Sang impur
de Hugo Hamilton

critiqué par Monito, le 4 octobre 2004
( - 52 ans)


La note:  étoiles
d'où sommes-nous et qui sommes-nous ?
Irlandais de naissance, fils d’un nationaliste irlandais viscéralement attaché à la langue gaélique comme expression identitaire et d’une mère allemande, le narrateur, l’auteur, nous raconte comment, enfant, la question de l’identité s’est posé à lui.
Un roman qui pourrait entrer dans la catégorie des classiques selon Colum Mac Cann…
Le style est simple, rythmé et c’est bel et bien par le biais du regard d’un enfant que nous voyons évoluer cette famille germano-irlandaise dans une Irlande récemment indépendante et manquant cruellement de confiance en soi.
L’usage interdit de l’anglais en faveur du gaélique et de l’allemand bouleverse cette fratrie, étrangère chez elle à double titre. Elle parle allemand après la guerre, elle parle gaélique et surtout par l’anglais…Elle en meurt d’envie, elle le fait parfois, au prix de coups de baguette…Car pour que l’Irlande soit l’Irlande, tous ses enfants doivent parler la bonne langue, pas celle de l’ennemi, pas celle du colon. Le père utilise ses enfants comme arme de restauration de l’esprit et de l’essence irlandaise. Ces enfants qui veulent, eux, être simplement comme les autres, pas des nazis, pas des irlandais…des enfants qui parlent et jouent comme les autres…
Ces enfants ne comprennent pas tout. Ils ne comprennent pas non plus ce film en noir et blanc, rapporté par bribes par leur mère. Des bribes de plus en plus claires, un film qui retrace l’Allemagne nazie telle qu’elle l’a vécue, telle qu’elle l’a soufferte…
Tout cela est émouvant et drôle à la fois. La jeunesse du narrateur permet de dédramatiser bien des choses tout en les pointant sérieusement du doigt. Il nous rappelle que nous jugeons trop, souvent trop vite…c’est l’histoire d’enfant « brack », tachetés, qui vivent, parlent dorment et rêve en allemand, en irlandais, en anglais…dans un monde où il faut appartenir à une catégorie seulement, les bons ou les mauvais, mais nous sommes tous bons, tous mauvais, tous tachetés…
Intégration de cultures 8 étoiles

Le récit d'une enfance dans une famille dont les parents ont été marqués par leurs pays d'origine.

Pour lui, l'Irlande, dont il faut impérativement sauver les traditions pour ne pas être avalé et digéré par l'Angleterre, voisin ennemi. Ce sauvetage passe impérativement, à ses yeux, par la conversation de la langue. Ce sera le combat de sa vie, combat qu'il imposera à ses enfants sans que ces derniers n'en comprennent les raisons, les causes, les aboutissements. Ce sera là, paradoxalement, la première difficulté rencontrée par ses enfants pour pouvoir s'intégrer dans leur propre pays.
Pour elle, l'Allemagne, où elle a été physiquement abusée par son patron, qui reste SON pays, un pays qu'elle aime, bien que des images contradictoires se bousculent, se superposent. Tantôt une certaine douceur de vivre, tantôt le contexte de guerre, tantôt des souvenirs de bonheur, tantôt des images de violence. Elle évoquera cela auprès de ses enfants sous la forme d'un film où elle a un rôle actif, où elle est actrice et non pas le film où elle n'a été qu'un personnage qui subit leur laissant un parfum d'histoire permettant de transmettre ce qu'elle a vécu sans que cela soit empreint de la réalité des violences. Cette origine étrangère sera la seconde difficulté à porter pour traverser leur intégration.

Lui est dur, exigeant, empreint de réalisme. Elle est douce, accommodante, rêveuse. Tous deux, à leur façon, aiment leurs enfants mais s'ils vivront plutôt dans un milieu aimant pour l'époque, la violence sera une notion toujours présente à leur esprit et même physiquement.

