Mauvais anges
de Ménīs Koumantaréas

critiqué par Pucksimberg, le 12 juin 2022
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Un ado face à la Grèce d'après-guerre
Difficile de définir ce texte qui emprunte à la fois au roman et au recueil de nouvelles. En effet chaque chapitre est centré sur un personnage, mais tous sont liés au narrateur, plus ou moins central dans ces nouvelles. Ce dernier est témoin dans certaines nouvelles, acteur dans d’autres. Les personnages décrits sont tous en relation avec l’adolescent qu’est le narrateur au lendemain de la guerre. C’est avec ce regard jeune qu’il observe ce monde et découvre aussi l’univers des adultes. Ces mauvais anges sont tous ces individus qui fascinent par leur ambivalence. Il y a ce receveur de métro qui ouvre le recueil, puis ce prof de gym un peu trop entreprenant avec les jeunes gens, cette femme juive critiquée par le plus grand nombre mais qui intrigue au plus haut point le narrateur, l’exhibitionniste Polybe, cette femme séduisante qui peint sur son balcon … autant de personnages qui sauront stimuler le désir et la curiosité de narrateur.

Au premier abord, cet ouvrage pourrait sembler n’être qu’une galerie de portraits, pourtant l’association de ceux-ci donne une couleur particulière au recueil. Il y a des éléments qui se répondent, des thématiques qui émergent et qui se trouvent déclinées de diverses façons … Parfois, en fin de nouvelle, le narrateur évoque des personnages que nous avions déjà rencontrés dans d’autres nouvelles. C’est donc bien tout un microcosme qui est retranscrit avec un ancrage spatial et temporel bien défini. Mènis Koumandarèas est vraiment talentueux dans sa façon de brosser des portraits. Le lecteur parvient aisément à imaginer les protagonistes et il sait ménager notre intérêt par cette façon de narrer et de décrire. Les individus évoqués sont parfois banals, pas forcément dignes d’intérêt, pourtant, avec le regard jeune du narrateur, le lecteur a l’impression de les voir différemment.

J’ai passé un très bon moment avec ces mauvais anges. Derrière la fiction, malgré tout inspirée de la vie de l’auteur en partie semble-t-il, il y a cette ville d’Athènes au lendemain de la guerre, le regard sur les Juifs qui est évoqué, l’occupation nazie, donc un contexte historique qui peut éclairer sur ce qu’était la Grèce à cette époque. C’est la vie culturelle de cette époque aussi qui est dépeinte avec les sorties au cinéma, les concerts à l’opéra … Ce recueil de nouvelles donne aussi envie de mieux connaître cet écrivain assassiné à 83 ans. Il est apparemment l’un des auteurs contemporains grecs les plus célèbres dans son pays, inconnu chez nous …