Vie et mort de la jeune fille blonde de Philippe Jaenada
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Un deuil annoncé...
Un Titre étrange que celui du dernier Jaenada sorti en cette belle saison automnale de rentrée littéraire. Etrange, oui. Moins de part la "jeune fille blonde" puisque chacun sait que le roman Jaenadien n'est que très exceptionnellement dénudé de la présence d'une femme tourbillonnante emportant l'histoire, que par le côté un peu lugubre et solennel de "Vie et Mort". Alors ? Serait-ce à dire que de l'humour, de l'humeur, des précédents romans du gars Philippe nous devrions nous à apprêter là, à l'augure du titre, à tomber sur de graves et sérieuses pages ? Non, non, Jaenada, nous le connaissons bien, il était dans Marie Claire (ou bien était-ce Elle?) il y a une semaine ou deux... Alors, non, non, ce titre ce ne peut évidemment qu'être une facétie dont toute la saveur va se dévoiler au fil de notre lecture gourmande... Quoique ? Un doute subsiste. Et si, et si l'humoriste écrivain dans l'air du temps, ce type qui ne fait pas de vague et nous fait rire de ce qui pourrait bien parfois flirter avec le pathétique... Et si, soudainement, alors que nous ouvrions ce roman, venait nous surprendre cette noirceur dont sait si bien nous faire sourire l'auteur... Alors on ouvre les premières pages et vu qu'on a le livre en main et que l'on est un peu intrigué, un peu curieux de ce que la mort de la jeune fille peut bien cacher de drôleries, c'est sans doute ce qu'il y a de mieux à faire. Alors on ouvre, gourmand par avance et presque impatient de succomber au plaisir de scènes hilarantes, de péripéties ménagères, de tendres illusions et désillusion d'un type qui s'escrimerait au mieux à garder le cap alors que les éléments oscillent invariablement entre l'incontrôlable et le déchaîné.
Une première surprise nous attend. Bon, c'est bien du Jaenada oui, mais cela semble plus mature, plus accompli, plus abouti. Une impression que l'on ressent sur quelques phrases dès les premiers chapitres. L'histoire ne démarre pas sur les chapeaux de roue, peut être est-ce dû à ça. Ou bien a-t-on encore en tête ce qu'il y a d'inhabituel pour cet auteur dans le titre... Difficile à dire, mais l'on sent au delà de la forme que ce roman ne ressemblera pas au précédent, ni au précédent du précédent. Nous ne sommes pas immédiatement plongés dans une scène burlesque et il y a là quelques petites phrases donnant un ton, un mi-ton différent : "j'avais besoin de repères et d'appuis sur cette terre qui tourne" "..., on se dit un jour à six ans que les larmes de crocodile sont de grosses larmes abondantes et par la suite on ne se demande pas une fois pourquoi des yeux d'un crocodile jailliraient de plus grosses larmes que de ceux d'un éléphant ou d'un ours, ni même pourquoi les crocodiles pleureraient)". Nous y sommes, une touche de nostalgie effleure et la terre tourne. La différence vient de là, Philippe Jaenada nous parle, sans trop oser s'y appesantir, du temps qui passe, de n'avoir plus vingt ans, ni trente et de s'en rendre compte : "Pourquoi ce malaise, depuis quelque temps, quand j'entrais ici ? Cette sensation d'avoir la conscience ailleurs ? Cette lassitude par avance ? (personne ne me forçait à venir pourtant.)" Mais tout va bien dans ce début de roman, puisque un animal est là pour servir de fil rouge, même si on l'oublie parfois, sur de belles longueur, le crocodile.
Des premiers chapitre, et pour notre plus grand plaisir, on rit d'abord... surtout là où l'art de la parenthèse touche aux sommets de l'épure gaguesque : ".. je ne m'ennuyais jamais (menteur), je pouvais m'amuser tous les soirs si j'en avais envie.. ", "... la barre qui reliait la roue avant droite au reste de la voiture, il ne savait pas comment ça s'appelait (moi non plus), était cassée.", "...car même si j'avais vécu pas mal de choses (je le jure) et nombre d'aventures...". Et l'on se prend ensuite à ne plus trop accrocher à de longues scènes, à des pages entières où le burlesque n'arrive pas à nous emporter. La sauce faiblit, on poursuit, on poursuit jusqu'à rejoindre l'instant de la nostalgie sous-jacente. Le souvenir de la rencontre avec la jeune-fille blonde. Là sans se départir de son ton, l'auteur donne à voir ses plus belles pages, c'est court, trop court, fugace presque, comme un souvenir joyeux des premiers émois, de la découverte du plaisir, de la démystification adolescente du féminin, dont ne resteraient que des images photographiques. La sauce est retombée et pourtant Jaenada s'acharne ensuite à vouloir continuer dans le drolesque, mais c'est peine perdue, on ne fera plus que le survoler jusqu'aux dernières pages. Reste l'illusoire, approché, de chercher à vouloir retrouver la fraîcheur de la jeunesse et de l'élan, à s'accrocher à l'idée de tout recommencer : "Je sentais ma vie, peu brillante à cet instant pour l'observateur extérieur qui jetterait un coup d'oeil vers moi, sur le point d'être bouleversée, de changer de couleur." et une lassitude, un renoncement aussi : "Mais quatre bières plus tard (on s'habitue au goût comme à tout),..."
"Vie et mort de la jeune fille blonde" un roman tronqué, truqué par le savoir faire rire Jaenadien et qui soudain ne marche plus, s'évapore, reste en plan, là où pourtant, à l'évidence la noirceur libérée (les premiers chapitres étonnent par l'effleurement d'une maturité et d'un lâché d'écriture prometteurs), sans les rambardes de la drôlerie et de la formulation légère, une vraie surprise aurait pu naître en lieu et place d'un deuil (celui d'un livre abandonné au prétexte de la moue boudeuse de l'éditeur et dont a fait état Jaenada lors d'une interview sur son site en s'adressant au lecteur à propos de "vie et mort de la jeune fille blonde"). Le bouquin sort en période littéraire faste, la presse en parle, il se vendra comme des petits pains... et pourtant je ne saurais que conseiller vivement à ceux qui ne connaitraient pas encore cet auteur de courir pêcher bonheur dans ses précédents ouvrages.
Les éditions
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Vie et mort de la jeune fille blonde [Texte imprimé], roman Philippe Jaenada
de Jaenada, Philippe
B. Grasset
ISBN : 9782246648314 ; 18,30 € ; 01/09/2004 ; 284 p. ; Broché
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Consternant...
Critique de Boitahel (Paris, Inscrite le 27 janvier 2010, 40 ans) - 24 août 2010
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