Le narrateur a volontairement choisi le parti pris de se remettre à la place de l'enfant, de raconter avec ses mots ce qu'il voit avec son regard et perçoit avec son âge. Cela permet de communiquer son ressenti sans qu'il soit nécessaire de s'étendre longuement.
Au final, la richesse du livre n'est pas tant dans les faits car il ne se passe que peu de choses, mais dans les nuances de perception de l'enfant auteur, dans leur évolution dans le temps.

Un ouvrage intéressant, sensible que l'on peut décider de recevoir uniquement à ce niveau pour en savourer la fraîcheur, mais que l'on peut aussi refermer avec la volonté de prendre du recul en s'interrogeant sur la façon de vivre son attachement à une culture, à l'usage que l'on veut en faire, à la juxtaposition de plusieurs au sein d'un cellule familiale, à l'intégration, aux intérêts de l'enfant tant ceux qu'il a que ceux que l'on décide pour lui.

Un livre qui ne laisse pas indifférent, où l'on trouvera de quoi se poser quelques questions, ou de se laisser promener dans ce monde si particulier de l'enfance, ou de découvrir une vie militante, une vie en Irlande.

Mimi62 - Plaisance-du-Touch (31) - 71 ans - 26 août 2019


Brack people 9 étoiles

Hugo Hamilton raconte son enfance dure mais heureuse, par dessus tout intense en tout : en amour, en violence, en haine, en douleur, en culpabilité, en poésie, en tolérance, en silence.

Comment grandir en portant, en plus du poids de sa propre famille, le poids de ses origines et de sa nationalité.
Comment accepter d'être par nature coupable de faits passés dont on n'imagine même pas la cruauté.

Etre Boche et Paddy à la fois, apprendre à haïr les Brits sans comprendre pourquoi, savoir être brack, tacheté, dans cette société irlandaise qui s'auto-détruit à force de lutter pour sa reconstruction.

Le style est superbe, épuré, naïf et poétique.

Certains reprochent à ce roman de ne pas évoluer, de ne pas laisser place à l'action; j'y répondrais que c'est justement la plus belle des actions qu'il nous est donné de lire ici : la naissance et la construction d'une personne nouvelle, tournée vers l'avenir, dont l'enfance a pourtant été résolument plongée dans le passé.

Lu7 - Amiens - 38 ans - 7 juillet 2011


Simple et touchant 8 étoiles

L'histoire, venu la bouche d'un enfant est raconté simplement, oui, mais sans fioritures inutiles. On nous raconte le quotidien d'une famille brisée dans deux pays. On aborde des sujets épineux sans grand scandale: et plus le récit va, évolue, on s'attache. Ce livre raconte le fardeau de jeunes enfants avec un père refusant l'Irlande s'anglicisant, et une mère rêvant de l'Allemagne.

Certaines lignes sont remplies de poésie. J'ai aimé l'écriture simple, mais touchant, sans trop. Je le recommande.

Courgette - - 32 ans - 9 avril 2010


Double nationalité 3 étoiles

Outre le fait que cette autobiographie cerne bien la particularité d’être né d’une mère Allemande et d’un père Irlandais, il y’a très peu à se mettre sous la dent. L’exploit de l’auteur est d’avoir pu retenir autant de choses insignifiantes. C’est une collection de banalités. J’ai sauté de chapitres en chapitres en espérant la révélation d’un événement dramatique. En vain.


(Prix Fémina Étranger)

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 18 décembre 2009


Langue pure, langage monotone 4 étoiles

J'ai été passablement déçu par ce livre. Les critiques précédentes résument parfaitement les thèmes abordés et les qualités du roman (qui sont réelles) mais en soulignent également ce qui, à mes yeux, en fait le défaut : le style choisi par Hamilton (le langage d'un enfant) est certes frais, amusant et imagé mais lassant à la longue. La structure narrative est en outre assez répétitive, ce qui rend la lecture rapidement monotone. Enfin, fallait-il en faire 250 pages ? A mon sens non, les thèmes développés dans les 50 premières n'évoluant pas, ou très peu, dans les 200 suivantes. Et comme il n'y a pas à proprement parler d'histoire, 200 pages à se répéter et à frapper sur le(s) même(s) clou(s), c'est long...

