose. Je n’ai d’ailleurs pas bien compris de quel trafic anime l’engouement des protagonistes.

Beaucoup moins lié aux quatre autres romans précédents rédigés en moins de trois ans, avec cette nouvelle histoire de Stan(islas) Barbarian, on a plus qu’un goût de trop peu même si heureusement le style sauve quelque peu la pauvreté d’un scénario alambiqué.

On soulignera aussi incidemment le clin d’œil de l'auteur à sa consœur Amélie Nothomb.

Je range donc ce dernier roman de Francis Groff, malgré tout satisfait d’avoir parcouru la série de ses cinq romans dont le premier est incontestablement et de loin le meilleur.

Pacmann - Tamise - 59 ans - 17 juin 2024


Décollation ou décapitation ? 9 étoiles

La nouvelle passionnante enquête (la cinquième déjà) de Stanislas Barberian, le bouquiniste carolo-parisien, se déroule à Liège, dans le milieu de l’urbex (exploration urbaine) et du trafic d’archives.

Cela débute par la découverte par deux jeunes gens, de retour d’un restau, du corps sans tête d’une femme à l’Observatoire de Cointe qui, bien que désaffecté, demeure, apprend-on, le siège de la Société astronomique de Liège.

Par hasard, il se fait que Stanislas Barberian, bouquiniste à Paris mais natif de Charleroi ayant fait ses études à l'université de Liège, se trouve alors dans la ville mosane dans le cadre de la rédaction d’un texte documenté pour le catalogue d’une vente d’une maison suisse sur le thème de la guillotine, comme il lui arrive d’en rédiger. On apprendra ainsi que l’histoire de la principauté est étroitement liée à celle de la peine de mort par décapitation. Ce dernier terme n'est pas à confondre avec la décollation, nous est-il justement signalé, qui consiste à trancher la tête d'un cadavre. Distinction qui aura toute son importance dans cette enquête.

Dans ce but, il commence par rencontrer Bernard Tilkin, historien oeuvrant aux Archives de l’Etat, situé dans le quartier de l’Observatoire. Il est l’auteur entre autres d’un ouvrage qui va intéresser Barberian pour ses recherches. À l’occasion, l'historien aide la PJ dans le cadre des vol et trafics d’archives qui est une nouvelle forme de délinquance peu connue.

De fil en aiguille, Barberian va rencontrer diverses personnes : un enseignant retraité travaillant bénévolement aux Archives de l’état, l’Avocat général, le chroniqueur judiciaire de La Meuse, le commissaire chargé de l’affaire…, qui sont liées peu ou prou à l’enquête en cours pour découvrir, d’abord l’identité de la victime, puis le(s) coupable(s) de l’horrible forfait.

Le bouquiniste apportera des éléments de première importance qui vont contribuer à démêler les divers nœuds de l’affaire, tout en menant à bien le travail pour lequel il se trouve dans la Cité ardente. Partant de la tête de l’affaire, Barberian va réussir à reconstituer, si l’on peut dire, son corps entier, malgré un dommage collatéral final.

Alternant les passages informant sur des points de l’histoire de la ville et l'avancée de l’enquête, qui ménage son lot de surprises et de révélations, le récit maintient le suspense jusqu’à la fin. Fort, il va sans dire de sa carrière de journaliste, Francis Groff s’est documenté sur les domaines investis par son personnage récurrent (voir la liste des remerciements en fin de volume).

Depuis la première enquête, "Morts sur la Sambre", en 2019, on prend plaisir à la compagnie de cet enquêteur amateur, fin lettré, volontiers malicieux, aimant la bonne chère et, dans cet épisode, le whisky écossais qui, avec l'ouverture d'esprit et la curiosité propres à son activité de bibliophile, apporte des éclairages inédits sur les affaire auxquelles il est mêlé et fait de plus voir sous un jour neuf les villes, une par enquête (Charleroi, Namur, Binche, Waterloo, Liège), dans lesquelles il est appelé à exercer son talent.

Une nouvelle enquête, donc, qui ravira tant ceux qui découvriront la série que ceux qui feront la connaissance de la méthode de Stanislas Barberian et la façon d'en rendre compte, dans un style clair et un rythme allègre, par Francis Groff.

Kinbote - Jumet - 65 ans - 8 juillet 2022