L'impudence des chiens de Aurélien Ducoudray (Scénario), Nicolas Dumontheuil (Dessin)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Adultes

Critiqué par Saigneur de Guerre, le 17 septembre 2022 (Inscrit le 11 juin 2022, 66 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 717ème position).
Visites : 1 907 

Bien plus historique qu'on pourrait le croire !

Le Comte de Dardille se fait du souci ! Beaucoup de soucis ! Le brave homme, militaire dans l’âme, mais retiré depuis peu des champs de bataille, est marié à une splendide comtesse, Amélie de Figule, qu’il n’arrive point à satisfaire comme il conviendrait à un époux afin ne fut-ce que de s’assurer une descendance qui puisse porter fièrement le nom des Dardille et le transmettre aux générations futures. Son épouse ne saurait imaginer sa vie sans donner naissance à des enfants… Et comme la procréation assistée n’est pas encore au point en ce siècle des lumières, son mari se doit de faire monter son « sabre » aussi haut et fièrement que possible pour ensuite décharger son patrimoine génétique dans la gente dame.
Celle-ci a donc fait appel au « Congrès ». Mais qu’est-ce donc ? C’est une épreuve où, sous l’œil de Dieu et d’un public, le mari doit prouver son « adresse à contenter bibliquement son aimée ». Dans le cas où il échouerait, le mariage est annulé et la femme, reprenant sa liberté, est libre d’épouser un autre homme.
Complètement désespéré, notre brave comte fait appel à un expert, le marquis dit « le Membré »… Allez savoir pourquoi !
Celui-ci va l’entraîner dans une quête afin de permettre au comte de faire jouer sa virilité et de réussir l’épreuve du Congrès haut la main, ou plutôt haut le…

Critique :

J’aime, quand après une lecture, j’ai le sentiment d’avoir appris quelque chose. Je n’en croyais pas mes yeux en lisant cette histoire de « Congrès », trouvant que l’auteur ne manquait pas d’imagination… Mais comme un petit doute me tenaillait (serait-ce possible, après tout ?) j’ai effectué quelques recherches… Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que le scénariste, Aurélien Ducoudray, n’avait en rien exagéré ! Je vous renvoie vers le site « Histoire pour tous », qui, mieux que moi, vous expliquera en quoi consistait cette pratique avec pour exemple, le cas du marquis de Langey. Ainsi donc, si l’histoire vous paraît croquignolesque, elle n’en repose pas moins sur une vérité historique propre à la France.
Vu l’époque, le langage employé fleure bon celui de Molière ou celui de Corneille et permet d’adoucir le propos qui aurait pu déraper fâcheusement et sombrer encore plus profondément que le Titanic, non dans l’Atlantique Nord, mais dans une sordide vulgarité.
Ce récit est aussi une dénonciation de l’hypocrisie propre à cette époque, la nôtre n’en manque pas, mais elle se présente d’une façon quelque peu différente.
La couverture donne le ton. Le trait, très caricatural et très cru de Nicolas Dumontheuil, n’invite pas à laisser de jeunes âmes innocentes poser leurs yeux sur des scènes de « débauche ».
Je ne me suis pas esclaffé en découvrant cet album qui contient des scènes assez parodiques, soit, mais j’ai été séduit par la découverte des mœurs de cette époque où la prostitution présentait, pour ceux qui en avaient les moyens, des mises en scène bien plus riches et variées que ce qu’on pourrait imaginer.

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Quand la justice farfouillait sous nos draps

8 étoiles

Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 5 novembre 2022

Pour leur première collaboration, Nicolas Dumontheuil et Aurélien Ducoudray ont opté pour une fable burlesque haute en couleurs, en prenant pour thème une pratique qui avait cours au temps du Roi Soleil : le « Congrès » ! Méconnue pour la plupart d’entre nous et si saugrenue puisse-t-elle paraître, cette pratique permettait à une épouse d’annuler son mariage pour cause d’impuissance de son époux. Devant une assistance composée de juristes, d’ecclésiastiques (sic !) et de témoins, le mari avait pour obligation de démontrer qu’il avait la capacité d’« honorer » sa conjointe et que son « appareil reproducteur » était en état de marche. Bien sûr, aucun voyeurisme là-dedans (qu’allez-vous chercher, voyons ?), le but étant de favoriser la croissance démographique, comme le préconisaient les textes saints… Pratique odieuse et humiliante s’il en était, le « congrès » aura duré plus de cent ans (en France uniquement !) avant d’être aboli en 1677.

A la lecture de l’ouvrage, on sent bien que les auteurs se sont emparés du sujet avec une certaine jubilation. Aurélien Ducoudray nous sert un scénario coquin qui suscite nos interrogations tout au long du livre : le pauvre Comte de Dardille retrouvera-t-il sa vigueur sexuelle grâce à l’intervention avisée de son ami « membré », dit « le Marquis » ? Celui-ci, persuadé qu’il peut redresser… la situation, va accompagner le Comte dans des hauts lieux de perdition prévus pour rendre sa « raideur » à un mort, tout raide soit-il déjà… Pour les textes, Ducoudray a pris un soin tout particulier à respecter le beau langage de l’époque tout en le rendant compréhensible au lecteur du XXIe siècle, se payant même le luxe de produire des rimes… Aurait-il convoqué les muses de Molière ? En tout cas, cet auteur excelle l’art des pieds et des versets, nous rappelant — au cas où on l’aurait oublié —, que la langue française est la plus belle du monde…

De même, la partition graphique est gérée de main de maître par Nicolas Dumontheuil. Son trait n’a jamais été aussi énergique, tout en exubérance, et quel meilleur adjectif que « baroque » pour le qualifier ici, dans ce contexte historique « Ancien Régime » ? L’auteur de « Qui a tué l’idiot ? » ne connaît pas la ligne droite, et c’est bien ce qui rend son dessin si vivant ! Les bâtiments ont l’air de danser au rythme des personnages, eux-mêmes dotés de mines très expressives. Tout cela confère à l’ensemble un air de farandole échevelée. Et que dire de la multitude de détails qui ornent chaque page ? Nos yeux ne savent plus donner de la tête qui, elle, en reste étourdie… C’est du grand art, un plaisir de bédéphile.

« L’Impudence des chiens » s’avère une fable tragi-comique réjouissante, et l’on sait gré aux auteurs de ne pas être tombés dans le piège de la lubricité, ce qui, vu le sujet traité, aurait été facile… Bien au contraire, ils ont adopté le ton juste et réussissent à s’amuser du rite odieux d’une époque heureusement révolue, dont aujourd’hui on a peine à croire qu’elle ait vraiment existé. Si par son crayon élastique, Dumontheuil aime à rendre hommage aux formes féminines, il n’en va pas de même pour les hommes, très peu à leur avantage en tenue d’Adam… et lorsqu’ils sont habillés, leurs perruques démesurées de paons ridicules ne constituent pas forcément des invitations à l’amour… Je ne dirai rien du dénouement et de la scène finale, aussi hilarants qu’inattendus, mais le petit message à l’adresse des hommes de guerre, dont l’érection semble plus souvent stimulée par les canons, est des plus — passez-moi l’expression — jouissif.

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