Erve - Jalhay - 58 ans - 28 septembre 2007


Mordre les vagues... 9 étoiles

Un très beau livre que ce « Sang impur » de Hamilton. Une écriture touchante et qui va droit au cœur. Le narrateur s’exprime avec toute la naïveté et la candeur d’un enfant qui essaie de comprendre le monde des adultes dans lequel il vit. Une enfance qui aurait pu être pire mais qui n’a pas été non plus des plus heureuses. Cette double nationalité du couple dont la mère est allemande et le père nationaliste irlandais pur et dur complique la vie des enfants qui ne savent plus quelle langue parler et qui finissent par tous se sentir coupable et se cacher pour parler anglais. Le personnage du père est marquant. Son combat acharné pour conserver la langue irlandaise est admirable certes mais, tout comme le chien qui essaie de mordre les vagues, combattre la marée anglaise est bien inutile et épuisant. Ce père est un lettré, ancien instituteur et ingénieur qui travaille pour la compagnie de l’électricité. Il aime se battre et agit comme un véritable despote dans sa famille, interdisant la langue anglaise dans sa maison et obligeant ses enfants à parler l’irlandais, une langue tombée en désuétude, remplacée de plus en plus par l’anglais. Les corrections physiques ne manquent pas. Je n’ai pas détesté ce personnage, il m’a semblé vouloir faire de son mieux pour sa famille et j’ai éprouvé de la peine à sa mort. La mère est douce et bonne. Elle aime ses enfants et s’efforce de réparer les duretés du père envers eux. Elle a quitté l’Allemagne, honteusement abusée par son ancien patron, pour faire un pèlerinage en Irlande. Elle y a rencontré son futur mari et refait sa vie sans toutefois oublier son passé pour le raconter à ses enfants sous forme de film dont elle est l’actrice principale. Elle éprouve cependant le mal du pays et ne cesse de rêver de son retour en Allemagne. Les thèmes qui ressortent de ce récit sont bien entendu le problème de la langue en Irlande, un thème qui revient à toutes les pages ou presque du livre. La difficulté à s’intégrer socialement quand on a deux nationalités distinctes est aussi très bien démontré. J’ai beaucoup aimé lire cette histoire malgré plusieurs redondances mais j’ai l’impression que c’était voulu. Certaines phrases reviennent régulièrement et ça m’a un peu agacée mais dans l’ensemble, c’est touchant de vérité et de nostalgie. J’ai trouvé la fin admirable.

Dirlandaise - Québec - 69 ans - 5 avril 2006


La lecture de Patryck Froissart 10 étoiles

Auteur : Hugo Hamilton
Titre : Sang impur
Traduit de l’anglais par Katia Holmes
Genre : roman
Editeur : Phébus
ISBN : 2752900171


