Théâtre complet
de Euripide

critiqué par Jules, le 1 octobre 2004
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
La vengeance d'Hécube
Hécube était la femme de Priam et donc la reine de Troie. La pièce se situe au moment où la victoire des Grecs est consommée. Ils ont brûlé la ville, tué et massacré ses habitants y compris les femmes, les vieillards et même les enfants. Les quelques survivants seront amenés comme esclaves.

Tous les enfants d’Hécube et de Priam ont été tués sauf trois : leurs filles Polyxène, qui est toujours avec elle et Cassandre devenue l’esclave et la maîtresse d’Agamemnon ainsi qu’un de leurs fils, Polydore . Celui-ci avait été envoyé par Priam chez le roi thrace, Polymestor, avant le massacre. Il était trop jeune que pour combattre et emportait une belle quantité de l’or de Troie afin de subvenir à ses besoins.

Dès le début de la pièce, nous apprenons que Polymestor, roi avide, la victoire grecque à peine confirmée, s’est empressé de tuer son hôte Polydore pour lui voler son or.

Les Grecs veulent quitter les rivages de Troie, mais les vents sont contraires. Ceci serait le fait d’Achille qui exigerait le sacrifice de Polyxène sur sa tombe. Ulysse se voit alors chargé d’annoncer cette horrible nouvelle à Hécube et d’arracher l’enfant à sa mère. Or, il a lui-même une dette personnelle envers elle. Rien n’y fait, Polyxène sera sacrifiée.

Peu après, Hécube se trouve face au cadavre de son dernier fils, Polydore, qu’elle pensait en vie. Elle va supplier Agamemnon, le roi des rois, de la venger en tuant Polymestor. Agamemnon sera horrifié par ce meurtre d’un hôte mais n’acceptera pas sa demande. Polymestor est aussi l’allié des Grecs et Agamemnon ne désire pas que l’armée pense qu’il l’aurait mise en danger parce qu’il a Cassandre pour esclave, mais surtout dans son lit.

Tout ce que Hécube va obtenir c’est qu’Agamemnon accepte de fermer les yeux sur son projet de vengeance. Elle se vengera donc seule, et de quelle façon !…

La tragédie trouve bien sûr sa source dans les drames horribles qui se succèdent pour Hécube. Mais Euripide a aussi voulu soulever un second problème : celui qui est posé aux deux rois grecs. Agamemnon est devenu l’amant de Cassandre et a une sorte de devoir envers la mère de celle-ci. Quant à Ulysse, en d’autres temps, Hécube lui a sauvé la vie, alors qu’elle aurait pu le perdre. Que vont faire ces deux hommes ?… Céder à la dette personnelle ou à la raison d’état ? Ils n’hésiteront pas bien longtemps…

Euripide, par les questions qu’il pose, reste un auteur qui a conservé une grande actualité. Pour s’en convaincre, il suffit de lire ces quelques extraits :

Hécube à Ulysse :

« Les vainqueurs ne doivent pas abuser de leur pouvoir,
ni croire, étant heureux, qu’ils le seront toujours. »

Talthybios :

« Que penser, ô Zeus ? Veilles-tu sur les hommes
ou est-ce en vain qu’on t’en donne le nom ?
Est-ce faux, ce qu’on croit, qu’il existe des dieux ?
Le hasard seul a-t-il les yeux ouverts sur les mortels ? »

(Voir Rimbaud dans « Soleil et chair »)

Polymestor à Hécube :

« Les dieux se plaisent à tout confondre pour ainsi nous troubler,
et que le sentiment de notre incertitude
nous incite à les adorer. »

Et il en est bien d’autres…
Les racines de la tragédie 8 étoiles

Ce qu'il y a de fondamental, dans les classiques, c'est que leurs leçons passent les siècles sans prendre de ride. Ils traduisent la nature humaine.

Les pièces d'Euripide remplissent cette fonction à merveille, et constituent, sans que l'on ne s'en aperçoive vraiment, des éléments incontournables de notre bagage culturel.

Lire Euripide est donc fort agréable et instructif, mais aussi parfois un peu désespérant : l'homme ne change jamais vraiment

Fa - La Louvière - 49 ans - 25 juin 2007