Ma Conversion de Eve Lavallière
Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Biographies, chroniques et correspondances , Sciences humaines et exactes => Spiritualités
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Souffrances et bonheurs d´une mystique
Livre-témoignage, livre-testament, cet ouvrage rassemble les lettres adressées par Eve Lavallière (1866 – 1929) à son « parrain » et directeur de conscience le curé de Chanceaux-sur-Choisille, en Touraine. La mise en contexte est d’un certain Per Skansen, et la présentation de Robert de Flers et Francis de Croisset, les rois du théâtre parisien de la belle Epoque.
C’est qu’en effet Eve Lavallière a d’abord brillé comme étoile de la scène parisienne, d’un éclat qu’on a du mal à se figurer de nos jours. Une rencontre avec le curé cité plus haut causera sa « conversion », puis sa rupture avec le théâtre et tout ce qui avait fait sa vie jusqu’alors. Après avoir distribué ses biens à des œuvres de charité, elle se met en quête du refuge le plus modeste qui soit, ce qui la conduira d’abord dans le voisinage réconfortant de Lourdes. Mais là, déjà, la « pression médiatique », comme on ne disait pas encore, se fait sentir, et, aussi pour préserver sa santé, Eve Lavallière se replie dans les Vosges, où une seule chose la préoccupe : être admise dans un couvent, voire au Carmel. Cette requête lui sera obstinément refusée par l’Eglise, au triple motif de sa santé précaire, de sa maternité, et de sa célébrité. Tout au plus fera-t-elle partie du tiers ordre des franciscaines. Mais la correspondance témoigne aussi de la maladie qui ronge de plus en plus ses facultés physiques, et qui épuise ses forces jusqu’au terme fatal en 1929.
Une curieuse histoire apparait en filigrane, qui résonne d’une étrange actualité : celle de sa fille Jeanne qui lui donne beaucoup de souci, et dont elle déplore la vie « déréglée ». Effectivement, « Jeanne » sera appelée " Jean " dans les dernières lettres, exemple précoce de transsexualité qu’Eve finit par accepter avec bienveillance.
Elle relate également sa rencontre avec Sarah Bernhardt, qui se montre impressionnée au point de vouloir suivre cet exemple.
Mais au-delà de ces vicissitudes et de ces péripéties, c’est l’image d’une grande mystique qui transparait dans ces confidences. Eve fait montre d’un total abandon à la personne de Jésus, d’une renonciation à toute préoccupation terrestre, d’une véritable oblation à Dieu qui force le respect. Elle semble en communication directe avec Lui et accepte ses souffrances avec joie comme un cadeau du ciel. « Souffrance et bonheur du chrétien » disait Mauriac. Sa vie d’artiste lui apparaît non comme une période marquée par le péché, mais comme du temps perdu dans son cheminement vers Dieu. Sans volonté d´édification ni de prosélytisme, Mme Lavallière s´épanche et nous touche par son ardeur et sa sincérité :
« Jésus, dans son amour sublime, daigne m´accorder à moi, la souillure, des grâces de Lumières et d´Amour incomparable. Mon bon cher Monsieur le curé, il me faudrait ma vie, mes jours, mes nuits, pour donner un aperçu de tout cela. Je suis la plus vile des misères, la plus souillée, l´égout, et Jésus m´entoure, me protège, en un mot m´aime, et je le sens, cet Amour, il est pour ainsi dire palpable ! Voilà Dieu dans toute son infinie Miséricorde »
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