Comment un enfant voit-il notre monde ? Comment se situe-t-il dans cet univers de violence, de guerres, de haines racistes ? Qu’y comprend-il ?
Le regard de l’enfant, voilà le point de vue adopté par Hugo Hamilton dans ce roman prenant, dont le narrateur est Hamilton redevenu petit dans une société de grands.
Très autobiographique, le roman est dit par la voix narratrice d’un enfant d’une famille « mixte » : mère allemande, père irlandais.
Le couple s’installe en Irlande, après la deuxième guerre mondiale. Les enfants naissent Irlandais, mais portent des Ledrehosen venus tout droit d’Allemagne, et des chandails d’Aran tricotés à la main. La mère, Irmgard, nostalgique du pays qu’elle a quittée, porte sur elle, bien qu’elle vienne d’un milieu anti-nazi, toute la faute de l’Allemagne hitlérienne, et ses enfants sont traités constamment de boches nazis par leurs condisciples, alors que certains milieux irlandais, dans leur haine de l’Angleterre, la félicitent d’avoir « donné la raclée » à l’ennemi séculaire.
Le père fonctionne sur des règles strictes, qu’il crée, et qu’il impose à tous. En premier lieu, chacun est tenu d’adhérer à son nationalisme irlandais si extrémiste qu’il en est ridicule et suspect, y compris aux yeux de la plupart de ses compatriotes. Il faut dire qu’il a un grand-père qui a combattu dans la marine anglaise, et qu’il se sent tenu de réparer cette trahison familiale en se faisant plus nationaliste que quiconque.
Les enfants sont obligés de parler l’irlandais, et ils sont les seuls à le faire dans le village, dont les habitants sont devenus anglophones depuis belle lurette. Tout mot anglais prononcé en présence du père est sanctionné d’une bastonnade.
La cruauté quotidienne des rapports entre les gens du quartier, l’esprit borné d’un père pitoyable qui rate, par ailleurs, l’une après l’autre les entreprises farfelues qu’il met en œuvre pour tenter d’améliorer la situation familiale, les souvenirs entrevus, bribe par bribe, de la jeunesse de ces parents singuliers, en particulier l’esclavage sexuel auquel la mère a été soumise dans sa jeunesse par un patron ayant des relations dans le parti national-socialiste, ou l’aveu par le père de sa vocation contrariée à la prêtrise, les tiraillements entre les deux langues et cultures des parents, sont autant d’éléments qui s’offrent à intense et lucide interprétation du monde des adultes, apparaissant comme pas très beau, par le jeune narrateur.
Un humour frais, teinté de l’innocence de l’enfance, baigne le tout.
Le lecteur sort du roman peut-être un peu plus pessimiste, s’il conservait encore quelque illusion quant à « l’humanité de l’homme ».
Je préconise un remède, pour retrouver la volonté de se battre pour espérer un jour changer les choses : se (re)plonger immédiatement dans le magnifique livre d’Amine Maalouf : Les identités meurtrières…
Patryck Froissart, le 28 février 2006



FROISSART - St Paul - 77 ans - 28 février 2006


Enfance dublinoise 9 étoiles

Quel texte fort et émouvant que celui-ci. Un homme qui se raconte et partage son déchirement entre les batailles menées par son père irlandais et les silences consentis par sa mère allemande.
Racines doubles dans un pays tiers que Hugo Hamilton narre avec humour, tendresse mais aussi amertume, on devine la souffrance derrière tout cela.
Son père est un obsédé du verbe, rien ne peut se dire en anglais, tout doit s'exprimer en irlandais pure souche (le gaélique) ou en allemand sous peine de brimades et de gifles. Apprentissage violent étalé dans ces pages qui transpirent la colère. Comment pourrait-il en être autrement? Comment, même en comprenant le désir profond de ce père tyrannique, accepter les violences subies par sa famille au nom d'un idéal linguistique et personnel?
Face à ce père par moments complètement fou s'oppose le mutisme désabusé d'une mère débarquée d'Allemagne, un pays qu'on ne dissocie pas du nazisme. Lourd fardeau pour Hugo Hamilton qui rend à travers ses belles lignes un vibrant homme à cette femme qui a tenté du mieux qu'elle pouvait de le combler d'amour.

Je me suis sentie complètement envahie par ces lignes, par cette révolte contre l'ennemi impérialiste dont la langue est bannie à table, par cet amour de la patrie irlandaise qui conduit à tous les extrémismes, par l'idéal d'un homme qui sacrifie le bonheur des siens au nom d'une cause... Oui, tout cela est fort, très fort, comme un hommage à des parents restés jusqu'au bout fidèles à eux-mêmes et à leurs espoirs enfouis.

Sahkti - Genève - 50 ans - 20 avril 2005